Édition internationale

INTERVIEW – Olivier Colomès, Directeur général d'Exotissimo Travel Group

Écrit par Lepetitjournal Bangkok
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 14 novembre 2012

A la tête du réseau d'agences réceptives et du tour opérateur Exotissimo, Olivier Colomès est devenu une figure incontournable du tourisme en Asie du Sud-Est. Installé à Bangkok depuis 2007, il revient sur sur son parcours, les évolutions du secteur et sa gestion des crises aussi bien climatiques, financières et politiques qui ont récemment frappé la région

Lepetitjournal.com : Comment se résume votre parcours avec Exotissimo ?
Olivier Colomès : Mon histoire est étroitement liée avec celle d'Exotissimo, qui a démarré en 1993. A l'époque, j'avais déjà un pied dans le tourisme car je travaillais dans une compagnie d'assurances voyage. Et puis un de mes amis lyonnais, Eric Merlin, m'a proposé de rejoindre Exotissimo dès le départ, c'est-à-dire lorsque nous avons eu l'opportunité d'obtenir une licence de tourisme au Vietnam, faisant de nous la première joint venture à être accréditée là-bas. Nous avons alors ouvert à Hô Chi Minh début 1993. J'ai passé les dix premières années à développer la partie vente dans une approche essentiellement B2B, c'est-à-dire proposer des services à des voyagistes au sens large du terme. J'étais donc basé à Paris mais voyageais régulièrement en Asie, car nous avons ouvert successivement le Vietnam, le Myanmar deux ans plus tard, puis dans la foulée le Cambodge, le Laos, la Thaïlande et plus récemment l'Indonésie. En 2003 je suis venu m'installer dans la région afin de prendre la place de l'un des 3 associés du départ qui quittait l'aventure Exotissimo, dont le siège social était encore à Hô Chi Minh. Mais en 2007, j'ai décidé de déplacer les bureaux à Bangkok, ainsi qu'une petite équipe marketing. Ce choix s'explique d'abord pour des raisons géographique, car la capitale thaïlandaise reste un hub régional qui permet de couvrir tous les bureaux en vol direct, et puis également pour des questions de compétences, car nous trouvons ici un peu plus de possibilités, notamment dans l'Internet.

Comment se compose aujourd'hui Exotissimo ?
Nous avons deux entités à Bangkok : Exotissimo Thaïlande qui est l'un des six bureaux locaux de la région, et aussi le groupe qui est une autre entité légale. Au total, nous avons environ 500 employés, dont 200 au Vietnam, 140 sur le Cambodge et la Thaïlande, 120 au Laos et en Birmanie, et 15 en Indonésie. Nous avons 34 expatriés, représentant 17 nationalités étrangères, répartis dans les bureaux d'opérations, chaque pays ayant un management occidental accompagné d'employés locaux. C'est donc une équipe très multiculturelle, pour la simple et bonne raison que nos clients viennent du monde entier. Notre principal marché est l'Europe de l'Ouest, avec en tête la France, l'Allemagne et l'Angleterre, qui sont des gros producteurs de voyageurs. Nous avons aussi nos propres bureaux de vente, qui servent d'interface avec le marché.

Quelles ont été les étapes de votre développement ?
Les grands développements sont historiquement partis du Vietnam, qui a été un véritable atout en nous permettant d'être les pionniers sur place. Les huit premières années ont donc vraiment porté notre croissance, avec une hausse phénoménale du nombre de touristes et, à cette époque là, peu de concurrents sur le marché. Étant français nous nous sommes tout d'abord intéressés au marché de l'hexagone, avant de se diversifier par la force des choses. Après dix très belles années de 1993 à 2002, tout est devenu un peu plus chaotique à partir de 2003 avec les problèmes de Sras, la grippe aviaire ou encore les problèmes politiques et climatiques. Mais on a quand même réussi à continuer notre développement.
Durant les dix premières années nous avons enregistré une croissance autour de 20 et 30%, mais nous partions de pas grand chose. Aujourd'hui, avec 70 millions de dollars de chiffre d'affaires, il est plus difficile d'afficher une forte croissance, et avoir réussi à maintenir ce résultat durant ces deux dernières années sur un marché en crise est déjà une très bonne chose. Avec la crise financière nous avons volontairement abandonné les segments de marché les plus compétitifs. On a perdu en volume avec certains clients qui n'avaient qu'un critère, le prix. Cela représente une grosse perte en CA, mais en même temps cela a permis d'améliorer la profitabilité de l'entreprise qui s'est concentrée sur des segments à plus forte valeur ajoutée.

Comment faites-vous pour gérer les différentes crises ?
Nous sommes des enfants de la crise. Nous avons démarré Exotissimo peu après la guerre du golfe et alors que le tourisme était déjà en difficulté, on est culturellement programmé pour affronter ce genre de difficultés. La plus sérieuse a été la crise économique d'il y a deux ans, car pour les problèmes politiques, sanitaires ou climatiques nous savons qu'ils sont à durée limitée, même s'ils peuvent être très brutaux. De plus, nous ne pouvons pas faire grand chose au niveau communication lorsque la crainte est intangible, car c'est un problème psychologique amplifié par les médias, et il faut juste attendre que ça passe.
Par rapport à la crise économique, nous sommes tous égaux devant elle. On sait que globalement, tous les marchés sont touchés, les touristes vont dépenser moins et les entreprises vont serrer leurs budgets sur les voyages incentives. Ensuite, on sait aussi que nos segments de marché sont moins sensibles que ceux du tourisme de masse. Et même si nous sommes une structure relativement grosse, nous restons petits par rapport au nombre de clients que l'on opère dans la région. Exotissimo, toute destination et tout département confondus, traite 100.000 clients par an. Cela veut dire que même si le gâteau se réduit, on va pouvoir certainement compenser cette baisse, voire même continuer à grandir, en étant meilleur que nos concurrents. C'est le seul moyen de s'en sortir en période de crise : le gâteau se rétrécit et il faut qu'on en prenne une part un peu plus grosse, et c'est exactement ce qu'on a fait.

Quelles décisions avez-vous prises pour arriver à ce résultat ?
On a considéré que la crise allait présenter des opportunités et que les clients allaient voyager plus intelligemment, en réfléchissant à ce qui allait vraiment leur apporter de la satisfaction et créer des souvenirs. Or ce que nous essayons de proposer, ce sont des expériences et des rencontres, cette tendance "voyage expérienciel". Au niveau de la communication, nous avons augmenté le budget marketing de 20% en 2009, et de 20% à nouveau cette année. La concurrence est beaucoup plus dure, il faut donc accepter d'investir davantage en énergie, en ressources, en temps et en argent pour arriver au même résultat. Le voyageur d'aujourd'hui est beaucoup plus intelligent, il sait faire la différence et il va comparer, que ce soit sur Internet ou en agence. C'est donc à nous d'arriver avec les produits les plus attractifs, que l'on ne va pas trouver ailleurs, et qui permettent de nous différencier afin que les tours opérateurs et les voyagistes viennent nous trouver. Si l'on essayait de vendre des circuits classiques, il faudrait alors se différencier sur le prix, mais ce n'est pas notre stratégie. On se concentre plus sur un volume limité mais à forte valeur ajoutée. Cette stratégie a bien payé car nous avons réussi à prendre des clients à nos concurrents, mais l'approche produit a été déterminante.

Quel est l'avenir du tourisme en Thaïlande ?
On voit tout d'abord que la Thaïlande a une faculté étonnante à sortir de la crise. Il y a un véritable "capital sympathie" pour ce pays en tant que destination. Lorsqu'il y a une crise les arrivées de touristes baissent de 20 à 30%, mais cela repart très vite car il y a un réservoir de clientèle. Cela n'empêche pas que l'on est tributaire d'éléments que l'on ne contrôle pas. Si demain la crise repart et que par exemple il y a un attentat dans le métro, qui est le type de risque qui met le plus de temps à cicatriser, on sait que l'on va à nouveau plonger pour un bout de temps, en particulier si un touriste est touché. La seule chose qui fera que c'est plus ou moins compliqué à vivre, c'est l'impact sur notre capacité à pouvoir travailler, et ce serait terrible pour le pays s'il repartait dans une spirale infernale, le tourisme représentant 8% des emplois et 7% du PIB. Mais nous avons traversé les crises relativement bien, en continuant d'embaucher et en augmentant récemment les salaires car la Thaïlande est, paradoxalement, l'un de nos bureaux qui fonctionne le mieux. Mais nous ne sommes pas très représentatifs de la situation. Les agences de tourisme, les hôtels souffrent, et même si l'on s'en est mieux sorti que les autres ces dernières années, je sais très bien que tout peut très vite s'inverser. Les cycles de crise sont de plus en plus courts, les réactions de plus en plus rapides et même si le tourisme repart aussi plus vite, cela reste très chaotique.

Quels objectifs avez-vous pour l'avenir ?
En croissance interne, nos objectifs sont de continuer à prendre des parts de marché, servir et chercher de nouveaux clients sur les marchés émergents comme l'Europe de l'Est. Ensuite nous souhaitons ouvrir de nouvelles destinations, avec l'Indonésie l'année dernière et une autre en 2011 qui devrait être annoncée à la fin du mois. Des pays comme la Chine où l'Inde nous intéressent aussi. Mais c'est assez long d'ouvrir sur de nouvelles destinations. Il faut un véritable travail de production car nous ne sous-traitons pas. Il nous faut une équipe sur le terrain et contrôler la qualité, afin d'essayer d'avoir un taux de satisfaction le plus élevé possible. Et pour cela il faut contrôler la chaîne, maitriser les services. C'est un processus qui prend généralement trois ans: un de préparation, un de mise en place et un autre pour le lancement.
Propos recueillis par Quentin Weinsanto (http://www.lepetitjournal.com/bangkok.html) jeudi 14 octobre 2010

Pratique :
Exotissimo Thailand
6th Floor Zuellig House,
1-7 Silom Road,
Tel: (66 2) 636 0360
http://www.exotissimo.com

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Publié le 14 octobre 2010, mis à jour le 14 novembre 2012
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