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Rencontre avec un écrivain en vogue François-Henri Désérable

François-Henri Désérable François-Henri Désérable
Écrit par Lauren Bardebes
Publié le 31 janvier 2019, mis à jour le 9 mars 2019

Il y a des moments brefs, joyeux dans la vie qui nous font aimer plus que tout la littérature. La rencontre avec François-Henri Désérable a le goût de la fiction, il transforme un voyage en une belle histoire et sait nous séduire en nous racontant les moments inopinés de la vie.

Son parcours est singulier, il rêvait d’être un grand hockeyeur et devint écrivain pour notre grand plaisir. À seulement 30 ans et des poussières, ce jeune homme de lettres nous a déjà emmené dans des univers bien différents au travers de ses romans. Avec son premier roman à succès, Tu montreras ma tête au peuple paru en 2013, il nous emmène au temps de la Révolution française, et nous fait vivre les derniers moments de vie de ces personnages historiques.

Son deuxième roman, Evariste raconte la vie fulgurante du Mathématicien Evariste Gallois qui à quinze ans découvre les mathématiques ; à dix-huit les révolutionne et à vingt meurt en duel.

Puis avec Un certain Mr Pielkieny, son dernier roman, c’est dans l’univers de Romain Gary et plus particulièrement La promesse de l’Aube qu’il nous emmène. Avec comme départ un voyage à  Vilnius, il mêle habilement réalité et fiction. On ne sait pas ce qui est vrai ou complètement inventé mais au final, quelle importance?

De passage en Nouvelle-Zélande pour écrire un essai, nous lui avons posé quelques questions.

Après un voyage assez court de 15 jours en NZ, en tant qu'écrivain, que t'inspire ce pays ?

François-Henri Désérable : De la bienveillance. Je n’ai rencontré que des gens polis, serviables et souriants. Pas un chauffeur de bus, pas un commerçant, pas une serveuse, pas un garçon de café, pas un hôtelier qui ne se serait pas mis en quatre pour me rendre service, et pas une fois en dix jours je n’ai pensé de tel ou tel : mais quel con (ce qui à Paris ne me prend qu’une dizaine de minutes).

Il ne faut pas généraliser. Henri Michaux, que j’ai lu avec ferveur, m’énerve un peu dans Un barbare en Asie, carnet inspiré d’un voyage en Asie au début des années 30. Décrivant les pays qu’il traverse, il jette sur leurs habitants un regard drolatique, poétique, sans méchanceté ni complaisance, mais en tirant de quelques cas particuliers des conclusions qu’il applique à l’ensemble, ce qui revient, en somme, à mettre tout un peuple dans le même sac – et ce qui donne à peu près : les Indiens sont comme ceci, les Indonésiens comme cela, les Chinois font ceci, les Japonais font cela, jugements définitifs que l’Histoire devait d’ailleurs pour la plupart récuser.

Je sais bien, donc, qu’il ne faut pas généraliser, mais au moment de quitter ce pays j’ai comme une envie de prêter à chacun des Néo-zélandais les vertus rencontrées chez ceux dont j’ai pu croiser la route. Ainsi j’affirme sans sourciller, conformément au théorème de Michaux, que les Kiwis sont polis, serviables et souriants.

Quels sont les auteurs qui t'ont fait envie de visiter la Nouvelle-Zélande et pourquoi ?

En vérité, je connaissais mieux le cinéma néo-zélandais (Jane Campion, Taika Waititi, Lee Tamahori…) que la littérature néo-zélandaise. J’avais lu Les Luminaires, d’Eleanor Catton, et je connaissais un peu Katherine Mansfield dont j’avais lu le Journal. Je savais donc qu’elle était née à Wellington en 1888 ; qu’elle avait étudié en Angleterre de treize à dix-huit ans ; qu’elle était rentrée en Nouvelle-Zélande puis repartie en Angleterre ; qu’elle avait joué du violoncelle ; été l’amante d’une poétesse ; épousé un homme qu’elle avait quitté le jour même ; qu’elle était morte à trente-quatre ans, en France, de la tuberculose, trois mois après avoir noté dans son Journal : « Dieu soit béni de nous avoir accordé la grâce d’écrire », et qu’après sa mort, Virginia Woolf avait dit n’avoir jamais été jalouse que d’un seul écrivain : elle. Mais ce ne sont pas des auteurs qui m’ont donné envie de visiter le pays du long nuage blanc (même si je n'ai vu qu'un ciel bleu), non, ce sont plutôt les récits qu’ont pu m’en faire certains amis déjà passés là.

Qu'est-ce qui t'a paru le plus étrange dans ce pays ?

Que vaut un voyage, s’il ne vient pas mettre à bas quelques idées préconçues ? Avant ce périple néo-zélandais, je croyais qu’il en était des Maoris comme des Indiens d’Amérique : un peuple laminé par l’arrivée des colons, ces Blancs débarqués avec leurs croix, leur variole et leur poudre, et dont il ne subsiste que quelques réserves en plus d’un chapitre à peine repentant dans les livres d’Histoire.

Or non, les Maoris sont toujours là, 730.000 en Nouvelle-Zélande, soit 15% de la population – le reste étant constitué de Blancs qu’on appelle Pākehā (68 %), d’Asiatiques (9 %) et de Polynésiens (7%). Le 1% restant, c’est des cons de touristes comme moi. Mieux, la culture maorie est promue : il existe des radios, des chaînes de télévision maories, on l’enseigne à l’école, et il n’est pas rare que les Pākehā vous saluent d’un Kia ora. Un esprit chagrin, cela dit, ne pourra s’empêcher d’objecter que des Maoris on préserve moins la culture que le folklore, et ce pour divertir les 1% qui délient volontiers les cordons de leur bourse : ici, visitez la reconstitution d’un village tribal ; là, assistez à un spectacle culturel.

Voyez-les qui dansent à moitié nus, est-ce que ça n’est pas pittoresque ? Est-ce que ça n’est pas exotique ? Et pour quelques dollars de plus, ils tireront la langue en faisant les gros yeux. (N’oubliez pas messieurs-dames de passer par la boutique en sortant : artisanat authentique, 100 % garanti.) Ce que ne verront pas les touristes : la majorité des Maoris qui vivent en banlieue sud d’Auckland, près de l’aéroport, où la misère, l’alcool et la violence sont le pain quotidien. Cela dit, j’ai été plutôt surpris, dans le bon sens, par les efforts mis en place pour promouvoir ce biculturalisme Pākehā-Maori.

 

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