La junte au pouvoir en Thaïlande a annoncé un projet de loi informatique lui permettant d'accéder à tout ordinateur en cas d'"urgence", une initiative dénoncée mercredi comme un bâillon supplémentaire des voix critiques.
Le projet a été proposé cette semaine par un comité gouvernemental, en pleine cyberattaque mondiale "WannaCry": "une coïncidence", a assuré mercredi à l'AFP le général Pisit Pao-in, un des membres du comité.
Il s'agit de créer un "Comité de cybersécurité nationale" qui serait dirigé par le chef de la junte, le général Prayuth Chan-O-Cha. Celui-ci serait autorisé à accéder aux ordinateurs de n'importe quelle compagnie ou particulier sur simple autorisation judiciaire.
Et en cas d'"urgence nationale", les autorités pourraient même se passer d'une autorisation judiciaire et ne la demander que rétroactivement.
"Par urgence, nous voulons dire une menace imminente contre une large section de la société ou qui met en danger le pays", a tenté de rassurer le général Pisit Pao-in.
Mais dans un pays dirigé par les militaires depuis près de trois ans, après un coup d'Etat contre un gouvernement démocratiquement élu, l'annonce fait grincer des dents.
D'autant que la Thaïlande a une longue histoire d'utilisation de sa législation de régulation du web pour faire taire les critiques.
"Le vrai but, c'est de contrôler les communications sur internet et les réseaux sociaux et de supprimer les critiques contre le gouvernement", a critiqué le groupe Thai Netizen Network, qui surveille de près les tentatives de contrôler l'internet.
La loi thaïlandaise la plus controversée dans ce domaine est le Computer Crime Act de 2007, renforcé en décembre dernier: elle interdit désormais de télécharger des contenus "immoraux" et renforce les pouvoirs de surveillance des autorités.
Cette annonce intervient la même semaine où la Thaïlande a obtenu le retrait par Facebook de plus de 200 pages jugées lèse-majesté sur un total de 300 identifiées par les autorités.
Celles-ci avaient menacé de bloquer le réseau dans le pays au motif de cette autre loi très controversée, souvent utilisée contre les internautes critiques de la monarchie. Parmi les internautes récemment arrêtés, un avocat spécialiste des droits de l'Homme risque jusqu'à 150 années d'emprisonnement.
Pour l'heure, en Thaïlande, Twitter, Facebook et Youtube sont accessibles, contrairement à la Chine. La "cyberpolice" se contente d'empêcher au cas par cas l'accès à des sites au contenu jugé sensible. Le site du journal anglais Daily Mail est ainsi bloqué en Thaïlande depuis la publication d'une vidéo concernant la famille royale.
En 2015, un projet de "Grande muraille" de l'internet en Thaïlande, sur le modèle chinois, avait suscité la controverse et avait été abandonné par les militaires.