Après 36 ans de présence en Thaïlande, l'organisation non gouvernementale Médecins Sans Frontières va cesser à la fin du mois ses activités dans le royaume à cause des obstacles dressés par les autorités. Son chef de mission Denis Penoy loue néanmoins l'évolution positive de l'attitude du gouvernement envers les personnes en difficulté, et notamment lors des inondations actuelles
Denis Penoy et MSF vont cesser fin novembre leurs activités sur le sol thaïlandais (photo courtoisie MSF)
Lepetitjournal.com/Bangkok : Pour quelles raisons la mission Médecins Sans Frontières quitte la Thaïlande ?
Denis Penoy : Médecins Sans Frontières avait déjà fermé au printemps à cause des autorités thaïlandaises ses deux centres de migrants illégaux, l'un au col des Trois Pagodes, près de Sanklaburi à la frontière birmane, et l'autre à Samut Sakhon, ville portuaire au Sud de Bangkok. Notre principale occupation était de prodiguer des soins de santé primaire aux communautés qui en avaient le plus besoin. Alors que les officiels des districts semblaient plutôt ouverts à nos projets au départ, les tractations pour les mettre en place ont finalement duré 18 mois, avant que nous ne décidions d'arrêter nos activités devant leur blocage.
Il y a eu principalement deux points d'achoppement avec les autorités thaïlandaises. Premièrement, elles voulaient nous autoriser à faire uniquement la promotion de la santé et de l'éducation, mais pas à soigner les gens. Deuxièmement, MSF a besoin d'une certaine autonomie dans son travail, et cela n'a pas été possible en Thaïlande, notamment à Samut Sakhon où nous avons eu le plus de difficultés. Nous avons nos propres protocoles, nos propres médicaments, mais les autorités souhaitaient garder un certain contrôle là-dessus. Tous les problèmes que nous avons rencontrés se traduisaient par des tracasseries administratives qui nous empêchaient d'avancer.
Quel bilan peut-on faire des 36 ans de présence de MSF en Thaïlande ?
Durant cette période, MSF a principalement été efficace sur deux grandes actions : l'aide aux réfugiés cambodgiens situés dans des camps à la frontière avec le Cambodge à l'époque du régime de Pol Pot, et l'accès aux rétroviraux pour les malades porteurs du VIH. A la fin des années 1990, le challenge de MSF était de montrer qu'il était possible de soigner, et pas seulement de prévenir, y compris dans les zones difficiles. Les programmes précurseurs que MSF avait mis en place en Thaïlande et en Afrique du Sud à cet effet ont été de vrais succès puisqu'ils ont été repris par les autorités locales et par des missions de MSF dans d'autres pays.
Qu'est-ce qui pourrait amener MSF à revenir en Thaïlande ?
Une tragédie tel un tsunami pourrait provoquer notre retour. Aujourd'hui, nous avons toujours une équipe qui vient en aide aux sinistrés des inondations. Mais notre première conclusion sur ces événements est que la réponse des autorités est impressionnante en terme d'assistance aux victimes. Des unités médicales mobiles très efficaces ont été mises en place et les abris pour accueillir les évacués sont très bien organisés. Depuis une quinzaine d'années, la Thaïlande s'est fortement développée tant au niveau économique que pour ses équipements institutionnels. L'aide des autorités à la population s'est étoffée et il existe aujourd'hui "un filet" de sécurité sociale. La présence d'organisations humanitaires dans un pays n'est pas nécessaire si elle n'apporte pas de plus-value par rapport au travail effectué par les autorités. Et lorsque c'est le cas, c'est plutôt une bonne nouvelle.
Propos recueillis par Yann Fernandez (http://www.lepetitjournal.com/bangkok.html) mardi 1er novembre 2011
Lire aussi :
Notre article du 5 octobre 2011 ? Médecins Sans Frontières se retire de Thaïlande
Notre article du 21 mai 2009 ? MSF se retire du camp de refugiés Hmong
Notre article du 2 juillet 2008 ? La Thaïlande renvoie les Hmong au Laos dans l'indifférence générale
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