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LEGISLATIVES 2017 - Anne Genetet: "La politique n’est pas un métier, c’est un engagement"

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Écrit par Lepetitjournal Bangkok
Publié le 14 juin 2017, mis à jour le 8 février 2018

Arrivée largement en tête du premier tour de l’élection législative dans la 11ème circonscription avec 54% des voies, Anne Genetet était ce week-end à Bangkok afin d’aller à la rencontre de la communauté française. Lepetitjournal.com a profité de l'occasion pour lui poser quelques questions.

LEPETITJOURNAL.COM : Le premier tour s’est traduit pour vous par un vrai plébiscite, 54% des voix avec 14 candidats alors que vous n’êtes apparue que très tardivement dans la campagne. Pensez-vous le devoir davantage à l’effet Macron (ou "Majorité présidentielle") ou au fait que les Français verraient en vous une députée pouvant mieux répondre à leurs préoccupation que ne l’a fait le député sortant ?

ANNE GENETET : Je pense que c’est un mélange. C’est principalement un "effet Macron", et puis il nous a bien aidés avec sa prise de fonction, il a fait le job. Et puis les électeurs ne se sont pas trompés par rapport à tous ceux qui s’affichaient de la majorité présidentielle, ils ont bien compris qui représentait vraiment la majorité Macron.

Ensuite, j’avais quand même un déficit de notoriété, et je pense que si certains ont voté pour ma personnalité ils ne représentent qu’un nombre minime d’électeurs.

Par contre, il y a très certainement un besoin de renouveau. Ce n’est pas forcément que le député sortant a un mauvais bilan, je ne veux pas le critiquer d’autant qu’il était le premier (il a essuyé les plâtres) et il était dans l’opposition. Mais je pense qu’il incarnait une façon de faire de la politique qui est ancienne. Il a des années d’expérience, cela peut être un plus et il le défend comme tel. Je peux le comprendre: si moi en tant que médecin on me disait "tu as 30 ans d’expérience donc maintenant on va te remplacer par quelqu’un qui n’en a pas", cela me ferait un peu peur. Mais la différence est que la politique n’est pas un métier, c’est un engagement. Ce n’est pas nécessaire [d’être un professionnel de la politique], on le voit dans les pays du nord, on le voit en Suisse, les pays fonctionnent et ils avancent. C’est cela que nous apportons et qu’à mon sens les Français de l’Etranger sont allés chercher.

Quelle conclusion en tirez-vous quant au rôle du député des Français de l’étranger ?

Il faut faire preuve de beaucoup d’humilité. On est d’abord député, et ensuite élu des français à l’étranger. C’est une nuance importante, un député de la nation travaille pour 65 millions de Français et pas pour uniquement pour les 153.000 de la 11eme circonscription.

Ensuite dans la 11e circonscription, le lien par le biais de l’élection permet d’avoir un ensemble d’informations, des difficultés, des initiatives positives. Et c’est là que l’on retrouve la méthode Macron qui consiste à collecter tout cela pour le faire remonter et en faire une base d’études, d’analyse, de compréhension de la société.

L’esprit "Macroniste" fait que l’on part du terrain pour essayer de faire remonter les idées, même s’il y a aussi des gens qui travaillent au fonctionnement de l’Etat et qui vont mettre en place des choses. Il faut que les deux s’emboitent bien et que l’on ait à la fois du terrain et de l’expérience de l’Etat.

Dans ce cadre comment voyez-vous l’organisation et les priorités à donner à votre mandat de députée si vous êtes élue ?

Il faut absolument construire un lien entre les Français de la circonscription et le député. Je ne dis pas que rien n’a été fait jusqu’ici, mais il y a beaucoup plus à faire. Je pense donc qu’il faut s’appuyer davantage sur les conseiller consulaires. C’est un réseau existant qui fait un travail, mais on voit bien que ce n’est pas suffisant, sinon on n’aurait pas moins 30% de participation.

Ensuite il y a le réseau du comité En Marche pour le côté idées à faire remonter.

Troisième point, je veux un lien plus direct qui peut se faire par ma propre présence mais elle ne suffira pas car je ne peux pas me démultiplier. Il me faudrait donc par exemple l’aide d’une autre personne, en circonscription, qui puisse aller auprès des électeurs -j’aimerais beaucoup si l’organisation et les moyens à ma disposition me le permettent.

Sinon, je mettrai en place une plateforme Internet qui permettra d’établir un contact et un flux d’informations montant et descendant. Il est très important de tenir les gens au courant de ce qu’il se passe. C’est ce que font déjà certains sénateurs et il faut aller dans cette direction. Même quand on n’a rien à dire il faut le dire, au moins les gens se disent qu’on existe. La distance entre moi et les électeurs est énorme et le serait encore plus si je ne communiquais pas.

Cette plateforme servira aussi aux électeurs à remonter vers moi. Elle leur permettra peut-être d’avoir des forums d’échange entre eux.

Je veux à tout prix avoir un contact direct parce que c’est ce que j’ai toujours fait dans ma vie, j’espère que la quantité de travail ne m’empêchera pas de continuer.

Où serez-vous basée?

Je serai beaucoup à Paris, mais je ne vais pas y emménager. Je suis claire là-dessus, je reste habiter à Singapour, c’est ma maison, mais mon lieu de travail sera à Paris. Il faut donc que les échanges et les trajets entre les deux se fassent de la façon la plus intelligente possible.

Pour ce qui est des assistants parlementaires, je suis partie sur le projet de deux et demi : 1 ½ à Paris et 1 en circonscription. Il reste à voir si cela sera possible, j’ai encore des renseignements à prendre auprès de l’Assemblée.

Vous avez organisé plusieurs séances de rencontre avec des Français de Bangkok ce week-end, qu’en retirez-vous en quelques mots ?

Ce que j’ai vu c’est beaucoup d’acteurs économiques, qu’il y avait un grand dynamisme, que malgré les difficultés parfois liées aux contraintes imposées par le pays il y a quand même des possibilités, mais qu’il faut faire attention de ne pas venir de façon inconsidérée comme certains peuvent le faire. Il y a donc un peu d’information à faire pour éviter que des Français ne viennent comme on le voit parfois avec un baluchon et un aller simple.

J’ai aussi vu quelque chose de très intéressant, c’est qu’ici, les différents acteurs institutionnels ont l’air d’assez bien communiquer entre eux. Ce n’est vraiment pas le cas partout et j’aimerais comprendre pourquoi et voir si c’est transposable ailleurs.

Vous avez demandé à un groupe d’entrepreneurs français de Bangkok ce qu’ils pensaient de la relation qu’ils avaient avec les institutions représentant la France localement. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui motive cette question, ce qui ressort des réponses, et ce que vous entrevoyez de faire ?

J’ai trouvé les jeunes entrepreneurs assez seuls par rapport aux institutions. Ma question était : quelle relation ont-ils eu avec l’Etat français ? Je posais cette question pour comprendre si j’ai vraiment un rôle à jouer auprès d’eux et lequel. Très vite la discussion a dérivé sur l’école, ce que je peux comprendre car si l’on s’installe ici comme entrepreneur, à un moment on a une famille, des enfants, et si l’on ne peut pas mettre ses enfants à l’école on sera moins enclin à monter quelque chose ici. Pour beaucoup des gens que j’ai rencontrés la relation à l’Etat se situe donc principalement sur l’école qui est souvent leur seul contact avec les institutions.

Par contre, du point de vue du parcours d’entrepreneur, et c’est cela que je voulais essayer de comprendre, il semble y avoir peu de relation avec les institutions françaises existantes.

Cela fait écho au fait que les structures existantes ne sont pas forcément adaptées aux petites entreprises -elles se tournent plutôt vers les grosses- comme c’est un peu le cas partout. Mais j’ai quand même pu rencontrer dans d’autres pays des entrepreneurs qui me disaient avoir bénéficié du soutien d’institutions… Alors est-ce que cela veut dire que c’est une question de personnes, d’énergie, de temps, etc.? Je souhaite clarifier ce point et quand j’aurai compris tous les ressorts et tous les mécanismes je verrai ce que je pourrais proposer.

C’est une question qui m’intéresse parce que la présence française ce n’est pas que des écoles. Ce ne sont pas que les grands groupes non plus. C’est un tissu économique complet. En France le réseau PME c’est les trois-quarts du salariat. Les grands groupes, c’est utile, c’est très bien, mais il ne faut pas oublier les fournisseurs, les prestataires. Tout cela forme un tissu économique que, je trouve, il faut stimuler.

Avez-vous une idée de comment faire pour stimuler ce tissu ?

Pour le moment je suis toujours dans la compréhension des mécanismes du système de voir ce qui manque et en quoi je peux aider. Il ne faut quand même pas oublier que le député est là pour travailler sur la loi et évaluer le travail gouvernemental. Maintenant si l’exécutif peut parfois aider à ce que nos compatriotes soient mieux présents ici, plus dynamiques, plus entrepreneurs et donc fassent travailler le commerce extérieur de la France au bénéfice de la nation et des emplois en France, il faut y aller. Mais il faut d’abord comprendre leurs besoins, leurs mécanismes, savoir comment les organismes fonctionnent pour pouvoir faire un retour et travailler avec les gens à Paris qui pourraient avoir un impact et prendre des décisions qui soit cohérentes avec les besoins d’ici.

Vous estimez que les Français "attendent un renouveau, une autre façon de faire de la politique". Quels procédés nouveaux voyez-vous pour faire entendre la voix des Français de l’étranger, quels sont les leviers sur lesquels agir selon vous?

Je trouve qu’il serait intéressant qu’il y ait peut-être plus de cohésion entre les députés des Français de l’étranger pour qu’ils puissent parler ensemble de certains sujets, d’autant plus que certains sujets nous sont communs, si on parle de l’éducation ou la CFE par exemple. Donc je pense qu’il y a des choses à faire ensemble. Est-ce que ca a été fait ? Je vais essayer de comprendre. J’aimerais aussi beaucoup avoir une transmission de dossiers comme les ministres le font, donc j’aimerais bien après l’élection en parler à M. Mariani, qu’il puisse me transmettre ses dossiers en cours, m’expliquer comment il fonctionnait. L’acceptera-t-il ? En tout cas je le lui demanderai.

Vous placez l’accès à l’éducation parmi les sujets prioritaires à défendre pour les Français de l’étranger, notamment, je cite "l’accès à une scolarité française lorsque le réseau n’est pas accessible". Pouvez-vous développer ?

Par exemple, ce matin je discutais avec un jeune marié à une femme thaïlandaise, il nous expliquait qu’il avait un bon niveau de vie mais qu’il n’aurait pas les moyens de payer l’école française s’il avait des enfants. Il envisagerait donc plutôt d’aller vers des écoles anglo-thaïes, dans lesquelles il y a une éducation internationale avec la langue thaïe et une éducation anglo-saxonne. Là, je dis attention, car la vie est pleine de surprises et dans l’hypothèse d’un retour forcé en France, les conditions d’intégration d’un enfant issu d’un système que la France ne connait pas, qu’elle ne reconnait pas, parachuté avec juste sa langue maternelle, peuvent poser de gros problèmes.

Je pense que, dans le cas de ce monsieur, les parents pourraient faire en sorte qu’il y ait dans l’école anglo-thaïe des cours de français et le label France Education. Lorsque j’en ai parlé ce matin, personne ne connaissait autour de la table. Nous pouvons appuyer, aider à monter un dossier, ne serait-ce que le faire connaitre. Voilà une option dans le cadre d’un établissement existant.

En dehors d’une école existante, il existe aussi le label FLAM (Français LAngue Maternelle) qui permet à l’enfant scolarisé dans une école locale de suivre des cours dans une association  FLAM dont certaines proposent les cours du CNED en français. Du coup, il y aura un niveau de français et une façon d’enseigner le français qui seront cohérentes avec le système éducatif français et qui poseront beaucoup moins de problèmes si vous devez réintégrer le système après. Il n’y a pas que l’AEFE (Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger). Il y a plusieurs structures, il suffit de les faire connaitre et d’aider à monter les dossiers.

M. Macron a par ailleurs comme projet de développer l’offre académique de l’AEFE, notamment de développer l’IB (International Baccalaureate), ce dont l’AEFE ne veut absolument pas entendre parler pour le moment. On a un joli système éducatif, mais pour le moment celui-ci n’a pas compris l’intérêt de s’ouvrir à d’autres possibilités qui ne renieraient pourtant en rien ce qu’il est.

Que pensez-vous de l’expérimentation de la CFE en Thaïlande qui pourrait être généralisée?

J’ai discuté avec des gens ici et je trouve qu’il y a des choses qui ne sont pas claires du tout. Tout d’abord, je ne vois pas en quoi un député peut intervenir sur le fonctionnement de la CFE. J’ai compris que l’on a là un système qui semble être plus efficace en accessibilité mais en revanche en taux de couverture il a l’air moins bon. Mais cela n’a pas l’air clarifié du tout.

Avec ce système de tiers-payant à 80% nous avons pu noter que les 20% restant à payer directement peuvent poser des problèmes à certains.

J’ai remarqué, qu’en en Asie notamment, si l’on arrive dans un hôpital en disant que l’on a une assurance, la facture a tendance à monter davantage que si l’on dit ne pas être couvert. L’idée qui m’est venue consisterait à former nos populations à dire qu’elles n’ont pas d’assurance et par derrière que les gens fassent les démarches nécessaires pour s’assurer qu’il y a bien une prise en charge, et avoir un fonds de garantie -un fonds de roulement- qui avancerait les frais pour que les gens n’aient pas à le faire. Et le fonds de garantie serait remboursé par CFE et assurance. Reste à voir s’il est possible d’avoir une telle structure. Cela permettrait déjà de faire baisser la facture de sorte que s’il y a un 20% restant à prendre en charge, il soit moins élevé.

Voyez-vous vis-à-vis des intérêts des Français de l’étranger, certains sujets qui pourraient susciter des divergences de vue entre les convictions que vous défendez et les propositions qui pourraient émaner du parti que vous représentez ?

Divergences par encore. En revanche, comme certaines propositions sont des visions mais ne sont pas précises, alors que l’on a envie d’aller dans l’action, j’espère bien que la vision va se transformer en actes. Notre rôle de député de l’étranger sera de tirer le signal d’alarme en disant "vous nous avez donné la vision, mais maintenant on voudrait aller plus loin, on voudrait aller à l’acte et concrétiser". Si je prends l’exemple de la CSG-CRDS, il nous à été donnée une vision, on constate que le souhait est qu’elle soit supprimée, nous avons un chemin possible. Notre rôle sera de dire "maintenant on veut y aller". J’espère que ça ira jusqu’au bout.

Beaucoup  de voix s’élèvent pour regretter le peu de participation des Français de l’étranger. Que pensez-vous du retrait à quelques semaines des élections du vote par Internet qui permettait à une grande partie des expatriés vivant à plusieurs centaines de kilomètres de leur bureau de vote d’exercer leur droit (et leur devoir) de vote?

Il était obligatoire, il n’y avait pas le choix. J’imagine que ce qui a pu se passer c’est qu’à trois mois de l’élection, on a ressorti le logiciel de 2012 et là, on courrait à l’échec complet. Si l’on ressort comme cela un logiciel de 2012 pour des élections en 2017, cela nous expose à des failles de sécurités absolument colossales. C’est du bon sens informatique de s’en débarrasser. Un système informatique se maintient, s’entretient, et quand on veut un très haut niveau de sécurité comme pour un vote électronique, cela ne s’improvise pas, ça s’anticipe.

Cela dit, je suis très favorable au vote électronique. On accepte bien de payer par Internet on ne peut pas refuser le vote électronique.

Avez-vous un message à transmettre aux Français de Thaïlande ?

Il faut aller voter. Les 54% ne sont pas une victoire, c’est une première étape, la 2e à lieu le 18 et il faut absolument voter en masse. D’abord pour confirmer ce premier tour, et surtout légitimer le député de l’étranger. Etre élu avec 27% participation, c’est insuffisant. Dans la 11e, avec des gens qui sont très éloignés [des bureaux de votes], nous avons fait mieux que Londres, que Bruxelles, que Genève, prouvons nous sommes encore meilleurs.

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Propos recueillis pas Pierre QUEFFELEC et Marie GOUILLEUX (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) mercredi 14 juin 2017
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Publié le 14 juin 2017, mis à jour le 8 février 2018

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