La victoire électorale des deux principaux partis d'opposition thaïlandais s’est confirmée lundi et ces derniers ont annoncé un accord de coalition. Mais des obstacles demeurent. Voici 5 points à retenir du résultat de ce scrutin législatif en Thaïlande.
La victoire du parti le plus progressiste marque un changement sociétal
La grande surprise de ces élections aura été la première place remportée par le parti progressiste Move Forward.
Ce nouveau parti, qui s’appuyait au départ sur un électorat jeune et urbain, a fait campagne sur des propositions de changements institutionnels relativement hostiles à l’establishment traditionnaliste, tels que restreindre le rôle de l'armée dans la politique ou encore supprimer le service militaire obligatoire. Mais le point de loin le plus controversé est la détermination -et les efforts inédits déjà mis en oeuvre- du parti pour amender la loi de lèse-majesté qui punit toute insulte envers le roi de Thaïlande et sa famille de plusieurs années de prison.
Il y a quelques années encore, le simple fait de discuter du rôle de la monarchie en Thaïlande était considéré comme tabou, et lors des grandes manifestations de 2020, certains ultra-royalistes estimaient qu’un mouvement appelant à de telles réformes n’avait pas d’avenir politique dans un pays attaché à sa monarchie. Dimanche, 10 millions de personnes ont voté pour Move Forward.
La victoire aux urnes est une chose, former un gouvernement en est une autre
Même si Move Forward et son allié le plus probable, le parti Pheu Thai, ont remporté à eux deux 292 des 500 sièges de la Chambre basse, cela ne leur suffit toujours pas pour s'assurer la majorité lors du vote parlementaire qui permettra de choisir le Premier ministre et de former un gouvernement.
En effet, les 500 députés ne sont pas seuls à voter. Il faudra aussi compter avec les voix du Sénat et ses 250 membres, tous nommés par l’ex-junte militaire. Compte tenu de l’inclinaison conservatrice de ces sénateurs triés sur le volet, cela signifie que la coalition menée par Move Forward doit rassembler au moins 376 députés pour garantir une majorité au Parlement.
Les partis politiques ont appelé lundi le Sénat à respecter la volonté du peuple et à soutenir ses efforts pour former un gouvernement.
Les marchés baissent en raison des craintes pour la stabilité
Le principal marché boursier a baissé de 1,3% lundi en raison des craintes suscitées par l'incertitude politique.
Certaines actions dans le secteur de l’énergie, comme celles du géant Gulf Energy, ont été affectées par les perspectives que le nouveau gouvernement réduise les prix de l'énergie et démantèle les monopoles.
Le baht a également réagi.
"Une résolution rapide sur la coalition aura un effet plus positif sur le marché, à notre avis, que si les discussions se prolongent", a souligné lundi Vijay Vikram Kannan, de la Société Générale. "Tant que l’incertitude autour de la coalition n’est pas résolue, le baht risque de rester volatile."
Plusieurs analystes estiment que les investisseurs des marchés financiers vont probablement faire une pause en attendant la formation du prochain gouvernement et une meilleure visibilité sur les orientations politiques à venir.
Ce scrutin marque la fin d’une longue domination du clan Shinawatra sur les élections
Même si le Pheu Thai est arrivé en bonne position, ces élections ont mis fin à une longue série de victoires pour le mastodonte populiste fondé par l’ex-Premier ministre milliardaire, Thaksin Shinawatra, aujourd’hui en exil volontaire pour échapper à une condamnation pour conflit d'intérêts prononcée en 2008, deux ans après son éviction du pouvoir par un coup d’Etat militaire.
Les partis de Thaksin qui se sont présentés entre 2001 et 2019 ont enregistré le plus grand nombre de votes à chacune des élections législatives.
La semaine dernière, Thaksin a fait savoir qu’il entendait revenir en Thaïlande d’ici la fin juillet, suscitant des craintes que son parti, le Pheu Thai, ne choisisse de négocier avec des partis pro-establishment en vue d’obtenir la possibilité d’un retour au pays de son patron.
Le positionnement politique vis-à-vis de la monarchie complique les perspectives d’une coalition solide
La position du parti Move Forward consistant à modifier - mais pas abolir - la loi de lèse-majesté risque de limiter le nombre de partenaires de coalition potentiels en vue de former un gouvernement.
Même si le chef du parti, Pita Limjaroenrat, insiste sur le fait qu'il souhaite modifier la loi seulement pour éviter qu'elle ne soit utilisée à des fins politiques, la présence au sein du parti de certains candidats poursuivis pour avoir insulté le roi risque de décourager certains partis à rejoindre un gouvernement qui serait dirigé par un parti perçu comme hostile à la monarchie.