BIRMANIE – Le drame des Rohingyas à visage humain

Habib, membre d'une des communautés les plus persécutées au monde selon l'ONU, donne un témoignage rare et saisissant du quotidien de son peuple rejeté par la Birmanie. Il est à lire dans un livre co-écrit avec la journaliste Sophie Ansel.

Depuis mars 2011, la Birmanie connaît une ouverture démocratique et économique sans précédent. L'icône Aung San Suu Kyi n'est plus assignée en résidence et a pu effectuer une tournée triomphale dans le monde. La communauté internationale applaudit à tout rompre ces changements aussi soudains que drastiques survenus dans un pays considéré jusqu'alors comme étant l'un des plus fermés au monde.

Ces avancées démocratiques ont aussi permis de jeter une lumière crue sur le triste sort des Rohingyas, une communauté musulmane apatride vivant dans l'État d'Arakan dans l'ouest du Myanmar. Ce peuple, fort de quelque 800.000 individus, parle une langue proche du bengali, mais il est tout aussi bien rejeté par le pouvoir birman que par le Bangladesh. Il n'a nulle part où aller. En Birmanie, l'ancienne junte, aujourd'hui dissoute, l'a privé de nationalité.

Subissant des exactions depuis des siècles, sa situation a encore empiré ces derniers mois avec une résurgence de violences ethniques et religieuses dont il est l'une des principales victimes. En juin 2012, des émeutes interconfessionnelles entre Bouddhistes et Musulmans ont fait plus de 200 morts. Après avoir enquêté sur le terrain, l'organisation internationale Human Rights Watch a évoqué dans un rapport publié le 22 avril, ?un nettoyage ethnique? dont les Rohingyas sont la cible.

Libéré du centre de rétention, 10 jours après la sortie du livre
Ces dernières semaines, les dépêches de presse se succèdent pour égrener la liste des victimes rohingyas en Birmanie. Nous les innommables, un tabou birman donne un visage à cette souffrance. Et ce n'est pas le moindre ses mérites. Le témoignage d'Habib, aujourd'hui réfugié en Australie, après avoir passé près de trois ans dans un centre de rétention, évoque la grande souffrance de son peuple. La journaliste Sophie Ansel a mené plusieurs entretiens avec Habib, lorsque celui-ci vivait dans ce centre. Ils ont communiqué par mail et par Skype pour construire patiemment ce livre, publié chez les éditions Steinkis. Hasard ou pas, Habib est sorti du centre, situation régularisée, dix jours après la publication de l'ouvrage.

?Comment peut-on parler de démocratie en Birmanie lorsqu'une de ses minorités est pareillement opprimée ??, s'interroge la journaliste Sophie Ansel. Selon elle, seule une action forte de la communauté internationale peut aider les Rohingyas. Surtout depuis que Aung San Suu Kyi, l'icône de la nation birmane, préfère rester discrète sur leur cas. ?Son attitude est une source de très grande déception pour les Rohingyas?, explique Sophie Ansel. ?Ils ont manifesté pour sa libération, lorsqu'elle était en résidence surveillée. Aujourd'hui, celle-ci, par calcul politique, parce qu'elle espère être élue présidente en 2015, est quasiment devenue le meilleure porte-parole des réformes lancées par le gouvernement birman. On ne peut reconstruire un pays en méprisant l'un de ses peuples?, ajoute-t-elle. 

Peu de temps après cette interview accordée par Sophie Ansel au Petit Journal.com de Bangkok, l'actualité liée aux Rohingyas  a rattrapé Aug San Suu Kyi. La Dame de Rangoon a en effet pris publiquement le 28 mai la défense de la minorité musulmane en s'opposant fermement au contrôle des naissances que veulent leur imposer les autorités de l'État Rakhine. Une lueur dans la nuit pour Habib et ses compatriotes.

LB (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) vendredi 31 mai 2013

Nous, les innommables. Un tabou birman, de Habiburahman et Sophie Ansel aux éditions Steinkis.

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