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Alex Face, quand le street art thaïlandais dépasse les frontières

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courtoisie Alex Face - Mardi, le personnage d'Alex Face, ici, sur une plage de Knokke en Belgique s'est également invitée sur les murs du Havre, de Lyon, ou encore Venise, à l'occasion de la tournée européenne de son créateur
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 5 juillet 2019, mis à jour le 5 juillet 2019

Créé par l’artiste thaïlandais Alex Face, "Mardi", le personnage enfantin au costume de lapin et au regard désabusé est l’une des figures du street art la plus connue de Thaïlande, et elle s’impose peu à peu sur la scène internationale. 

Invité à présenter ses œuvres lors d’une exposition solo à Venise du 22 mai au 4 juin, l’artiste thaïlandais Alex Face en a profité pour participer, du 3 au 12 mai, au festival “Peinture Fraîche” de Lyon, aux côtés de 70 artistes originaires d’une douzaine de pays différents. Il a également agrémenté son périple en Europe d’un passage par Le Havre, puis Hasselt et Knokke-Heist en Belgique où son personnage, Mardi, fait désormais partie du décor. 

Entre ses expositions et des participations à des festivals, l’artiste accepte volontiers des invitations à graffer sur les murs des villes. Pour autant, à chaque fois, il se pose la question de l’impact de son travail. “À Venise, je n’ai même pas pensé à peindre. C’est un lieu trop chargé d’histoire avec des bâtiments anciens. Parfois le street art peut vraiment offrir quelque chose aux grandes villes par contre il y a d’autres lieux où, en tant qu’artiste, il faut se poser la question de savoir quels sont les bénéfices. À Venise, il n’y en a pas” explique Alex Face. 

Alex Face, de son vrai nom Patcharapol Tangruen, est sans aucun doute le graffeur le plus célèbre en Thaïlande, où son personnage Mardi apparaît sur des maisons abandonnées au fin fond des campagnes ou au hasard des rues de Bangkok, Chiang Mai, Krabi, Phuket… 

Mais on le croise aussi au Cambodge, en Malaisie, en Corée, jusqu’en Angleterre...

Alex a découvert le street art au cours de ses études à la faculté des beaux arts et arts appliqués de l’Université King Mongkut Institute of Technology à Bangkok. “Un jour, à la bibliothèque, je suis tombé sur un livre qui traitait du graffiti américain. Ça a été une révélation.“ 

Commence alors une exploration urbaine et artistique qui l’a amené à voyager dans plus de 25 pays en 17 ans de carrière faisant de lui l’artiste thaïlandais d’art de la rue le plus connu sur la scène internationale, comme en témoigne ses prochains projets qui devraient le conduire à Chicago, au Japon et en Chine dans le courant de l’année 2020.

De son dernier voyage, il perçoit les différences de styles : “En France et en Belgique, le street art se traduit plutôt par des lettrages, ou alors il adopte un style très réaliste. Alors qu’en Thaïlande, nous sommes dans du figuratif avec des personnages qui font penser à l’univers des dessins animés, souvent très colorés. Je crois que le lieu où l’on vit produit des sentiments différents. L’architecture, le climat, l’ambiance, les gens, tout cela se reflète sur les graffitis. Ce n’est pas pareil de vivre avec des cocotiers dans la rue ou des immeubles gris sous la pluie froide d’Europe”.

Inspirée par sa fille née en 2010, le personnage de Mardi, avec ses couleurs acidulées, invite les passants à se questionner sur ce qui les entoure, sur le futur, sur la société, et reflète les inquiétudes d’un jeune père face à son enfant. Loin d’être une allusion au jour de la semaine,  Mardi se traduit en thaïlandais par “venir avec de bonnes choses” (มาร์ดี - มาดี). 

“Encore aujourd’hui, je suis inquiet pour le futur, le réchauffement climatique, le plastique, la fonte de l’antarctique, Bangkok qui pourrait se retrouver inondée… J’essaye de vivre au jour le jour tout en gardant un œil sur le futur à travers mes œuvres et en m’efforçant de préparer ma fille à créer à une génération meilleure que la nôtre” confie l’artiste de 38 ans. 

Peinte au mois de juin au JJ Market de Chiang Mai, un graffiti de l’artiste voit son personnage Mardi tenir une bouteille d’oxygène, une référence évidente à la désastreuse qualité de l’air dont a été victime la Rose du Nord entre février et mai 2019. 

Pour autant lorsqu’on lui demande s’il se sent porteur d’un message politique, l’artiste répond, de prime abord par la négative. “Je ne pense pas du tout être dans une démarche politique mais, en même temps, nous devons cohabiter en permanence avec la politique. Si elle est mauvaise, comment la vie de tout un chacun peut-elle être meilleure ? Je pense que ça va prendre encore longtemps avant que le système ne change en Thaïlande. Le rôle de l’artiste est dès lors de raconter la vérité et de laisser les gens réfléchir à ce qu’ils voient”, conclut Alex Face tout en pensant déjà à sa prochaine exposition à Chicago au mois d’août avec son compatriote et artiste urbain Mue Bon. 

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