Une guerre d'appels d'offres est à son paroxysme pour les supermarchés de Carrefour en Thaïlande, en Malaisie et à Singapour, alors que le géant français prépare sa sortie après avoir échoué à prendre une position dominante dans la région. Deuxième distributeur mondial, la revente de ses activités pourrait atteindre un montant d'un milliard de dollars
Deuxième distributeur mondial derrière l'américain Wal-Mart, Carrefour cherche à vendre ses 43 magasins en Thaïlande, ainsi que 23 autres en Malaisie et deux à Singapour dans des enchères qui pourraient atteindre un montant d'un milliard de dollars (environ 800 millions d'euros).
Des difficultés à s'adapter au marché local
Les analystes estiment que l'empressement de Carrefour à vendre ses activités reflète le fait que, en dépit de sa présence importante et de la bonne santé des marchés, la firme est restée dans le sillage d'autres concurrents comme l'anglais Tesco en termes de parts de marché. "Carrefour est le deuxième distributeur mondial. Peut-être que le fait d'être à la dernière place en Thaïlande est l'une des raisons pour laquelle ils veulent vendre ici", a commenté Jit Siratranont, Secrétaire-général adjoint de la Chambre de commerce thaïlandaise. Un banquier européen va même plus loin : "Ils n'ont pas réussi à atteindre leurs objectifs et à prendre une position dominante", explique-t-il, mais "tout porte à croire que le marché est prometteur car il y a beaucoup de prétendants" pour racheter les magasins. Carrefour refuse de commenter l'affaire, mais reconnaît être prêt à examiner des offres de rachat dans les pays où il n'est pas leader sur le marché, et où il a peu de chances d'en devenir un.
Trois marchés totalisant 100 millions de clients potentiels
Il est donc probable que Carrefour cède son réseau sur ces trois marchés majeurs, qui jouissent d'une croissance régulière et peuvent compter sur une population combinée de plus de 100 millions d'individus. Les acheteurs potentiels défilent, avec un deuxième tour d'enchères attendu en novembre. "Le potentiel à long terme de ces actifs les rendent intéressants pour les investissements", réagi Jon Wright, analyste basé à Londres pour le cabinet Euromonitor International. "Avec une chaine d'approvisionnement déjà en place, la tâche pour les acheteurs sera d'améliorer les marges afin d'augmenter les bénéfices", ajoute-t-il. Selon Wright, le secteur des supermarchés en Asie valait 389 milliards de dollars en 2009 et devrait croître de 3,3% par an entre aujourd'hui et 2014, comparé à une croissance mondiale de 2,1%.
En Thaïlande, plusieurs acheteurs internationaux potentiels se sont liés aux enchères ces dernières semaines, dont Tesco, Aeon et Casino. Des entreprises thaïlandaises sont également attendues, dont le distributeur Central Group, la firme Berli Jucker PCL et le géant de l'énergie PTT. Toutefois, PTT a récemment indiqué ne plus être intéressé, tandis que le Wall Street Journal rapportait début septembre qu'Aeon ? qui s'est arraché les actifs japonais de Carrefour en 2005 ? ainsi que Tesco avaient été éliminés après avoir fait une offre d'achat trop faible. Le journal économique précise néanmoins qu'ont été pour l'instant retenus pour le second tour Casino, qui fait équipe avec le thaïlandais Big C Supercenter, dont il détient une partie du capital, Central Group, Berli Jucker et, peu avant l'annonce de son retrait, PTT.
Des marchés diversifiés
Selon un analyste chez Kim Eng Securities, Mayuree Chowvikran, Berli Jucker et Casino sont les enchérisseurs principaux pour la Thaïlande. Quant à Singapour, le marché est plus réduit mais possède une population aisée, dont une importante communauté d'expatriés. "Ceux qui savent s'adapter au marché local s'en sortent relativement bien. Malgré la compétition, il y a toujours de l'argent à faire" dans la Cité-Etat, explique Song Seng Wun, un économiste régional à la banque malaisienne CIMB. La Malaisie affiche aussi un intérêt grandissant, le Vice-ministre du Commerce Mukhriz Mahathir ayant déclaré en août à l'AFP que "d'autres hypermarchés sont désireux de reprendre les activités de Carrefour dans le pays". "Il y a de nombreux prétendants", a-t-il ajouté. Carrefour a, paradoxalement, récemment annoncé l'ouverture de deux nouveaux magasins dans l'État central de Selangor en Malaisie.
Manokaran Mottain, économiste à AmResearch, pense que la Malaisie a offert des opportunités intéressantes alors "que le marché de la distribution va bien et que les dépenses intérieures sont en forme". Il estime que la motivation de Carrefour derrière sa volonté de se retirer du marché tient soit du fait qu'ils sont débordés, soit qu'ils veulent se retourner vers des marchés encore plus lucratifs. "L'Inde sera certainement un grand marché. Elle pourrait avoir beaucoup de potentiel pour Carrefour". Le géant de la distribution français devrait ouvrir sa première grande surface à Delhi en novembre, et a déclaré être d'ores et déjà en discussions avec des partenaires potentiels pour ouvrir là bas des supermarchés plus traditionnels.