Il y a quelques semaines, l'Irlande a tenu un référendum sur l'avortement. Qualifiée de "hot potato" en anglais, l'intervention volontaire de grossesse est également un sujet sensible en Nouvelle-Zélande. La rédaction vous donne les axes majeurs de cette question de société.
Les débuts de la question de l'avortement
Comme dans la majorité des pays, avant le XXème siècle, l'interruption volontaire de grossesse était illégale. En Nouvelle-Zélande, le premier texte sur la question date de 1867. Cet acte est un crime. Cependant, dès les années 1930, le Parlement assouplit la législation. L'arrêt d'une grossesse est possible si la vie de la mère ou sa santé mentale sont mises en danger par la poursuite du processus biologique. En dehors de ces deux cas, les femmes interrompant elles-mêmes leurs grossesses étaient considérées comme des criminelles. Si elles faisaient appel à une faiseuse d'ange, elles étaient le complice de ce crime et le praticien était criminel.
Le tournant des années 1960 - 1970
Malgré la permanence du cadre légal rigide et la pression sociale importante, les années soixante, porteuses d'une révolution de la sexualité et des moeurs, rendent cette pratique médicale beaucoup plus accessible. En regardant les chiffres de la fin des sixties, les avortements pratiqués dans un cadre officiel passent de 70 en 1965 à 300 en 1970. Dans le cas où elles n'entraient pas dans les cadres légaux, les femmes néo-zélandaises avaient également comme solution de se rendre en Australie pour avorter.
Dans les années 1970, la controverse se cristallise. En effet, en 1974, la première clinique spécialisée dans les avortements ouvre ses portes. Il va s'ensuivre une bataille intense entre les pro-life, dont le lobby principal est la Voice for Family, et les pro-choice, incarnés par Abortion Law Reform Association New Zealand (ALRANZ), qui se poursuivra jusqu'aux années quatre-vingt. La lutte entre ces deux lobbies reviendra sur le devant de la scène à chaque fois que la question de l'avortement sera soulevée.
Le cadre légal contemporain
La loi qui s'applique encore aujourd'hui quant à l'avortement date de 1977. C'est le Contraception, Sterilisation and Abortion Act. Le cadre légal est restreint. En effet, bien que l'acte médical puisse être réalisé jusqu'à 20 semaines de grossesse, l'avortement est théoriquement limité à cinq cas :
- Porter à terme la grossesse met en danger la vie de la mère.
- Préserver la santé mentale de la mère.
- Malformation du foetus.
- Inceste.
Deux autres éléments peuvent également être pris en compte : les cas des crimes sexuels ou certains facteurs sociaux (l'âge notamment).
À ces éléments viennent s'ajouter une procédure administrative aussi longue (généralement un mois) que lourde. Une femme voulant avorter doit passer devant un médecin généraliste qui ensuite l'adressera à un centre spécialisé. Son dossier devra être examiné par deux médecins agréés. La décision finale leur revient.
Les enjeux actuels
Le cadre légal limité rend l'avortement pour toute autre cause illégal, d'autant plus que le texte est intégré aux Crimes Actes de 1961. Ces dernières années, la Nouvelle-Zélande fait face à une résurgence du débat. Selon le camp pro-life, il y aurait une lecture beaucoup trop souple du texte de 1977 et un usage abusif du paragraphe autorisant l'avortement en cas de danger pour la santé mentale.
Les soutiens d'une réforme de la loi sur l'avortement ont différentes revendications :
- Si aujourd'hui la lecture de la loi est souple et permet un accès à l'avortement, un retour à une lecture stricto sensu est toujours possible. À titre d'exemple, en 2015, 250 femmes se sont vu refuser cette procédure au motif qu'elles n'entraient dans aucun des cadres. Cette instabilité de l'appréciation de la loi conduit à l'instabilité du cadre légal.
- La décision finale ne revient jamais à la femme. Seuls les médecins agréés décident si la patiente entre dans les cadres de la loi. Ce seul élément vient remettre en cause le principe de libre disposition du corps et du principe d'autodétermination.
En 2017, la ministre de la Justice issue du New Zealand National Party avait fait savoir que la réforme du Contraception, Sterilisation and Abortion Act n'était pas au programme. À la même période, Jacinda Ardern, porte-parole du Labour Party, avait refusé de s'exprimer sur la question alors même que sa famille politique exprimait la volonté de former une commission de révision de la loi sur l'avortement. Depuis sa nomination en tant que Première Ministre, Madame Ardern a soutenu la mise en place d'une commission travaillant sur un nouveau projet de loi. Le travail est actuellement en cours.