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POLITIQUE – Ennemis jurés, Thaksin et Abhisit questionnent le bilan de la junte

Écrit par Lepetitjournal Bangkok
Publié le 13 mars 2016, mis à jour le 14 mars 2016

La junte thaïlandaise est en “mode panique” sur le plan économique et ne parvient pas à résorber les divisions politiques profondes du royaume, a déclaré vendredi l'ancien Premier ministre Abhisit Vejjajiva dans une allocution inhabituellement critique vis-à-vis des généraux à la tête des affaires du royaume.

Ses remarques interviennent deux jours après que son pire ennemi politique, Thaksin Shinawatra, lui aussi ancien Premier ministre, a lancé une salve de reproches contre cette même junte au pouvoir depuis bientôt deux ans. Une indication que les politiciens de tous bords, mis au ban des affaires par les putschistes qui les considèrent irresponsables et corrompus, sont désormais au moins d'accord sur un point : le joug militaire est un problème.

Les généraux ont pris le pouvoir en mai 2014 en annonçant qu'ils mettraient fin à  plus de dix ans d'une instabilité politique qui a miné le dynamisme de l'une des économies les plus prospères d'Asie du Sud-Est.

L'ancien chef de l'armée devenu Premier ministre, le Général Prayuth Chan-O-Cha, avait alors promis qu'il relancerait l'économie, mettrait un coup d'arrêt au cycle de violences politiques et éradiquerait la corruption grâce à une nouvelle Constitution, le vingtième texte depuis 1932.

Dans un discours donné devant des dirigeants d'entreprises à Bangkok vendredi, Abhisit Vejjajiva a déclaré que la junte avait échoué à mener les réformes économiques nécessaires, notamment dans les secteurs industriels et agricoles, particulièrement affectés par divers facteurs locaux et internationaux.

"Malgré deux années de calme relatif et bien que des initiatives ont été prises par le gouvernement actuel à son arrivée au pouvoir, trop peu de progrès ont été réalisés même sur ce plan et il est maintenant quasiment en mode panique," a dit Abhisit.

L'ancien Premier ministre a également décrié la nouvelle Constitution de la junte.

"Je pense qu'il est également clair que nous n'allons pas avoir le genre de Constitution que beaucoup d'entre nous souhaitons, que ce soit en termes de standards démocratiques, qu'il s'agisse de disposer d'un document menant à de réelles réformes qui sont plus que nécessaires, ou encore de la question de la soi-disant réconciliation," a-t-il dit.

Décennie perdue

La Thaïlande a traversé une décennie de turbulences politiques pendant laquelle s'est creusé un fossé entre une Thaïlande progressiste -composée d'une alliance hétéroclite de militants pro-démocratie et de réels supporters des politiques du clan Shinawatra issus pour la majorité du nord et du nord-est-, et les élites conservatrices de Bangkok regroupées autour de l'aristocratie, et dont les bastions se trouvent principalement dans le sud du pays et dans les classes moyennes et aisées de la capitale.

De nombreux supporters d'Abhisit, politicien de Bangkok formé à Eton et Oxford au pouvoir de 2009 à 2011, se sont trouvés au premier rang des manifestations menées contre la sœur de Thaksin, Yingluck Shinawatra, et ont plébiscité le coup d'Etat de 2014 qui a renversé le gouvernement de cette dernière.

Mais même les alliés naturels des militaires commencent à montrer des signes d'irritation vis-à-vis du régime qui se prolonge, et les remarques d'Abhisit ressemblent aux commentaires de Thaksin contre l'armée.

Dans un discours et une série d'interviews données à New York la semaine dernière, Thaksin a accusé les militaires de s'accrocher au pouvoir, soulignant qu'ils n'avaient pas grand-chose à faire valoir en termes de résultats sur leur temps passé aux affaires du royaume.

Abhisit n'a pas non plus manqué de remettre en place la junte, qui prétend faire la chasse à la corruption, en rappelant les récents scandales impliquant des militaires de haut rang proches du premier cercle du pouvoir.

Etant donné certains faits récents, je ne suis pas certains qu'ils soient en position de se dire  meilleurs que les politiciens. Et je parle de corruption, je parle d'abus de pouvoir," a-t-il dit.

A l'issue de son discours, Abhisit a assuré à l'AFP qu'il n'avait pas rencontré Thaksin. "Je n'en vois pas la nécessité," a-t-il insisté.

Mais il a toutefois confié qu'il rencontrerait ses opposants politiques si ces derniers "évoluaient au-delà des intérêts de l'agenda politique de Thaksin et la famille Shinawatra".

Interrogé sur l'état d'exaspération des Thaïlandais vis-à-vis des militaires, il a dit : "Je pense que le peuple thaïlandais dans l'ensemble estime que le Général Prayuth a de bonnes intentions, il est sérieux, il ne mâche pas ses mots, il est franc et veut faire de bonne choses. Et c'est pourquoi je pense qu'on le laisse continuer."

"Mais en termes d'accomplissements, je pense que même les gens qui le soutiennent ont du mal à identifier ce qui a été réalisé de concret", a ajouté Abhisit.
Avec AFP (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) lundi 14 mars 2016
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Publié le 13 mars 2016, mis à jour le 14 mars 2016

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