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PEINE DE MORT - Thaïlande pays du sourire crispé

Écrit par Lepetitjournal Bangkok
Publié le 25 avril 2017, mis à jour le 28 avril 2017

La Thaïlande, appelé aussi pays du sourire, condamne encore aujourd'hui des hommes et des femmes à la peine capitale. La dernière femme détenue à avoir été exécutée est Pan-in, en 1999. Cette femme de 53 ans avait été alors arrêtée pour une affaire de stupéfiant.
    
(Communiqué UCL) - Ruth Ellis en Angleterre, Germaine Leloy-Godefroy en France, ou encore Sandra Smith en Afrique du Sud, ces noms ne sont peut-être pas des plus connus mais ils sont ceux des dernières femmes exécutées avant que les pays cités ci-dessus abolissent la peine de mort.  De nos jours, 104 États ont totalement aboli la peine de mort. La Thaïlande, pays décrit comme étant celui du sourire, ne fait pas partie de ces pays abolitionnistes et condamne, encore aujourd'hui, des hommes et des femmes à la peine capitale. La dernière détenue a avoir été exécutée est Pan-in, en 19991. Cette femme de 53 ans avait été alors arrêtée pour une affaire de stupéfiant.

Selon le rapport de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH) de 2016 sur les prisons en Thaïlande, la population carcérale du royaume compte 289.675 détenus2. Parmi ceux-ci il y a 435 condamnés à mort dans lesquels se trouvent 71 femmes3.  Il est important de souligner que plus de 51 % de la population des couloirs de la mort sont liés à des affaires de trafic de drogues, soit 163 hommes et 59 femmes5. Force est de constater que la population féminine est considérablement moins importante que celle des détenus masculins. En effet, les femmes ne représentent que 13,6 % de la population carcérale thaïlandaise5.

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Il est vrai que la dernière exécution d'une femme par le gouvernement de Bangkok remonte à 18 ans mais cela ne retire rien au fait que, de nos jours, des femmes se trouvent encore dans les couloirs de la mort, attendant anxieusement, le jour de leur exécution. Dans un grand nombre de pays ayant abolit la peine capitale, le processus vers l'abolition s'est d'abord fait avec l'abandon progressif de la peine de mort pour les femmes.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette dynamique comme par exemple, la place de la femme dans la société ou encore leur nature étant plutôt non-agressive, etc. De nombreuses recherches sur la criminalité féminine démontrent que les femmes sont moins prédisposées à commettre des délits et crimes que les hommes car leur nature, influencée par nos sociétés, relève plutôt de l'instinct maternel, protecteur, paisible, réfléchit.

Il est intéressant de voir que dans un grand nombre de cas, lorsqu'une femme est coupable d'un crime, elle a un lien privilégié avec la victime. Père, frère, mari, beaux-parents, il est rare que la femme s'en prenne à un total inconnu. Par conséquent, il est possible de dire que la criminalité des femmes est souvent liée aux émotions, à la famille et relève rarement de la préméditation6.

En ce qui concerne les trafics de drogues, source principale des incarcérations féminines dans les prisons et couloirs de la mort en Thaïlande, les femmes occupent souvent des postes peu élevés dans la hiérarchie et parfois même sont indirectement liées aux affaires de stupéfiants à cause de leur amour envers un membre du trafic. Une étude menée auprès de femmes condamnées à être exécutées aux Philippines en 2005, pays dans lequel la guerre contre les drogues est aussi très présente, a permis de mettre en lumière la place des femmes dans ces trafics.

Le témoignage de "Catherine", détenues dans le couloir de la mort de l'Institut correctionnel pour femme (CIW) aux Philippines7, montre bien à quel point certaines femmes sont "coupable de leur amour". "Catherine" a été arrêtée en 1999 pour trafic de drogue mais en réalité, la police recherchait son mari. Faute de moyen, les policiers ont arrêté "Catherine", en fabriquant de fausses preuves (sac d'amphétamines soit disant retrouver sur "Catherine")8. Dans cette histoire, le mari sera finalement condamné lui aussi mais, le cas invraisemblable de "Catherine", mère de 4 enfants, montre la cruauté du système suivi par certains États dans leurs guerres antidrogues. À cela s'ajoute les circonstances atténuantes, à savoir la pauvreté, le manque d'éducation, les agressions physiques et sexuelles dont elles sont victimes au cours de leur vie, le climat familial difficile, qui peuvent également aider à comprendre comment certaines femmes deviennent "criminelles".

La plupart des condamnées à mort sont des mères, inquiètes pour l'avenir de leurs familles. Les conséquences de la peine de mort sur les enfants sont nombreuses. En effet, ces enfants se retrouvent bien souvent confrontés à des troubles psychologique, souffrent de formes d'exclusion sociale, ne font plus confiance au système étatique ayant exécuté leur mère ou leur père, etc9. Bien souvent, une fois l'exécution du père ou de la mère, l'enfant est soit placé, soit livré à lui même, ne bénéficiant pas de l'aide normalement assurée par l'État. Cette réalité permet de comprendre que la peine de mort ne répare en rien les dommages faits aux victimes mais à l'inverse, augmente le nombre de victimes.

C'est dans ce contexte que l'organisation non gouvernementale Union for civil liberty (UCL) est actuellement en train de travailler sur un projet visant à informer et conscientiser aussi bien les populations civiles que les autorités gouvernementales à la problématique de la peine de mort pour les femmes. Cette initiative menée sous la direction du Dr. Danthong Breen, s'inscrit dans un processus dont le but final est d'avancer vers une situation future où la peine de mort ne sera plus qu'un mauvais souvenir pour le royaume de Thaïlande.

Comme le disait le Dalaï-Lama, "Si l'on veut davantage de sourires dans la vie, on doit créer des conditions pour qu'ils apparaissent". Et se projeter vers une justice restaurative plutôt que punitive semble être une condition pour que la Thaïlande puisse réellement sourire de toutes ses dents.

(1) Union For Civil Liberty, WomenImprisonment and the Death Penalty in Thailand, May 2015, p. 7.
(2) FIDH, Behind the walls - A look at conditions in Thailand's prisons after the coup, February 2017, n°688a, p.13
(3) Ibid., p.15.
(4) Ibid., p.14 -15.
(5) Ibid., p. 16.
(6) Philippine Human Rights Information Center (PhilRights), Women's Education, Developpment, Productivity & Research Organization (Wedpro), "Invisible realities, forgotten voices: The women on death row from a gender and rights-based perspective", 2006, p.22.
(7) Ibid., p. 55- p.70.
(8) Ibid., p.62.
(9) Child Rights Connect, "Children of parents sentenced to death or executed", August 2013, 15p.
Tristan Zinck, chercheur au sein d'UCL (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) mercredi 26 avril 2017
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Publié le 25 avril 2017, mis à jour le 28 avril 2017

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