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JEERAPONG CHALORM – "En apprenant le français j'ai appris à penser autrement"

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Écrit par La rédaction de Bangkok
Publié le 22 janvier 2014, mis à jour le 27 février 2019

Jeerapong Chalorm était Délégué National de la Thaïlande au 8eme Forum des Jeunes de l'Unesco qui se tenait à Paris en octobre dernier. A 21 ans, ce Thaïlandais originaire de Phrae, dans le nord du pays, déborde d'ambitions, pour lui et pour son pays. Ce jeune francophone est notamment passé par la Chambre de Commerce Franco-Thaïe en tant que stagiaire au service événementiel et communications et par l'IRASEC comme interprète français-thaï, Jeerapong a des idées plein la tête. Avec un CV déjà bien rempli, cet amoureux de la France et de sa langue se sent très inspiré pour faire évoluer le système éducatif de son pays et éveiller les consciences. LePetitJournal.com Bangkok l'a rencontré

LEPETITJOURNAL.COM: Pouvez-vous nous expliquer votre rôle à l'Unesco?
Jeerapong CHALORM: Mon travail en tant que Délégué National de la Thaïlande au 8eme Forum des Jeunes de l'Unesco a été de proposer une stratégie opérationnelle pour la jeunesse, qui sera appliquée dans les pays membres de l’UNESCO de 2014-2021. L’objectif est le même pour chaque pays représenté, chaque pays doit proposer sa propre stratégie. Sur une vingtaine de candidatures en Thaïlande, mon dossier a été retenu, j'ai donc pu partir en voyage à Paris pour me rendre à l’Unesco.
Chaque pays membre de l'Unesco a ses propres spécificités. Lors de la conférence générale nous allons pouvoir parler de nos projets, savoir ce que nous pouvons proposer pour la jeunesse. Nous sommes nous-mêmes des jeunes, donc on est bien placé pour savoir ce qui est bien pour nous.

Que proposez-vous pour la Thaïlande?
En Thaïlande il n y a pas de Délégué permanent pour les jeunes. Ce que je souhaite faire, c’est créer des forums linguistiques et culturels pour les jeunes pour aider les jeunes de mon pays à se préparer à la vie active, pour leur faire connaitre leurs devoirs et leurs responsabilités en dehors des études, leur faire comprendre l’actualité de Thaïlande face à la mondialisation. Pour qu’ils deviennent des citoyens actifs et prêts pour le futur.

Comment vous est venue l’idée de ce projet?
Quand je vois la situation de la jeunesse en Thaïlande et j'ai envie de faire évoluer les choses. Ici, il n’y a pas la Commission Nationale de la jeunesse. Le problème, c'est que les jeunes ignorent le droit et la responsabilité. Quand on arrive à l'âge de 18 ans, c'est le moment pour nous d'aller voter et certains ne veulent pas aller voter, ils perdent donc ce droit (en Thaïlande, lorsque l'on ne va pas voter on perd son droit de vote, ndlr). Les enseignants n'encouragent pas les étudiants à discuter, débattre et à prendre conscience qu’ils ont un rôle actif à jouer dans la vie politique de leur pays.
En Thaïlande, j'ai l'impression qu'on ne nous laisse pas réfléchir. A l'école, il y a peu de devoirs rédactionnels qui nous permettraient d’écrire pour exprimer des opinions et nous aider à la réflexion. Il ne faut jamais contredire ce que dit l’enseignant. S’il te dit que c'est noir, alors c'est noir, même si c’est gris. Tu ne peux pas remettre en question ce que l'on veut t'apprendre.
Lorsque j'ai appris le français j'ai aussi appris l’esprit français, leur façon de penser. Je me suis alors rendu compte que je pouvais penser autrement, que je pouvais faire bouger les choses. J'aime apprendre l'histoire d'un pays, sa littérature et lorsque j’ai lu "Émile ou De l'éducation", de Jean-Jacques Rousseau, cela m'a fait réfléchir.
Je souhaiterais organiser un forum de débats à l'université pour encourager les jeunes à argumenter entre eux, les amener à confronter leurs idées. Il faut commencer petit à petit à faire changer les choses.

Est-ce que votre maitrise du français vous a aidé pour l’Unesco?
Oui, mon dossier de candidature n’était pas suffisamment déterminant pour passer devant les autres. Les examinateurs m’ont donc demandé de mettre en avant une spécificité pour me démarquer des autres candidats. Je leur ai dit que je parlais et écrivais français et que je pourrais présenter mon projet Unesco en français - j’ai ajouté aussi que j’avais participé à un projet humanitaire consistant à venir en aide aux sans-abris et aux orphelins de Malacca en Malaisie. Cela leur a plu.

Comment vous est venue cette passion pour la langue française?
J'ai commencé à apprendre le français au lycée, à 16 ans. Mon école est réputée pour sa bonne formation de la langue (Lycée Nareerat, dans la province de Phrae). Il y avait deux options, chinois ou français, et j'ai choisi français. C'était un peu difficile au début. Je vivais près d'un hôtel et j'aimais bien aller à la rencontre des étrangers pour échanger avec eux. J'apprenais quelques expressions comme "d’où venez-vous ?" et j'allais les utiliser directement avec les Francophones que je croisais là-bas. Ça m'a beaucoup aidé. J'ai beaucoup appris durant mes années d'études. A l’université, je me suis fait beaucoup d’amis français et j’ai participé à de nombreux évènements organisés par des organisations francophones. J’ai fait un stage à la Chambre de Commerce Franco-thaïe (FTCC) et aussi dans l’agence TLS Contact qui fait l’intermédiaire entre les demandeurs de visa et l’ambassade de France en Thaïlande. Tout cela m’a beaucoup aidé à développer mes compétences en français.

De quels types d’aides bénéficiez-vous?
Pour ma licence, j’ai obtenu une bourse universitaire qui prenait en charge les frais d’inscription à l’Université Thammassat, le logement, les frais de livres et une allocation de 4.000 THB par mois.
J’ai aussi décroché la bourse de l’ambassade pour permettre aux étudiants de découvrir des aspects de la France pendant un court séjour. J’ai ainsi pu participer en juillet dernier à l’initiation au film documentaire à Paris et Strasbourg lors d’un voyage de 18 jours.
Sur un autre plan, Christian Matthews de la médiathèque de Pattaya, que j’ai rencontré à la fête de la francophonie après un premier contact via Facebook, m’a donné beaucoup de livres – entre 100 et 200. Je les ai déposés à l’université car nous avons en projet de constituer une bibliothèque pour le département de français.
Aujourd'hui, ma motivation est de repartir en France pour mes études supérieures et obtenir un Master. La bourse que je pourrais obtenir (ERASMUS MUNDUS) est de 1.000 euros par mois, pour le logement, l'inscription et ce durant 2 ans, Master 1 et Master 2. Quant à la bourse Franco-thaïe, elle donne droit à 767 euros par mois. J’ai déposé ma candidature et je devrais avoir la réponse en mars. Si la réponse est positive je partirai en France pour la rentrée en septembre.

Qu’attendez-vous de ce séjour en France?
J'aimerais m'inspirer de l’esprit français et essayer de faire évoluer la jeunesse en Thaïlande. Quand on est jeune, on agit avec beaucoup de vitalité, de curiosité et d’entrain, on est vif, réactif, imaginatif, puis avec l’âge on devient blasé mais on ne veut plus rien changer. Ce que regrette dans mon pays c'est le peu de liberté d'expression, de liberté d'opinion dont disposent les jeunes. Il faudrait avoir la liberté de réaliser des choses faites par les jeunes pour les jeunes. On dit que la Thaïlande est un pays démocratique, mais on n’a pas de liberté d’expression ou d’opinion. Il faut leur accorder ça, c'est très important. J’aimerais que les jeunes en Thaïlande aient davantage de liberté pour s’exprimer en classe. Car aujourd’hui, il faut rester sage et ne pas dire un mot plus haut que l'autre. J’ai pu voir lors du forum en octobre à Paris que les Asiatiques restaient sages, faisaient attention de ne pas trop parler, alors que vous Européens, si vous n'êtes pas contents vous le faites savoir. Même si tout le monde n'est pas d'accord avec toi, tu peux dire ce que tu veux, ce que tu penses. Les Asiatiques n'ont pas l'espoir, n'ont pas le courage de le faire.

Comment vous avez trouvé Paris?
Je ne vais pas faire que des louanges de la France. Il y a aussi des aspects négatifs. Il y a beaucoup de monuments, c’est beau, c’est romantique, Paris, c’est une ville de l’amour. Je me suis bien amusé avec mes amis de l’Unesco. Nous sommes allés voir la Tour Eiffel, l’Arc de Triomphe. Mais ma maison a commencé à me manquer. On se sent seul à Paris, quand on demande de l’aide, c’est un peu chacun pour soi. Pour l’ambiance, j’aime la Thaïlande, pour les monuments, l’expérience, j’aime la France. J’ai appris beaucoup de choses en France.

Vers quoi souhaitez-vous orienter vos études?
Actuellement je suis en dernière année et je finis mes études en mars. Après il y a beaucoup de chemins qui s'ouvrent à moi. Je dois d'abord finir mon rapport pour l'Unesco car c'est mon travail pour le moment. Ensuite je voudrais décrocher la bourse Erasmus Mundus Europhilosophie, pour étudier les philosophies française et allemande contemporaines dans l’espace européen. J'aimerais apprendre les sciences-politiques et me spécialiser dans l'impulsion sociale de la jeunesse.
J'ai envie d'apprendre davantage la langue, pouvoir la parler parfaitement et travailler avec des Français. Je veux me faire une expérience en France et je suis motivé pour ça. Je ne sais pas encore dans quelle ville, il y a plusieurs lieux comme Paris, Strasbourg, Poitiers mais je dois avouer que Strasbourg m'attire le plus, c’est plus tranquille. Néanmoins je retournerai vivre en Thaïlande après, ma vie est ici.

Et après les études?
J’aimerais intégrer le Ministère thaïlandais des Affaires Étrangères, ou peut-être une entreprise française en Thaïlande, à l’Ambassade de France ou bien à la Délégation permanente de la Thaïlande à l’UNESCO. Il y a beaucoup d'épreuves avant d'y accéder mais je suis motivé.
Beaucoup de Thaïlandais pensent que le français est démodé, qu’il est peu parlé, et aussi ils ignorent qu’il y a de nombreuses entreprises françaises en Thaïlande – lorsque j’étais en première année, d’ailleurs, je ne connaissais pas d’entreprises françaises, mais cette idée fausse a vite changé quand j’ai fait mon stage à la FTCC.
Ce qui est fait au niveau des bourses c’est très bien, mais pour motiver davantage les étudiants qui apprennent le français, l’ambassade pourrait mieux indiquer les débouchés professionnels.

Contacter Jeerapong Chalorm par e-mail en cliquant ici

Propos recueillis par C.G., P.Q. et L.B. (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) jeudi 23 janvier 2014

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Publié le 22 janvier 2014, mis à jour le 27 février 2019

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