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L'ambiguïté écologique de la Nouvelle-Zélande (2/2)

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Photo by Kasturi Laxmi Mohit on Unsplash
Écrit par Marion Gabrié
Publié le 11 juillet 2018, mis à jour le 12 juillet 2018


Quelle place pour l'enjeu environnemental en Nouvelle-Zélande ?

Nous avons déjà vu que la Nouvelle-Zélande n'est pas si clean que ce que l'on peut penser. La santé du pays vert est menacée par l’agriculture, les transports et la consommation. Quelles sont les mesures mises en oeuvre ? Comment est traitée cette question par le pays ? Le Petit Journal Auckland revient sur les réponses apportées par les acteurs néo-zélandais.

 

Environnement et politique : une relation de longue haleine

L'environnement est une question politique dans de nombreux pays. Les actions visant sa protection sont principalement des politiques nationales. La Nouvelle-Zélande n'échappe pas à ce phénomène mondial. Elle y a même participé à ses débuts :

Dans les années 1960 apparaît une nouvelle sensibilisation écologique dans les pays occidentaux. Aotearoa connaît sa première problématique environnementale majeure dès 1959 avec la campagne contre la hausse du niveau des eaux des lacs Manapouri et Te Anau. Cet événement marque un tournant dans la prise de conscience environnementale, tant par la société civile que par les politiques. Il conduit à l'élaboration d'un corpus spécifique de droit de l'environnement et à la création de plusieurs organisations gouvernementales dédiées à la question.

 

lutte environnementale lac Manapouri
Memorial " Save Manapouri " 

 

Le droit de l'environnement est consacré dans les années 1980 avec l'adoption de la loi sur l'environnement de 1986 et de la loi sur la conservation de 1987. Ces textes créent le ministère de l'Environnement, le commissaire parlementaire pour l'environnement et le ministère de la conservation. La loi la plus importante est celle de 1991, sur la gestion des ressources. De nombreuses mesures ont été prises depuis lors.

Malgré cela, le pays assiste à une dégradation continue de son environnement. Des chercheurs tentent d'expliquer ce paradoxe, telle Catherine Knight, historienne de l'environnement, dans son dernier livre Beyond Manapouri: 50 years of environmental politics in New Zealand. Le cas de la Fart Tax est un bon exemple selon elle. En 2003, le gouvernement a proposé d'introduire une taxe sur tous les animaux d'élevage pour leurs émissions de méthane. L'industrie agricole s'y est violemment opposée de sorte que la mention a été retiré. 

Qu'en est-il aujourd'hui ?

Pour la première fois depuis les années 1970, l'environnement a été au coeur des préoccupations lors des élections de 2017.

Le Green Party est désormais au gouvernement grâce à un accord avec le Labour Party. Jacinda Ardern leur a donné trois postes de ministres hors cabinet et un poste de sous secrétaire. James Shaw, leader du Green Party, est Ministre pour le Changement Climatique et Eugenie Sage est Ministre de la Conservation, et Ministre associé de l'Environnement. 

Pour l'histoire, en 1972, la Nouvelle-Zélande est le premier pays au monde, avec la Tasmanie, à avoir un parti politique environnemental à un niveau national : le Values Party, devenu Green Party en 1990. Il existe 86 Green Parties aujourd'hui sur la planète.

 

James Shaw ministre changement climatique
James Shaw et Jacinda Ardern (AP Photo/Nick Perry)

 

Le gouvernement actuel a déjà pris des mesures audacieuses : augmentation du financement du ministère de la Conservation, création d’une commission sur les changements climatiques, engagement au respect du système d’échange de quotat d’émission, mise en place d’une loi sur la gestion des ressources ou encore la déclaration d’une politique nationale pour la gestion d’eau douce ne sont que quelques uns des engagements pris par la coalition dirigée par le Labour Party. 

" Nous serons un gouvernement (…) qui sera absolument concentré sur le défi du changement climatique ", avait déclaré Mme Ardern.

James Shaw essaie de dépolitiser la question afin que les efforts environnementaux ne varient pas selon les partis au pouvoir. Cet objectif est celui de Zero Carbon Act. L'idée est de  contrôler les émissions par la loi afin que les entreprises puissent s'engager sur le long terme sans craindre un changement politique. Il s'agit de fixer des objectifs ainsi qu'un cadre pour l'atteindre, avec une commission indépendante sur les changements climatiques. Tout cela est basé sur le modèle au Royaume-Uni. 

Les changements sont certains mais il est trop tôt pour faire un bilan. Cependant il est possible de remarquer deux points. La question environnementale a pris une place centrale dans la politique néo-zélandaise. Paradoxalement, il apparait une volonté de dépolitiser la question, après des années de bataille pour son inscription à l'agenda du gouvernement.

 

L'environnement au coeur des enjeux économiques du pays

L'activité économique de la Nouvelle-Zélande repose en grande partie sur ses ressources naturelles. L'agriculture, le tourisme et la production d'électricité dépendent tous de l'environnement. Or un des secteurs majeurs, l'industrie laitière, qui pèse à elle seule 28% des revenus de l'exportation, est aussi la plus polluante. Près de 50% des émissions de gaz à effet de serre sont issues de l'agriculture dans le pays, contre 10 à 12% à l'échelle mondiale.

Pourtant ce secteur ne connaît pas une réglementation aussi stricte que les autres. Ce paradoxe est cristallisé à travers la question de l'inclusion de l'agriculture dans l'Emissons Trading Sheme (ETS) revu en 2011. Le programme vise à réduire les émissions de gaz effet de serre. Les agriculteurs ne sont pas tenus par ses obligations. Ils le seront seulement s'il " existe des technologies économiquement viables et pratiques disponibles pour réduire les émissions et si nos partenaires commerciaux font plus de progrès dans la lutte contre leurs émissions en général. " écrit le gouvernement.

 

industrie laitiere en nouvelle zelande
Photo par Peter James Quinn

 

L'explication de l'exclusion de ce secteur de l'ETS repose sur la nature des émissions dans l'élevage, d’origine naturelle. Un enjeu principal est également la viabilité économique. La question est donc de savoir s'il vaut le coup économiquement et environnementalement d'inclure ce secteur dans l'ETS. 

D'autres solutions commencent à être envisagées. L’une d’entre elles est le Zero Carbon Act. Un groupe de leaders de l'industrie agricole a publié une tribune dans Stuff. Ils s'engageant à « travailler ensemble pour atteindre le zero carbon de la production agroalimentaire d'ici 2050 ». 

 

La société civile, jusqu'où va son amour pour l'environnement ?

Nous l'avons déjà vu, les Néo-Zélandais ont à coeur l'environnement. Pourtant le mode de vie kiwi n'a jamais été aussi peu durable que ces dernières décennies. Les changements de ces vingt dernières années ont eu des conséquences importantes sur la qualité de l'air, de l'eau et des sols, ainsi que sur la faune et la flore du pays.

Le pays compte 4,8 millions d’habitants, c'est un million de plus qu'en 1997. Or entre 1992 et 2011, la dépense de consommation réelle des ménages par personne a augmenté de 40%. Si la Nouvelle-Zélande reste légèrement en dessous de la moyenne de consommation des autres pays de l'OCDE (2011 Statistics New Zealand), ces changements sont un indice de l'impact du mode de vie sur l'environnement.

De nombreux changements peuvent être relevés : l'utilisation des voitures, l'importation de produits, la consommation énergétique... Deux d'entre eux sont significatifs :

Le premier est l'augmentation d'environ 20% de la quantité de déchets au cours des trois dernières années (en moyenne 734 kg déchets par an par Kiwi). Jusqu'à présent, le pays a vu le recyclage comme la solution au problème des déchets. Il en exportait une grande partie en Chine jusqu'à ce que le géant asiatique en refuse un grande partie cette année. D'autres solutions sont envisagées, dont le changement de mode de consommation.

Le second point est l'utilisation du plastique. Les sacs plastique à usage unique sont très nombreux : selon Greenpeace, les Kiwis utiliseraient environ 1.6 milliard de sacs plastique par an, pour une utilisation d'environ 12 minutes par sac.

 

dechet et gaspillage en Nouvelle Zelande
Photo Reuters

 

Pourtant la mobilisation citoyenne pour la défense de l'environnement est forte, et ce depuis longtemps. La campagne "Save Manapouri" avait mobilisé 10% de la population néo-zélandaise pour sa pétition. L'an dernier une foule d'étudiants s’est assemblée devant le Parlement en juin pour exiger l'interdiction des sacs en plastique. Des organisations nationales ont également fait pression sur les participants aux élections concernant l'environnement dans une lettre envoyée à Jacinda Ardern du Labour Party, James Shaw du Green Party et Winston Peters de New Zealand First : " Tous les manifestes de votre parti ont pris l'engagement d'améliorer l'état de notre environnement et nous vous félicitons pour ces promesses ".

Le pays compte de nombreuses organisations nationales et internationales pour l'environnement. La plus grande organisation de conservation, formée en 1923, est Forest and Bird. Greenpeace Aotearoa Nouvelle-Zélande a été fondée en 1974. ECO a été fondée en 1971 sous le nom de CoEnCo pour répondre aux besoins de la communauté de la conservation. C'est réseau à but non lucratif regroupant plus de 50 organisations soucieuses de la conservation et de l'environnement.

 

Pour conclure la Nouvelle-Zélande a une longue histoire de considération environnementale. Les Kiwis ont à coeur cet enjeu et agissent aujourd'hui chacun à leur échelle. Mais les paradoxes sont nombreux dans les comportements, les objectifs et les volontés.


 

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