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INTERVIEW - Thierry Mariani, député élu de la 11e circonscription des Français de l’étranger

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Thierry Mariani était à Chiang Mai le 30 avril pour rencontrer les Français de la Rose du Nord (photo DR)
Écrit par Pierre QUEFFELEC
Publié le 9 mai 2013, mis à jour le 8 novembre 2018

Thierry Mariani, député élu de la 11e circonscription des Français de l'étranger, qui regroupe 49 pays était en déplacement à Bangkok, Chiang Mai et Pattaya, la semaine dernière jusqu'à lundi pour rencontrer les Français de Thaïlande, leurs représentants et des institutions clés. Il a bien voulu répondre à quelques questions

LePetitJournal.com : Comment s'est déroulé cette semaine en Thaïlande ?
Thierry Mariani : J'ai profité des vacances parlementaires puisque l'assemblée n'a pas siégé pendant quinze jours, pour passer une semaine en Thaïlande. J'étais déjà allé le mois dernier à Phuket, cette fois-ci je me suis rendu à Bangkok, Chiang Mai et Pattaya, en essayant à chaque fois de voir à peu prêt tous les interlocuteurs clés.
Dans le domaine économique, j'ai vu par exemple les services de l'ambassade, le président des conseillers du commerce extérieur. J'avoue que je n'ai pas pu voir, c'est le seul bémol de mon voyage, la chambre de commerce, mea culpa ; ils figureront parmi mes priorités la prochaine fois.
Au niveau culturel, j'ai eu des rendez-vous avec le proviseur du lycée, le président du comité de gestion du LFIB, j'ai rencontré aussi l'Alliance française, l'Irasec qui fait un travail très intéressant et méconnu, les services du consulat et l'ambassade. J'ai eu une réunion de travail avec l'ambassadeur, le consul et puis le responsable des Français de l'étranger, sans compter toute une série de personnes que j'ai rencontrées à Bangkok ou ailleurs.
A Pattaya, j'ai rencontré la quasi totalité des associations, j'ai fait l'inauguration du boulodrome de M. Rosticci (Club Khao Rai, ndlr), les deux associations principales, le Club francais et le Club Ensemble, je suis allé visiter l'école qui est en cours d'agrément et qui peut accueillir les élèves français à Pattaya.
A Chiang Mai, j'ai rencontré le gouverneur de la province, le président de l'Université de Chiang Mai, ainsi que notre consul honoraire qui est aussi président de l'Alliance française de Chiang Mai.
J'ai à chaque fois dans les trois villes fait une réunion avec les Français. A Pattaya, une centaine ont fait le déplacement, une petite cinquantaine à Chiang Mai et à Bangkok, c'est jour férié, nous avons vu seulement une douzaine, mais j'ai de toute façon déjà vu beaucoup de monde sans les permanences.

Que retenez-vous de ce que les Français vous ont dit lors de ces permanences ?
Les problèmes de la communauté française sont liés à la structure de la communauté de Thaïlande. Tout d'abord, il s'agit d'une communauté qui est en plein développement - il n'y a qu'à voir par exemple l'augmentation des effectifs au lycée. Deuxièmement, nous avons ici une communauté qui, pour certaines villes, est une communauté d'âge mur : il est certain que l'on y rencontre davantage de problèmes de retraite et de prise en charge sociale que dans d'autres communautés expatriées.
La communauté étant en plein développement, les services de l'ambassade, qui font je pense un bon travail et ont bien conscience des problèmes, sont saturés. Ils sont en sous-effectifs. En Thaïlande, on a à la fois une communauté française importante et qui se développe, et une communauté touristique en forte croissance. C'est l'un des rares pays où l'on a cette conjonction des deux. Donc, forcément, d'un côté on voit des Français qui, par moment, trouvent les délais longs, et de l'autre des fonctionnaires qui sont débordés parce qu'ils ont trop de travail. C'est donc certainement l'un des domaines où la création de postes dans les services consulaires se justifierait le plus.
J'ai aussi pu constater que c'est une communauté qui, par moment aussi, et particulièrement en ce jour d'anniversaire (de l'élection de François Hollande, ndlr) est un peu déçue et déboussolée par ce qui se passe en France.

Les milieux d'affaires français ici vous ont-ils semblé inquiets vis-à-vis de la situation en Europe ?
Ils se demandent si la France a bien conscience du potentiel qu'il y a dans cette zone et si elle est bien décidée à l'accompagner. Je constate d'ailleurs avec plaisir que le ministre des Transport est ici cette semaine.

Quand vous étiez vous-même ministre des Transport, vous n'êtes pourtant pas venu ici...
Non, pas en tant que ministre des Transports mais je suis allé à l'époque dans de nombreux autres pays de la région (Singapour, Laos, Vietnam, Cambodge, etc.). Je suis venu en Thaïlande en tant que candidat. Mais à l'époque les projets de trains à grande vitesse et autres grands projets d'infrastructure n'étaient pas aussi avancés qu'ils ne le sont aujourd'hui, car il y avait une certaine instabilité, et en période d'instabilité on ne vient pas, tout simplement.

Qu'avez-vous noté de particulier sur le volet de l'enseignement ?
Deux points positifs : le projet d'agrandissement de la maternelle du lycée français (LFIB) avec une demande de soutien de financement auprès de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), que je vais m'efforcer de pousser - en pensant aussi au long terme puisque le LFIB dispose des terrains pour une vingtaine d'années donc il faut déjà réfléchir à savoir comment acquérir un terrain, d'autant qu'en ville les prix ont tendance à augmenter vite d'année en année. D'autre part il y a l'agrément de cette première école à Pattaya, ce qui est important, car une école agréée, c'est une école qui reste certes payante - des gens demandent l'école gratuite à Pattaya, mais je leur ai rappelé que l'école n'est gratuite nulle part à l'étranger -, mais qui permettra au moins aux élèves qui relèvent des bourses d'en bénéficier.

Quel bilan faites-vous de la suppression de la Prise en Charge des frais de Scolarité (PEC) ?
Sur la question de la PEC, et bien je constate que le gouvernement n'a pas tenu ses promesses. Fin 2012, au dernier budget signé par Nicolas Sarkozy, les bourses représentaient 93,6 millions d'euros et la prise en charge des élèves de seconde, première et terminale représentait 31,9 millions d'euros. Le parti socialiste avait dit que la PEC était quelque chose d'injuste parce que les riches et les pauvres étaient pris en charge de la même manière : je ne vois pas ce qu'il y a d'injuste car en France lorsque vous inscrivez votre enfant au lycée, on ne vous demande pas si vous êtes un rmiste ou une grande fortune. L'enseignement est gratuit pour tous.
En tout cas, ils avaient décidé, conformément au programme de M. Hollande, de supprimer la PEC en reportant intégralement cet argent sur les bourses et en expliquant en plus que cela ferait baisser les frais de scolarité. A la sortie ce que j'avais annoncé se réalise, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas tenu leurs promesses et cela n'a aucun impact sur les frais de scolarité.
On constate en effet dans le budget 2013 qu'il y a 110 millions d'euros, point final. Cela permet de dire que jamais les bourses n'ont été aussi élevées, ce qui est vrai. Mais c'est aussi la première fois que l'on baisse l'aide à la scolarité puisque si l'on ajoute 93,6 millions (bourses budget 2012) à 31,9 millions (PEC budget 2012), cela nous faisait dans le budget 2012 un total de 125,5 millions d'euros. Cela signifie que l'aide à la scolarité a baissé d'un peu plus de 15 millions d'euros. Donc, pour la première fois en France depuis plus de 15 ans, l'aide à la scolarité pour les enfants scolarisés à l'étranger a baissé de plus de 12%. Je rappelle que sous Sarkozy, les bourses ont augmenté de 40%.
Ils ont promis que dans trois ans la somme allouée à la PEC en 2012 serait intégralement remise. Et bien je vous donne rendez-vous dans trois ans et vous garantie que la somme ne sera toujours pas remise.
J'ajouterais que le même jour où l'on a supprimé la PEC, on a supprimé la franchise médicale (de 30 euros, ndlr) qui était demandée pour les sans-papiers qui n'étaient pas en règle. Cela veut dire que pour les Français de l'étranger, on ne trouve pas aujourd'hui les 15,2 millions pour remettre la même somme que l'an dernier à l'aide à la scolarité. Par contre, pour les étrangers sans papiers, on trouve les moyens pour leur supprimer une franchise qu'ils payaient et qui rapportait 6 millions d'euros. C'est un choix politique. Simplement, les Français de l'étranger qui ont cru aux promesses de monsieur Hollande qui disait simplement "ce qu'on enlève sur la PEC, on le met sur les bourses", sont cocus, et ils risquent de le rester cinq ans.
Cela illustre bien le fait que pour le gouvernement socialiste, les Français de l'Etranger restent davantage des privilégiés que des gens à accompagner.

Que pensez-vous de la réforme de l'assemblée des Français de l'Etranger (AFE) ?
Je ne sais pas sur quoi vous me demandez de commenter puisque le texte a complètement changé entre l'assemblée et le Sénat ! Le texte était prévu il y a quinze jours à l'assemblée, mais il a été reporté au 14 mai puisque l'on a inversé le calendrier pour faire passer le mariage homosexuel devant. Peu importe, en tout cas, j'attends de voir ce qu'il va en sortir en lecture, j'ai l'impression que le gouvernement navigue à vue car entre le texte présenté au Sénat et le texte présenté à l'assemblée nationale cela n'a rien à voir. Cela prouve que c'est de l'improvisation.
Après, dans ce texte, il y a deux choses : la première idée consiste à dire que les sénateurs sont élus par un corps électoral trop restreint et donc, de 155 élus, il faut l'augmenter à un peu moins de 400, ce que je trouve être une bonne idée. La deuxième idée est de rapprocher les élus des Français de l'étranger. Or, à la sortie, les délégués consulaires vont avoir une seule utilité, c'est d'élire le sénateur. Pour le reste, ils siègent aux commissions des bourses, etc. mais sans véritable pouvoirs. On nous explique qu'ils ont un seul pouvoir supplémentaire, c'est pour les anciens combattants? Avec tout le respect que j'ai pour les anciens combattants, les dossiers sont relativement faibles en nombre.

Ensuite, les délégués qui vont siéger à la nouvelle Assemblée des Français de l'Etranger vont être élus à l'échelle des continents ! Par exemple, jusqu'ici, nous avions dans cette région trois élus choisis par les Français des 10 pays de l'ASEAN (un se trouve au Vietnam, un en Thaïlande et le troisième en Indonésie). Désormais, ils seront élus sur une circonscription qui comprend toute l'Asie et tout le Pacifique. En termes de proximité, on a vu mieux ! Donc au final, sur les deux objectifs exposés, le premier (augmentation du corps électoral pour l'élection des sénateurs des Français de l'Etranger, ndlr) est atteint. En revanche, pour ce qui est du deuxième (rapprocher les élus des Français, ndlr), c'est l'inverse qui est fait, je ne comprends pas.

Propos recueillis par Pierre QUEFFELEC vendredi 10 mai 2013
 

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