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Victoire écrasante à Bangkok d’un ex-ministre évincé par le coup d’Etat de 2014

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REUTERS / Athit Perawongmetha /archives - Chadchart Sittipunt, 55 ans, a remporté l'élection avec plus de 1,3 million de voix, soit plus de 50% des votes exprimés, dimanche lors de l'élection du gouverneur de Bangkok
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec Reuters
Publié le 23 mai 2022, mis à jour le 26 mai 2022

C’est un ancien ministre du gouvernement renversé par le coup d'État en 2014 qui a très largement remporté dimanche l’élection du gouverneur de Bangkok. Un mauvais signe pour le gouvernement issu du régime militaire

Les Bangkokois, qui n’avaient pas voté depuis neuf ans pour élire le gouverneur de la capitale, ont choisi dimanche, par une très large majorité, l’ancien ministre des Transports, Chadchart Sittipunt.

Candidat indépendant, Chadchart Sittipunt, 55 ans, a remporté l'élection avec plus de 1,3 million de voix, soit plus de 50% des votes exprimés, tandis que ses deux plus proches rivaux ont recueilli aux alentours de 250.000 voix chacun, selon le résultat non officiel annoncé dans la soirée par la commission électorale.

Chadchart Sittipunt a toutefois refusé de se déclarer vainqueur avant que la commission électorale n’annonce les résultats officiels d’ici quelques jours, même s’il n’a pas caché sa joie et son émotion.

Huit ans jour pour jour après le coup d'Etat

Cette élection du gouverneur de Bangkok tombait le jour anniversaire du dernier coup d’Etat, mené en 2014 par l’actuel Premier ministre, Prayuth Chan-O-Cha, contre le gouvernement de Yingluck Shinawatra, dans lequel Chadchart Sittipunt était ministre des Transports.

"Aujourd'hui est un jour significatif pour moi", a-t-il déclaré à ses supporters, rappelant qu'il y a huit ans, le 22 mai 2014, des soldats lui couvraient la tête d'un sac, lui ligotaient les mains pour l’emmener dans un lieu secret.

Pour plusieurs observateurs et analystes, cette écrasante victoire est un signe évident de la baisse de popularité du camp des putschistes.

Ce scrutin, qui était le premier vote pour élire le gouverneur de la capitale depuis 2013, rassemblait 31 candidats qui devaient convaincre quelque 4,4 millions d'électeurs, dont 700.000 primo-votants.

Bangkok est la seule circonscription -équivalente à une province- en Thaïlande à élire son gouverneur tous les quatre ans depuis 1985, mais le processus a été perturbé avec la prise de pouvoir des militaires en 2014.

Prayuth Chan-O-Cha a remporté les élections législatives de 2019 organisées par la junte, même si l’opposition a dénoncé des conditions de campagne inégales et un scrutin pipé. Des accusations que rejette naturellement le chef du gouvernement.

Signe d'un ras le bol du pouvoir en place

Mais en 2020, le Premier ministre a été la cible des plus grandes manifestations antigouvernementales organisées depuis des années.

Chadchart Sittipunt, qui figurait en 2019 parmi les candidats au poste de Premier ministre sous la bannière du parti d'opposition Pheu Thai, a déclaré dimanche que sa victoire à Bangkok démontrait la force du processus démocratique et s'est engagé à apaiser les divisions politiques lorsqu'il assumera le plus haut poste de la capitale.

"Je suis prêt à être le gouverneur de tous (...) nous devons dépasser les divisions et être unis pour faire avancer Bangkok", a-t-il déclaré.

Thitinan Pongsudhirak, analyste politique à l'Université de Chulalongkorn, voit dans la victoire de Chadchart Sittipunt le signe du déclin du soutien populaire au gouvernement ultra conservateur du Premier ministre.

"La victoire écrasante de Chadchart est un acte d'accusation contre tout ce qui s'est passé depuis le coup d'État militaire de mai 2014", a déclaré Thitinan Pongsudhirak. "C'est un vote de protestation contre la mauvaise gestion et l'incompétence du régime militaire depuis lors."

Baromètre important avant les élections législatives

Bangkok a longtemps été le fief du camp royaliste tout comme le sud du pays, tandis que le clan Shinawatra, son principal rival dont faisait partie Chadchart Sittipunt avant cette élection et qui a nécessité deux coups d’Etat et plusieurs décisions judiciaires controversées pour être écarté du pouvoir ces quinze dernières années, tirait l'essentiel de son soutien de l'électorat du Nord et du Nord-est du royaume.

La capitale semble désormais avoir basculé dans l'opposition.

Phichai Ratnatilaka Na Bhuket, professeur de sciences politiques à l'Institut national d'administration du développement [Nida], note que les candidats opposés au gouvernement ont remporté 65% des voix contre 35% pour ceux soutenant le pouvoir. Parmi eux, le parti jeune Move Forward ("Aller de l'avant"), qui bénéficie d'un fort soutien chez les jeunes.

Cité par le Bangkok Post, Phichai Ratnatilaka Na Bhuket souligne que le nombre de sièges de conseillers du gouverneur de Bangkok remportés par chaque parti sera un indicateur important en vue des prochaines élections législatives qui devraient avoir lieu à la fin du premier trimestre de l’année prochaine. Dimanche, les Bangkokois devaient en effet également voter pour élire les 50 conseillers du gouverneur qui sont chacun à la tête de l’un des 50 districts de la capitale.

Bangkok s’étend sur 1.569 kilomètres carrés, soit 15 fois la ville de Paris intra-muros. Et si le registre des résidents ne compte que 5,7 millions de personnes, la population totale est estimée à environ 10 millions de personnes qui vivent ou travaillent dans la métropole thaïlandaise. 

Le gouverneur dirige l’Administration Métropolitaine de Bangkok (BMA) qui se divise en 17 départements, et emploie près de 100.000 personnes pour gérer les 50 districts de la ville, quelques 437 écoles et 10 hôpitaux publics, 37 casernes de pompiers et postes de secours, six usines de traitement des déchets et 28 usines de traitement des eaux usées. 

Les rivaux de Chadchart Sittipunt ont concédé leur défaite, dimanche, même s'il pourrait s'écouler une semaine voire plus avant que la commission électorale ne proclame le résultat officiel.

Une porte-parole du gouvernement a refusé de commenter l'élection du gouverneur de Bangkok.

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