Avec sa légalisation progressive, le cannabis fait son retour dans les assiettes en Thaïlande où il a été utilisé pendant des siècles avant son interdiction peu après la fin de la monarchie absolue
Le "pain rieur" ou encore la "salade joyeuse" ne font pas vraiment partie du menu habituel thaïlandais, mais un restaurant de Prachin Buri fait le pari de la cuisine au cannabis pour attirer les foules et réintroduire l'emblématique feuille fraîchement légalisée après des décennies de mise au ban.
Le restaurant de l'hôpital Chao Phya Abhaibhubejhr à Prachin Buri, à un peu moins de 200 km à l’est de Bangkok, a commencé ce mois-ci à servir des plats à la feuille marijuana, après que la Thaïlande a retiré le cannabis de la liste des produits stupéfiants, permettant ainsi aux entreprises agréées par l'État d’utiliser la plante connue pour ses propriétés médicinales.
Au menu, on trouve salade épicée, soupe de porc, pain frit au porc émincé, viande sautée, le tout cuisiné avec des feuilles de cannabis, des recettes autrefois prisées dans le royaume.
"Les feuilles de cannabis mises dans la nourriture ou même en petite quantité (...) cela aidera le patient à se remettre plus rapidement de la maladie", explique Pakakrong Kwankao, médecin et cheffe de projet à l'hôpital qui se félicite d’un retour aux traditions.
"La feuille de cannabis peut redonner de l'appétit et améliorer la qualité du sommeil ainsi que l'humeur, elle rend de bonne humeur", souligne-t-elle.
Cet hôpital figure parmi les pionniers en Thaïlande dans l’étude de la marijuana et ses propriétés pour soulager douleur et fatigue.
La Thaïlande est devenue en 2018 le premier pays d'Asie du Sud-Est à légaliser le cannabis à des fins médicales. Le royaume s’est depuis lancé dans la production et la commercialisation de l'huile et a ouvert de nombreuses cliniques spécialisées dans le cannabis médical, afin de tirer parti d’un marché mondial pesant plusieurs milliards de dollars.
Le mois dernier, les feuilles, les tiges et les racines de la plante, qui ont une faible teneur en THC, ont été retirées de la liste des stupéfiants, permettant aux organisations agréées comme les hôpitaux de les utiliser dans la nourriture.
En revanche, la consommation du cannabis à des fins récréatives reste toujours rigoureusement interdite.
"Je n'ai jamais pris de cannabis auparavant, ça fait bizarre mais c'est délicieux", se réjouit Ketsirin Boonsiri une cliente du restaurant.
Pour Nattanon Naranan, une autre cliente, le goût des feuilles de cannabis se rapproche de celui des légumes habituels, si ce n’est que cela produit certains effets assez différents.
"Cela me sèche la gorge et j'ai envie de sucreries", dit-elle.
Le vice-ministre thaïlandais de l'Éducation, Kanokwan Vilawan, a indiqué que la prochaine étape consisterait à proposer des plats thaïlandais réputés, en vue de toucher un public international.
"Nous prévoyons d'ajouter davantage (de cannabis) aux plats thaïlandais qui sont déjà renommés comme la soupe au curry vert, pour augmenter encore davantage la popularité de ces plats", a déclaré Kanokwan Vilawan.
On ne sait pas quand exactement le cannabis est arrivé en Thaïlande, mais il a été utilisé durant plusieurs siècles dans le royaume de Siam avant son interdiction en 1934 par Phot Phahonyothin, 2e Premier ministre de la toute jeune monarchie constitutionnelle née de la révolution de 1932 qui avait mis fin à la monarchie absolue. Le mot thaï pour cannabis est ganja (กัญชา) qui vient du sanskrit.
Le cannabis était utilisé de différentes manières dans la cuisine ou comme médicament, et était aussi prisé pour son effet euphorisant.
Si les feuilles contiennent très peu de THC, le restaurant de l'hôpital Chao Phya Abhaibhubejhr a tout de même pour principe de ne pas en proposer plus de cinq par client.