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L'industrie du lait néo-zélandaise pointée du doigt pour la pollution

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Écrit par AFP
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 23 avril 2018

L'industrie laitière néo-zélandaise pollue-t-elle au point de mettre en péril les ressources naturelles qui la font vivre ? Dans un pays qui a su se vendre à l'étranger comme un parangon de naturalité, de plus en plus de voix réclament le passage à une agriculture plus durable et raisonnée.

Les principaux acteurs de l'industrie laitière, qui pèse à elle seule 28% des revenus de l'exportation (environ 7,97 milliards d'euros) et 47.000 emplois, ont d'autant plus de mal à entendre cette nouvelle exigence écologique que le secteur est toujours rentable.

La coopérative géante néo-zélandaise Fonterra, premier exportateur mondial de lait, a annoncé fin mars un chiffre d'affaires en hausse de 6% pour le premier semestre de la campagne 2017-18. Le résultat net a baissé, à 248 millions de dollars.

En Nouvelle-Zélande où, depuis 2012-2013, vivent plus de vaches (4,86 millions) que d'habitants (4,72 millions), tout a été fait pour transformer le moindre brin d'herbe en lait.

En trente ans, la taille moyenne des troupeaux laitiers a triplé. La superficie de leurs pâturages a augmenté de 45% depuis 1995 avec, pour conséquence, la multiplication des systèmes d'irrigation sur des terres naturellement sèches.

Pour Mike Joy, maître de conférence en écologie et en science de l'environnement à l'université Massey, "si le secteur a pu se développer autant et aussi vite, c'est notamment grâce à l'utilisation massive de fertilisants chimiques tels que les engrais azotés".

L'impact sur l'environnement est dévastateur. En Nouvelle-Zélande, près de 50% des émissions de gaz à effet de serre sont issues de l'agriculture, contre 10 à 12% à l'échelle mondiale.

Sept rivières sur dix impropres à la baignade

"Entre 1998 et 2009, l'excédent d'azote dans le sol était plus important ici que dans n'importe quel autre pays de l'OCDE", rappelle Mike Joy à l'AFP.

Selon un rapport gouvernemental qui pointe la hausse des niveaux d'azote et une prolifération des algues, sept des dix rivières contrôlées étaient impropres à la baignade en 2017. Les trois quarts des poissons d'eau douce natifs du pays insulaire seraient menacés.

Il y a urgence, crient les défenseurs de l'environnement, mais aussi certains industriels. "Nous avons désormais atteint les limites économiques, sociales et environnementales de notre activité et nous devons créer de la richesse autrement", écrivait récemment dans un éditorial du New Zealand Herald Steve Carden, le directeur de Landcorp, une entreprise publique productrice de lait.

Quant aux Néo-Zélandais, ils demandent aussi des comptes. "Ils ont subitement pris conscience qu'on était en train de leur ôter" ce qui représente l'image d'Epinal de la Nouvelle Zélande: "une baignade dans une eau cristalline en toute sécurité", souligne à l'AFP, Phil Vine de Greenpeace NZ.

Sous pression, Fonterra a publié fin 2017 son tout premier rapport sur le thème du développement durable. La coopérative s'est engagée à éliminer d'ici à 2050 les gaz à effet de serre émis lors de la transformation et du transport de son lait.

 

Fonterra
Le président de la coopérative néo-zélandaise Fonterra John Wilson aux côtés du PDG Theo Spierings (C) au cours de la présentation des résultats annuels à Auckland le 24 septembre 2015. Fonterra est le premier exportateur mondial de lait
afp.com - MICHAEL BRADLEY

 

Reste le problème des 85% restants, directement imputables aux troupeaux qui expulsent méthane et protoxyde d'azote. "Nous prenons notre part de responsabilité", estime Bruce Thorrold, chef de l'investissement et de la stratégie à Dairy NZ, qui représente le secteur. "Nous ferons partie de la solution. Nos éleveurs sont à la fois motivés et innovants. Combiné aux avancées de la recherche scientifique et à notre collaboration avec le gouvernement, leur sens de l'initiative nous permettra de relever ce défi".

Pourtant la dépendance du secteur au marché mondial ainsi que le surendettement des éleveurs - à hauteur de 40 milliards de dollars - freinent les changements. Du coup, mauvaise foi et "greenwashing" font partie de l'équation.

"Selon l'industrie, 90% des accès aux rivières seraient clôturés", ce qui permettrait ainsi d'éviter les déjections animales directement dans l'eau des rivières, dit Phil Vine. "Mais encore faut-il s'entendre sur le terme rivière: 77% de la pollution provient des petits cours d'eau exemptés de toute obligation de clôturer", dénonce le responsable de Greenpeace NZ.

Avec la diversification des cultures, les plantations riveraines ou encore l'arrêt de l'expansion de l'irrigation, la réduction des troupeaux fait partie des solutions avancées pour alléger l'empreinte écologique de l'exploitation laitière.

"Ces nouvelles voies seront peut-être moins rentables à court terme", a expliqué à l'AFP Alan Renwick, professeur d'économie agricole à l'université Lincoln, "mais sans doute plus durables".

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