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Carol Isoux: "la Thaïlande est une bonne base pour les correspondants"

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Pierre QUEFFELEC - Les membres de l'UPF Thaïlande se réunissent au moins une fois par mois dans un restaurant de Bangkok comme ici en septembre au Rendez-Vous au Lys lorsque Carol Isoux (centre) a été élue présidente de l'antenne
Écrit par Pierre QUEFFELEC
Publié le 6 décembre 2018

Correspondante en Asie du Sud Est depuis une dizaine d’années après un passage en Chine, Carol Isoux couvre l’actualité de la zone pour plusieurs médias français et internationaux. Depuis septembre, elle est aussi la présidente de l’antenne Thaïlande de l’Union Internationale de la Presse Francophone (UPF).

Créée en 2017 par Philippe Plénacoste, l’ex-patron du magazine local Gavroche, l’antenne Thaïlande  de l’UPF compte une grosse vingtaine de journalistes et responsables de medias francophones.

L’UPF est une association bientôt septuagénaire qui regroupe plus de 3.000 journalistes, responsables et éditeurs de la presse écrite et audiovisuelle répartis dans 110 pays ou régions du monde. Son but premier est de défendre la liberté de la presse et de venir en aide aux journalistes qui rencontrent des difficultés dans leurs pays d’origine ou d’accueil.

L’UPF se donne aussi pour rôle de transmettre certaines valeurs véhiculées par la francophonie, dans un monde dominé par la presse anglophone.

LEPETITJOURNAL.COM : Tu es journaliste en Thaïlande depuis un certain temps maintenant, que peux-tu nous dire des conditions travail des journalistes francophones ici ?

CAROL ISOUX : Depuis une dizaine d’années, les conditions ont peu changé pour les journalistes étrangers, hormis un léger durcissement sur les visas de presse. Il est relativement facile de travailler en Thaïlande: mis à part la royauté, on peut aborder tous les sujets. Et la presse francophone, moins scrutée que la presse internationale anglophone par les officiels, permet une certaine liberté de ton. 

Pour ce qui est des opportunités de travail, il est clair que la Thaïlande ne suscite pas le même intérêt pour les pages internationales des medias européens que des pays tels que les Etats-Unis ou la Chine, mais on assiste néanmoins à une montée en puissance des sujets asiatiques dans le sillage de ce qui touche à la Chine notamment. De l’avis de mes confrères les plus anciens, il semblerait que les medias de l’hexagone aient de toute façon d’une manière générale de moins en moins d’appétit pour les sujets internationaux : il y a un recentrage sur les sujets franco-français ou du moins européens.

Cela signifie que pour les freelances ici, l’une des seules façons de s’en sortir est d’être capable de travailler pour tous les types de médias : écrit, radio, audiovisuel. Nous avons vu récemment plusieurs confrères de presse écrite mettre fin à leur activité ici. Il faut pouvoir proposer des sujets audio et surtout vidéo, l’écrit seul ne suffit plus.

Durant les conflits du Vietnam, du Laos et du Cambodge, la Thaïlande s’est révélée comme une base arrière idéale pour la presse internationale qui couvrait ces événements. A-t-elle toujours ce statut aujourd’hui pour les journalistes qui couvrent la région ?

Oui, je dirais même qu’elle a renforcé cette image. Avec le développement des lignes aériennes low-cost, tout passe par Bangkok, et les loyers restent encore très abordables à Bangkok. La capitale offre une qualité de vie de bon niveau, c’est une ville où il fait bon vivre, et où les sujets intéressants ne manquent pas. Et encore une fois, malgré le régime militaire actuel, cela reste un pays où l’on peut s’exprimer librement.

Tu viens d’être élue présidente de l’antenne Thaïlande de l’UPF créée l’an dernier, en quoi la création de cette antenne peut-elle aider la presse francophone en Thaïlande ?

Dans un premier temps, il s’agit de se rencontrer, de se connaitre les uns les autres, de connaitre les travaux de chacun, les centre d’intérêts.

Ensuite, nous prévoyons de mettre en place des outils simples pour échanger des infos, échanger des tuyaux, etc. Cela peut s’avérer très utile par exemple lorsqu’un confrère prévoit un reportage au fin fond du Laos, et cherche un chauffeur ou un bon traducteur expérimenté, etc. Cela pourrait aussi nous permettre de se repasser des piges (demandes de sujets) lorsqu’un journaliste n’est pas disponible pour répondre à une demande d’un media. 

Enfin, nous envisageons de mettre en place une formation de journalistes à destination des Thaïlandais francophones. Il y a une francophonie relativement bien développée en Thaïlande, mais très peu dans la presse. Nous aimerions bien remédier à cela, d’autant que cela s’inscrit aussi dans l’esprit de l’UPF.

Qu’est-ce que les non-journalistes de la communauté peuvent apporter à l’antenne UPF ?

Nous sommes tombés d’accord sur le fait que le cœur de l’antenne devait rassembler exclusivement des journalistes. Nous sommes déjà nombreux. Après, nous ne sommes évidemment pas contre le fait d’inviter des contributeurs extérieurs, dans l’idéal ce pourrait être des experts que l’on pourrait relier a des points de décryptage culturels, financiers, etc. 

Tu as assisté aux 47e Assises Internationales de l'UPF qui se déroulaient en octobre à Erevan en Arménie, qu’en retiens-tu au regard de ce qui a été dit précédemment ?

Il faut préciser que la majorité des journalistes de l’UPF viennent de pays africains et, même si les contextes d’un pays à l’autre varient, j’ai eu l’impression que pour beaucoup de nos confrères africains, les problématiques auxquelles ils ont à faire sont bien plus sévères que les nôtres ici. Cela d’autant plus qu’ils sont la plupart du temps citoyens du pays dans lequel ils œuvrent et non, comme nous ici, des correspondants étrangers. Ils prennent souvent beaucoup plus de risques pour dénoncer tel ou tel parti au pouvoir, tel ou tel industriel véreux. Dans les discussions auxquelles j’ai assistées à Erevan il était beaucoup question de la corruption des journalistes, du financement de la presse comme au Congo Brazzaville ou selon un confrère là-bas, la quasi-totalité des organes de presse serait financée par l’un ou l’autre des partis politiques. 

Ces assises se sont déroulées juste avant le Sommet de la Francophonie, lui aussi organisé en Arménie. Des journalistes du monde entier étaient présents et j’ai pu me rendre compte du  formidable réseau que représente la francophonie. 

J’espère voir dans l’avenir des collaborations entre journalistes francophones de différents continents, sur des enquêtes transnationales par exemple.

Propos recueillis par Pierre QUEFFELEC

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