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MARC MICHIELSEN - "On peut résumer la nature des relations belgo-thaïes par le mot amitié"

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Écrit par Pierre QUEFFELEC
Publié le 17 février 2014, mis à jour le 31 juillet 2020

En poste depuis 2012, l'Ambassadeur du Royaume de Belgique en Thaïlande, Marc Michielsen revient pour LePetitJournal.com sur près d'un siècle et demi d'histoire des relations belgo-thaïes, ainsi que sur l'année 2013 qui fut riche en événements diplomatiques, il nous parle aussi du rôle régional de l'ambassade et de la communauté belge en Thaïlande, au Cambodge, au Laos et en Birmanie

Diplomate depuis 1989 Marc Michielsen a d'abord suivi des études en droit à l'université d'Anvers avec un intérêt marqué pour l'international. Il a ensuite écrit un doctorat en sciences politiques à l'université catholique de Louvain. A l'issue de ses études, il hésite entre le privé et le public. Finalement, il choisit la carrière diplomatique. Au niveau multilatéral, il travaille au sein des délégations belges à l'OTAN et à l'UE. Au niveau bilatéral, il travaille à l'ambassade de Belgique à Dublin, puis à celle de Moscou. Il est associé aux activités de la cellule de la Présidence belge de l'OSCE. Puis, il devient porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Il occupe son premier poste d'ambassadeur à Sofia qu'il enchaînera avec celui de Bangkok. Il parle six langues: néerlandais, français, anglais, russe, allemand, et espagnol.

LePetitJournal.com - Que pouvez-vous nous dire sur ces 130 ans de relations diplomatiques entre les deux royaumes?
Marc Michielsen - Tout a commencé avec le traité d'amitié conclu il y a 146 ans. Il y a 131 ans ont été établies des relations diplomatiques entre les deux pays qui se sont approfondies par l'envoi de représentants diplomatiques dans les deux pays. Cette année nous célébrons le 110e anniversaire de notre présence diplomatique en Thaïlande.
Une étape importante dans le développement de nos relations fut la visite du Roi Chulalongkorn. Le souverain a visité trois fois la Belgique. En 1904, nous avons ouvert notre délégation en Thaïlande qui est devenue ensuite une ambassade.
Au niveau économique, avant la première guerre mondiale, la Belgique figurait parmi les cinq puissances industrielles mondiales. Tout comme à Sofia, où j'ai également été en poste, le tramway de Bangkok a été construit par les Belges à la fin du XIXe siècle. Les années 1970-1990 voient se développer les investissements belges, avec des sociétés comme Electrabel, dans le domaine de l'énergie, Solvay, géant de l'industrie chimique, Umicore, aujourd'hui présent dans le secteur très spécifique du recyclage de métaux précieux. Les pierres précieuses constituent plus de 29% de nos exportations vers la Thaïlande ? une partie revient en Belgique une fois traitée, constituant 17% des exportations thaïlandaises vers la Belgique.
Ces grands investisseurs sont toujours actifs et développent leur présence comme Katoen Natie qui propose des services de logistique très intéressants faits sur mesure, c'est-à-dire qu'ils installent des unités directement chez leurs gros clients pour y développer la logistique.

---Soirée de gala donnée à l'hôtel Grand Hyatt Erawan en mars 2013 à l'occasion de la visite du Prince Philippe de Belgique - devenu roi en juillet 2013 (Photos Ashkan SHARIFI)
  

Pouvez-vous revenir sur les moments marquants des relations belgo-thaïes en 2013?
Début 2013 le Premier ministre thaïlandais a visité la Belgique. Yingluck Shinawatra a eu un entretien avec notre Premier ministre et son premier contact avec notre prince héritier. Il y a également eu un volet économique et commercial avec un forum d'affaires qu'elle a présidé et auquel ont participé les grandes compagnies thaïlandaises. Dix jours après, nous avons eu à Bangkok la visite de Son Altesse Royale le Prince Philippe - aujourd'hui roi - accompagné d'une centaine d'entreprises et de 150 hommes et femmes d'affaires (lire notre article). Pour la Thaïlande, il s'agissait de la plus importante mission économique en provenance de la Belgique. Pour le prince, c'était la dernière mission qu'il accomplissait en compagnie de la princesse Mathilde avant de devenir roi.
La mission a été perçue par tous comme un succès. Les chiffres économiques de 2013 sur les 8 premiers mois de 2013 affichent 18% d'augmentation des exportations belges, ce qui n'est pas négligeable. Nos échanges sont généralement en croissance, mais pas de manière aussi spectaculaire. La mission a sans aucun doute contribué à ces bons résultats. Outre un impact direct, cela nous a permis de jeter les bases pour des opérations commerciales futures. Une dizaine de protocoles d'accords (MoU) ont été signés à l'issu de la mission. La plupart devrait porter leurs fruits cette année. Ils portent par exemple sur la distribution des produits pharmaceutiques belges sur le marché thaïlandais, le partage de code entre les compagnies aériennes Thai Airways et Bruxelles Airways, ou encore sur une coopération pour la traduction de documents.

Que pouvez-vous nous dire sur le Traité d'amitié belgo-thaï qui a 146 ans cette année?
A ce moment, il y avait, côté belge, un intérêt économique pour le Siam. Comme premier pas, on a conclu ce traité qui a mené à l'approfondissement de nos relations, puis l'établissement des relations diplomatiques, et finalement l'ouverture d'une mission sur place. Ce que je trouve intéressant c'est que la Belgique et la Thaïlande commencent leurs relations bilatérales par un traité d'amitié. On peut en un mot résumer la nature des relations entre la Thaïlande et la Belgique: amitié.

Quid des relations entre les deux familles royales ?
Les relations entre les deux familles royales ont joué un rôle important. Tout d'abord la visite du Roi Chulalongkorn en Belgique en 1897, puis celle du futur roi, Léopold III, au début des années 30. Mais l'âge d'or des relations entre les deux maisons royales a indéniablement été l'époque du Roi Baudouin. Baudouin et Bhumibol étaient de la même génération, ils avaient tous deux étudié en Suisse, ils ont donc reçu une éducation semblable, et ils étaient tous les deux francophones. Ces deux monarques se sont fréquentés régulièrement  et ils ont noué une profonde amitié.
Les relations qu'entretiennent les maisons royales constituent un élément non négligeable dans la diplomatie, car si les relations entre ministres sont bien entendu importantes, les hommes politiques sont en poste moins longs que les monarques.

En quoi la francophonie de la Belgique est-elle un atout dans les relations avec la Thaïlande?
La Thaïlande a le statut d'observateur de l'OIF, et la famille royale de Thaïlande est francophone. La francophonie de la Belgique nous confère un certain avantage dans nos relations avec la Thaïlande.

L'ambassade de Bangkok est un poste régional qui couvre aussi la Birmanie (Myanmar), le Laos et le Cambodge, pays dans lesquels la Belgique ne possède pas d'ambassade. Pouvez-nous décrire brièvement l'état et l'évolution des relations entre la Belgique et ces pays?
L'ambassade de Belgique à Bangkok est une ambassade régionale. En Thaïlande, nous avons plus de 2 milliards d'euros d'échanges commerciaux, une communauté d'expatriées non négligeable, une forte présence touristique avec des visiteurs de courte et de longue durée. Nous avons en Thaïlande une ambassade d'une envergure au-dessus de la moyenne avec plus de 25 collaborateurs.
Pour ce qui est des autres pays de notre juridiction, le Cambodge est le pays le plus important en termes de présence économique et de communauté d'expatriés, nous y avons près de 150 Belges enregistrés. Le chiffre d'affaires est en croissance. Par ailleurs, les Belges du Cambodge sont pour une grande partie des acteurs du secteur des ONG. C'est une communauté paisible. Au Laos, pays enclavé d'environ 7 millions d'habitants, nous avons à peu près 80 Belges inscrits et quelques activités économiques. Le Myanmar, depuis la fin de la dictature, exerce une  fascination indéniable pour les hommes d'affaires. Au mois de mars 2013, deux missions économiques ont visité le Myanmar, et une troisième au mois de novembre dernier. Nous avons une vingtaine de Belges inscrits sur les listes consulaires et ce nombre monte vite. Ce pays  a un fort potentiel de développement.

Peut-on imaginer une ambassade belge en Birmanie (Myanmar) d'ici dix ans?
C'est un choix politique. Ce sera en effet une décision basée sur les perspectives qu'offre ce pays. Des élections législatives auront lieu fin mai en Belgique. Après ces élections, il y aura au niveau politique une réflexion sur le niveau de notre relation avec le Myanmar.
Pour l'heure, nous n'y avons pas de consul honoraire. Une première étape serait de trouver un consul honoraire pour représenter les intérêts de la Belgique. Une deuxième pourrait consister à mettre en place un "jeune diplomate" qui monterait une antenne et serait en charge des affaires courantes sous l'égide de l'ambassade de Bangkok. Une troisième étape serait ensuite de transformer l'antenne en ambassade.
Mais il ne nous est pas possible aujourd'hui d'envisager un calendrier, cela dépendra de l'évolution du Myanmar. Le caractère libre et juste des élections prévues en 2015 sera déterminant pour décider du caractère des relations que nous souhaitons développer avec le Myanmar. Pour l'heure, on peut dire que nous voyons un certain nombre d'indicateurs encourageants.

Quelles marques la Belgique a-t-elle laissées en Thaïlande?
Dans les relations diplomatiques, il est très important d'avoir des personnes et des choses emblématiques.
Le pont Belgo-Thai est emblématique des relations belgo-thaïes car il a été offert par la Belgique à la Thailande en 1989. Il était le premier "fly over" (tobogan) à Bangkok et a été monté en 24 heures! Un nouveau logo a été trouvé en organisant un concours avec l'aide d'une école d'architecture. Les travaux de modernisation ont été finalisés pour la venue du prince en mars 2013. Le Prince Philippe et la Princesse Mathilde ont pu inaugurer le nouveau logo et ont ouvert une exposition sur l'histoire du pont.
Pour ce qui est des personnages marquants, un homme emblématique qui reste dans la mémoire collective thaïlandaise fut le premier conseiller du Roi Chulalongkorn. Je parle de Gustave Rolin-Jaequemyns qui a reçu le titre de Chao Phya Abhai Raja, distinction la plus élevée jamais obtenue par un étranger. Gustave Rolin Jaequemyns est également connu comme un des fondateurs de l'Institut de Droit International. Cet institut a reçu le Prix Nobel de la Paix en 1904 et c'est le fils de Gustave Rolin-Jaequemyns qui l'a reçu au nom de l'institut.

Nous sommes engagés sur un nouveau cycle de manifestations qui risque de durer au-delà de ce premier trimestre, comment vous organisez-vous?
Nous appréhendons la situation politique en tenant compte de nos 2.300 expatriés, dont une bonne partie à Bangkok, et des 90.000 touristes belges qui visitent chaque année la Thaïlande. Nous observons la situation et informons nos administrés via le site internet du ministère. Nous communiquons aussi par e-mail aux belges enregistrés à l'ambassade.

Votre épouse est Béarnaise, quelle est votre relation avec la France, et plus particulièrement cette région du Sud-ouest?
Mon épouse est née à Pau. Je connais bien le Sud-ouest. Le Béarn est une région magnifique. J'aime ses montagnes, ses paysages, ses spécialités, ses vins. Ma femme est née à Pau. Elle a fait ses études de droit à Pau et à Bordeaux et des études d'art à Paris et à Bruxelles. Au mois de mars elle exposera un ensemble de mix media et de lithographies à Bangkok à la Neilson Hays Gallery. Il s'agit de sa première exposition solo en Thaïlande.

Propos recueillis par Pierre QUEFFELEC mercredi 19 février 2014
 

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