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CRISE POLITIQUE – Etat d’urgence à Bangkok, le gouvernement en difficulté

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Pierre QUEFFELEC - Les "Rouges"entendent rester devant la maison du gouvernement tant qu'Abhisit n'aura pas démissionné
Écrit par Pierre QUEFFELEC
Publié le 13 avril 2009, mis à jour le 2 août 2019

Au lendemain de la débâcle du sommet de l'Asean, le Premier ministre a promis hier d'employer la fermeté contre "les ennemis de la nation". Après avoir déclaré en vain samedi l'état d'urgence à Pattaya, il en a fait autant hier à Bangkok et les environs. Mais la situation pour Abhisit et son gouvernement semble s'être tout d'un coup terriblement compliquée

Dernière minute (8h10) : Les forces de l'ordre dispersent les manifestants, 68 blessés

Le Premier ministre Abhisit Vejjajiva a juré hier de prendre des mesures drastiques pour montrer que l'état de droit prévaut toujours en Thaïlande, tandis qu'il annonçait l'état d'urgence en début d'après-midi. Le troisième à Bangkok en huit mois. Cette annonce intervient au lendemain de la débâcle des autorités thaïlandaises à Pattaya, qui se sont montrées incapables samedi d'assurer la sécurité du sommet régional de l'Asean face à quelques milliers de manifestants (voir plus bas).

Des paroles de fermeté difficiles à traduire en actes

Mais ces paroles de fermeté, pas plus que l'état d'urgence n'ont empêché hier les ?chemises rouges? de se regrouper dans la capitale, bloquant plusieurs artères de la ville autour de la maison du gouvernement, tandis que plusieurs centres commerciaux fermaient prématurément leurs portes en milieu d'après-midi sous le regard hébété des touristes. L'armée thaïlandaise est généralement réticente à affronter les manifestants. Un incident a eu lieu au ministère de l'Intérieur lorsque des manifestants rassemblés là, ont attaqué un véhicule supposé transporter Abhisit, forçant les militaires à tirer en l'air pour les disperser, selon des témoins. Autour de la maison du gouvernement, ils étaient environ 40.000 manifestants à battre le pavé en fin de journée, plus décidés que jamais à venir à bout du jeune gouvernement qu'ils considèrent illégitime et inféodé "aux élites aristocratiques qui tirent les ficelles de la crise politique"(voir vidéo plus bas).

Abhisit dans le piège des rouges

Hier matin, l'arrestation de l'un des principaux meneurs de la manifestation de Pattaya, l'ancienne star de la pop thaïe, Arisman Pongreungrong, pour "avoir incité des manifestants à kidnapper le Premier ministre et d'avoir causé de l'agitation dans le pays", a apporté de l'eau au moulin des "chemises rouges".
"Ce pays fonctionne avec une justice à deux vitesses, nous dit un manifestant. [Le gouvernement] invoque le respect de la loi et arrête un de nos leaders au lendemain de la manifestation de Pattaya alors que ceux qui ont pris la maison du gouvernement en 2008 et bloqué les aéroports sont toujours en liberté", dit-il.
"Avec l'état d'urgence et l'arrestation d'Arisman, le gouvernement réunit les conditions pour nous rendre plus forts", a déclaré hier au Petitjournal.com Jakrapob Penkair, ancien ministre et parmi les principaux meneurs des "Rouges". "Nous sommes prêts s'il le faut à nous dispatcher un peu partout dans le pays autour des bâtiments gouvernementaux et augmenter la pression jusqu'à ce que le Premier ministre démissionne".

Des militaires et policiers subalternes avec les rouges

Des rumeurs de coup d'Etat ont circulé ces derniers jours, alimentées semble-t-il par un manque apparent de coopération des forces de police et militaires avec le gouvernement ces derniers jours.
Mais ce manque de cohésion semble plutôt provenir de la sympathie d'un certain nombre de fonctionnaires pour le mouvement anti-gouvernemental. Hier, dans le camp des "Rouges", des cars de police, bus et autres véhicules de l'Etat étaient parqués au milieu des avenues pour bloquer le passage et l'on pouvait voir des policiers sans uniforme se balader sur leur moto de fonction. En début de soirée, les manifestants annonçaient même avoir pris aux militaires trois des véhicules blindés légers envoyés dans le cadre de l'état d'urgence.
"Nous n'avons pas peur qu'ils envoient les forces de l'ordre pour nous déloger, a confié au Petitjournal.com le Lieutenant-Général de police Chat Kuldilok. Nous avons des militaires et des policiers avec nous. Les hauts fonctionnaires sont pour la plupart avec le gouvernement, mais plus l'on descend dans la hiérarchie, plus les "rouges"ont des sympathisants", dit-il.
Selon Jakrapob Penkair, les "chemises rouges"vont célébrer les fêtes de Songkran devant de la Maison du gouvernement. "Nous avons des DVD, des chanteurs, tout ce qu'il faut pour s'amuser, nous a-t-il dit, même si nous nous préparons contre d'éventuelles attaques. Les Thaïlandais aiment s'amuser, mais ils savent passer très rapidement à des choses plus sérieuses", a-t-il conclu.
P.Q. lundi 13 avril 2009

L'ambassade de France recommande à ses ressortissants de reporter les voyages non indispensables à Bangkok, jusqu'à clarification de la situation. Voir le communiqué

Dernière minute (8h10) : Les forces de l'ordre dispersent les manifestants, 68 blessés
Au moins 68 personnes ont été blessées à Bangkok ce matin après que les militaires ont lancé une opération pour disperser les manifestants, ont déclaré les services d'urgences. Les militaires ont dit avoir tiré en l'air pour disperser les manifestant qui auraient répondu par des jets de cocktails molotov. L'armée a fait savoir un peu plus tôt qu'elle avait tiré des gaz lacrymogènes dans une opération contre quelques centaines de manifestants sur une intersection de Bangkok. "Les militaires ont commencé l'opération de dispersion des manifestants à l'intersection de Din Deng", a déclaré à l'AFP le porte-parole de l'armée, le Colonel Sunsern Kaewkumnerd. Il a confirmé que les soldats avaient utilisé des gaz lacrymogène ajoutant que les manifestants avaient tenté d'envoyer une voiture contre les soldats, ceci n'ayant pu être confirmé par ailleurs. "Nous allons commencer avec la manière douce en allant vers des mesures plus rudes?. Nous éviterons des pertes humaines tel que le gouvernement nous l'a demandé."Les autorités n'ont pas cherché pour l'heure à disperser la manifestation principale au siege du gouvernement. Un photographe de l'AFP sur place à l'intersection de Din Deng a indiqué que les soldats avaient tire des douzaines de rafales en l'air après que plusieurs centaines de manifestants ont jeté des bouteilles, des pierres et des cocktails Molotov. Les manifestants se sont retranchés dans des rues mais ses ont regroupés, des renforts "Rouges"arrivant. Les leaders des manifestants ont aussitôt condamné l'usage de la force par le gouvernement, accusant depuis leur scène devant la maison du gouvernement les militaires d'avoir tiré dans la foule. Parmi les 68 personnes transportées à l'hôpital, deux présentaient des blessures par balles, selon un médecin. Les médecins officiels ont nié les rapports communiqués par une radio privée des manifestants faisant état de 6 morts. L'armée est généralement réticente à affronter les manifestants, le pays ayant été marqué par plusieurs répressions sanglante de mouvements de protestation en 1976, 1992 et en octobre dernier. L'état d'urgence interdit tout rassemblement public de plus de cinq personnes et donne le pouvoir aux autorités de détenir des suspects jusqu'à 30 jours sans charges. Abhisit, en difficultés, est contraint de résoudre ces turbulences politiques après l'humiliation de samedi lorsqu'il a dû reconduire en urgence par hélicoptère les dirigeants des principaux pays d'Asie en raison de l'annulation du sommet de l'Asean+6 sous la pression des manifestations. (Lepetitjournal.com assurera un suivi des événements tout au long de la journée) (LPJ avec AFP - 13/04/2009)

Mise à jour (9h25): Arrestation de manifestants.

Plusieurs manifestants ont été arrêtés lors de l'intervention de l'armée ce matin à l'aube, selon le porte-parole du gouvernement Panithan Wattanayagorn. Ils ne sont pas blessés, a-t-il ajouté sans donner plus de précisions. Par ailleurs, selon The Nation, les chemises rouges auraient introduit un camion chargé de bonbonnes de gaz dans un complexe résidentiel de Din Daeng. Ils auraient demandé aux habitants des appartements d'évacuer les lieux. Des journalistes qui couvraient les manifestations autour du siège du gouvernement ont également été contraints de quitter les lieux, après des menaces des dirigeants du mouvement rouge, qui les accusent de partialité. Les manifestants leur auraient déclaré qu'ils ne se portaient pas garants de leur sécurité, selon The Nation.

(LPJ - 13/04/2009)

Mise à jour (17h10): Reprise du trafic à Victory Monument, les Rouges se replient sur Government House

Les affrontements se sont poursuivis jusqu'en milieu de journée autour de Victory Monument. Les manifestants, quelques centaines dans cette zone, étaient en possession de cocktails molotov. Les chemises rouges avaient bloqué plusieurs des avenues qui mènent à la place principale, à l'aide de bus, qui avaient été réquisitionnés auparavant dans les rues de la ville, semble-t-il. L'armée a progressivement repoussé les chemises rouges, en utilisant des gaz lacrymogènes et en tirant des coups de feu. Certains témoins indiquent avoir vu les soldats tirer en direction des protestataires. Le porte-parole de l'armée assure que les balles tirées en direction de la foule étaient des balles à blanc, tandis que celles tirées en l'air étaient réelles. Il n'y a pas eu de nouveaux blessés, mais le bilan des affrontements de l'aube s'élève désormais à 70 blessés, dont 23 soldats.
L'armée affirme avoir repris le contrôle de 5 secteurs contrôlés par les manifestants : Victory Monument, où le trafic a repris en partie, le carrefour de Tuek Chai, celui de Makkasan, la zone en face de Channel 5 et le carrefour de Din Daeng. Arisman Pongruengron, l'un des leaders des chemises rouges, qui était notamment à la tête du mouvement de samedi à Pattaya, a été arrêté et placé en garde à vue.

Le camion-citerne contenant du gaz liquide, qui avait été garé dans la matinée devant King Power, a été déplacé. Même chose pour celui qui se trouvait près d'un complexe résidentiel de Din Daeng. Il avait été envisagé d'évacuer les résidents, par crainte que les chemises rouges ne fassent exploser l'engin.
Dans l'après-midi, les chemises rouges ont rejoint leur base autour du siège du gouvernement. Le porte-parole du gouvernement a affirmé que des mesures allaient être prises pour sécuriser les ports et les aéroports. Une demi-douzaine de pays ont mis en garde leurs ressortissants contre les déplacements à Bangkok.

(LPJ - 13/04/2009)

Le gouvernement et la Thaïlande perdent la face après le fiasco du sommet Asean
Le cuisant échec de Pattaya risque bien entendu de coûter très cher à Abhisit et son gouvernement. Les images télévisées des dirigeants des principaux pays d'Asie évacuant en urgence en hélicoptère la station balnéaire, ont anéanti trois mois d'efforts à réhabiliter l'image du pays sur la scène internationale, remarquait hier la presse thaïlandaise qui a globalement incriminé les deux parties pour l'annulation du sommet. Une perte de face que les Thaïlandais auront du mal à digérer, notent plusieurs analystes. Pris d'assaut samedi par des hordes de manifestants dans une atmosphère de chaos total, le sommet asiatique de Pattaya a été reporté sine die et l'état d'urgence décrété durant six heures dans la ville et ses alentours. Recourir à l'état d'urgence alors que le sommet avait déjà été annulé et que les manifestants se dispersaient, était inutile selon Sunai Pasuk, conseiller auprès de l'ONG Human Rights Watch. Débordant les forces de l'ordre, des centaines de "chemises rouges"ont fait irruption samedi en début d'après-midi à l'intérieur du complexe hôtelier de luxe surplombant le golfe de Thaïlande où le sommet avait débuté vendredi. Avant cela, ils avaient déjà bloqué les rues de Pattaya à l'aide de centaines de taxis. La situation avait été compliquée le matin par l'arrivée sur les lieux de "chemises bleues", des militants pro-gouvernementaux armés de bâtons et de bouteilles. Des échauffourées ont éclaté avec les "chemises rouges", faisant au moins 13 blessés. En faisant capoter le sommet, les "chemises rouges"ont prouvé que la crise thaïlandaise est loin d'être terminée, a estimé le commentateur politique Thitinan Pongsudhirak. (LPJ avec AFP ? 13/04/2009)

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