Les pays d'Asie du Sud-Est discuteront de la crise en Birmanie lors d'un sommet à Jakarta samedi, auquel certains pays ont choisi d'envoyer des ministres plutôt que des chefs de gouvernement.
L'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN), composée de 10 pays, tente de guider la Birmanie, l’un de ses membres, hors de la tourmente sanglante déclenchée par le coup d’Etat militaire contre gouvernement élu d'Aung San Suu Kyi le 1er février.
Mais les principes de consensus et de non-ingérence du bloc ont limité la capacité de celui-ci à surmonter les divergences de points de vue entre ses membres quant à la manière de répondre à la répression violente de l'armée qui a tué des centaines de civils.
Au moins six villageois ont été tués par des soldats mardi à Yinmarpin, dans la région nord de Sagaing, selon la Monywa Gazette.
Après l'annonce du sommet par le secrétariat de l'ASEAN, le Premier ministre thaïlandais Prayuth Chan-O-Cha a fait savoir qu'il serait représenté par son vice-Premier ministre, Don Pramudwinai, qui est également ministre des Affaires étrangères.
"D’autres pays enverront également leur ministre des Affaires étrangères", a indiqué à la presse Prayuth Chan-O-Cha, lui-même un ancien chef de l'armée ayant pris le pouvoir en Thaïlande par un coup d'État en 2014 avant de se faire reconduire au poste à l’issue d’élections controversées qui ont mené à des manifestations de masse en 2020 demandant sa démission.
Un responsable du gouvernement thaïlandais a déclaré samedi que le chef de la junte birmane, Min Aung Hlaing, se rendrait à Jakarta, même si le gouvernement birman ne s’est pas exprimé sur le sujet.
Cependant, dans les périodes de régime militaire précédentes, la Birmanie était généralement représentée aux réunions régionales par un Premier ministre ou un ministre des Affaires étrangères.
L'Indonésie, la Malaisie, les Philippines et Singapour ont tenté de faire pression sur la junte.
La Thaïlande, voisine de la Birmanie, s'est dite "gravement préoccupée" par l'escalade de violence et le nombre de morts, mais les liens militaires étroits et les craintes d'un afflux de réfugiés rendent peu probable un durcissement de la posture thaïlandaise.
Le ministre malaisien des Affaires étrangères, Hishammuddin Hussein, a pour sa part déclaré que son Premier ministre, Muhyiddin Yassin, assisterait à la réunion.
"Nous espérons qu'avec les discussions à venir à Jakarta, la Birmanie acceptera de laisser des représentants de l'ASEAN venir observer et aider le pays à revenir à la normale", a-t-il déclaré aux journalistes.
Peu de volonté
Selon l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP), un groupe militant, 738 personnes auraient été tuées par les forces de sécurité birmanes depuis le coup d'État.
L'armée birmane montre peu de volonté à discuter avec ses voisins et pas le moindre signe de vouloir parler aux membres du gouvernement qu'elle a évincé, accusant certains d'entre eux de trahison, un crime passible de la peine de mort.
Des politiciens pro-démocratie, parmi lesquels des parlementaires évincés du parti d’Aung San Suu Kyi, ont annoncé vendredi la formation d'un gouvernement d'unité nationale (NUG).
Il comprend nominalement Suu Kyi, qui est en détention depuis le coup d’État, ainsi que les dirigeants des manifestations en faveur de la démocratie et des minorités ethniques.
Le NUG dit être l'autorité légitime et a demandé une reconnaissance internationale et une invitation à la réunion de l'ASEAN à la place du chef de la junte.
L'ancien chef des Nations Unies, Ban Ki-moon, a exhorté son successeur à entrer directement en relation avec les militaires birmans pour prévenir la violence, et a déclaré que les pays d'Asie du Sud-Est ne devraient pas réduire les troubles à de simples problème internes à la Birmanie.
L'envoyée spéciale du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres pour la Birmanie, Christine Schraner Burgener, a communiqué avec l'armée depuis le coup d'État, mais la junte ne lui a pas permis de se rendre sur place.
Dans sa réponse la plus ferme à ce jour, l'Union européenne a annoncé lundi qu'elle imposerait des interdictions de voyage et le gel des avoirs à neuf membres du Conseil d'administration de l'État de la junte, formé au lendemain du coup d'État, ainsi qu'au ministre de l'Information U Chit Naing.
La décision fait suite à des mesures similaires prises par les États-Unis. Min Aung Hlaing et Myint Swe, qui est président par intérim depuis le coup d'État, ont été mis sur liste noire par l'UE le mois dernier.