Concourant pour la 9ème édition du trophée des Français de l’étranger créé par lepetitjournal, Marine Liakis mise sur sa bienveillance et son altruisme. Ce concours récompense chaque année sept parcours à l’international au printemps-été 2021. Malgré une concurrence rude, son association Zaatar ayant pour but de soutenir et d’accompagner les réfugiés d’Athènes, pourrait bien faire d’elle la candidate idéale.
Qui est Marine, quel âge avez-vous ? D'où venez vous?
Je m’appelle Marine Liakis, j'ai 31 ans, je suis originaire de Paris, je suis arrivée en Grèce en septembre 2015 et je réside actuellement à Athènes.
Pourquoi avoir choisi la Grèce ?
Ce fut un peu par hasard, bien que mon père soit grec, nous parlions uniquement français à la maison et nous ne perpétuons pas vraiment les traditions de ce pays.
Par la suite, j'ai eu la chance d’apprendre la langue grecque au lycée grâce aux options proposées, et d’effectuer un stage à l’ambassade de France d’Athènes dans le cadre de mes études.
J’ai enchainé deux contrats d’un an à l’institut française d’Athènes, et de fil en aiguille je me suis retrouvée étroitement liée à cette culture.
Comment avez-vous vécu cette expatriation ?
Comme tout le monde je dirais qu’il y a eu des hauts et des bas. J’ai accouché il y a 3 mois d’une petite fille en Grèce. L'idée que ma fille grandisse dans un autre pays que mon pays natal n'était guère rassurante. La pandémie a également accentué cette crainte.
De plus, la culture et les méthodes de travail étant différentes en Grèce, je me suis sentie un peu comme une extraterrestre quand j’ai monté mon association, mais au final c’est une expérience que je ne regrette pas.
Marc Lévy a dit “l’expatriation ce n’est pas un renoncement mais une promesse”. Quelle serait votre définition de l’expatriation ?
Je dis que nous avons grandi avec l’idée que : “ce qui est blanc est blanc, ce qui est noir est noir”. Je me dis que c’est une bonne remise en question, et que parfois il faut savoir accepter le changement quitte à s’éloigner de nos proches.
Parlez-nous de votre association ? En quoi consiste-t-elle ? Comment l’idée vous en est venue ?
Quand je suis arrivée à Athènes, tout s’est enchaîné très vite. J’ai remarqué qu’il y avait effectivement cette volonté d’aider les réfugiés dans la capitale mais qu’il n’y avait pas de réel accompagnement par la suite les concernant.
J’ai donc décidé de prendre part au combat et de créer mon association Za'atar en 2016. Cette association comprend une auberge pour femmes en difficultés qu’elles soient avec ou sans enfants, un restaurant social puis un salon de coiffure.
Nous proposons plusieurs activités telles que des cours de langues, de l'apprentissage scolaire, des cours de cuisine, des leçons pour créer son cv… Nous travaillons également sur un projet qui contribue à soutenir la communauté LGBT à Athènes.
De manière générale, nous aidons les réfugiés à mieux s'intégrer dans le monde du travail et dans la société notamment via des infrastructures sociales dédiées.
Nous sommes au total une vingtaine de personnes dont des étudiants, des professeurs, des avocats venus du monde entier pour mener à bien cette cause qui nous est chère.
Comment vous est venue l’idée de soumettre votre candidature à l’édition 2021 du trophée des étrangers ? Qu’est- ce que ce trophée représente vraiment pour vous ?
Pour être honnête c'est mon partenaire qui m'a suggéré de soumettre ma candidature. Il m’a dit : "vas-y lance toi, ton expérience correspond aux critères !”. Je me suis donc inscrite au dernier moment ! Cette participation au concours est une occasion de mettre ce combat ainsi que l’équipe dans la lumière. Nous sommes une équipe vraiment soudée, les bénévoles viennent des 4 coins de la planète et chacun apporte sa petite touche personnelle par rapport à sa nationalité, j’en suis fier !
Dans cette association nous sommes souvent en coulisses, nous ne cherchons pas à nous valoriser en se mettant en avant, mais je pense que c’est important de montrer aux gens ce qu’il est possible d’accomplir avec de la bonne volonté.
Quel est le processus de recrutement pour intégrer votre association ?
La formation commence en vérité en amont de la venue dans nos locaux. Chaque “postulant” reçoit une charte de 30 lignes expliquant ce qu'est un bon et mauvais bénévole. Nous faisons ensuite un point avec eux sur la culture grecque qu'il est primordial de connaître pour comprendre les réfugiés, leur manière de penser.
Après la théorie vient la pratique, chaque bénévole passe une matinée sur place avec une personne expérimentée à ses côtés en guise de soutien durant cette période d’apprentissage.
Quelles sont les principales qualités pour être un bon bénévole ?
Il faut savoir se retrousser les manches ! Il ne faut pas considérer les réfugiés comme des victimes, ce sont des gens comme nous, certains bénévoles viennent avec cette idée de vouloir “sauver le monde”, paraitre en héros, or il s’agit vraiment de les comprendre, d’échanger avec eux, de les accompagner. Il est également nécessaire d'être ouvert d’esprit, nous accueillons des réfugiés de nationalités différentes, il y a donc un certain travail d'adaptation.
Parler plusieurs langues est également un avantage, nous avons beaucoup de bénévoles issus de cultures différentes, qui parlent minimum 2 langues.
On reproche souvent aux jeunes de ne pas être assez impliqués dans ce genre de cause. Comptez-vous beaucoup de jeunes parmi les bénévoles de l’association Zaatar?
Pour le coup la moyenne d'âge au sein de l’association est de 21 ans, beaucoup d’étudiants Erasmus notamment se sont engagés à nos côtés en parallèle de leurs études, ils sont très motivés !
Qu’avez- vous à dire pour les personnes qui souhaitent s’engager mais qui n’osent pas encore faire le premier pas ?
Faire partie de notre association ne nécessite pas impérativement d’avoir fait des études dans l’aide à la personne.
Puis si nous aidons les réfugiés, eux nous aident aussi d’une certaine manière. Ils nous permettent d’apprendre de nouvelles cultures, de travailler avec des personnes issues de nationalités différentes, de nous rendre plus humains, c’est une expérience très enrichissante tant sur le point personnel que professionnel. La preuve en est que certains bénévoles reviennent chaque année, car aider les autres c’est une expérience et non une corvée.
Votre association a dû être touchée de plein fouet par la pandémie. Comment avez-vous géré cette crise ?
Ça a été très difficile, on a eu 2 cas de covid en tout début de pandémie, dont une jeune qui était très inquiète.
On a dû très vite s'adapter et utiliser les outils adéquats comme : zoom, whatsapp, skype… Bien que nous disposons de nombreux outils de substitution, il est impossible d'être aussi proche par visioconférence. Avant la crise, les jeunes échangeaient vraiment entre eux, il y avait un côté informel, convivial, on a perdu ce côté- là. Ce n’est pas pareil certes, mais c’est mieux que rien !
Quels sont vos objectifs professionnels et personnels à plus ou moins long terme ?
Notre premier objectif est de rouvrir notre restaurant. On avait notamment pour projet d’y commercialiser notre propre marque de bière qui serait fabriquée dans le quartier de Gazi. Toujours d'un point de vue professionnel, nous avons la possibilité dans un futur proche de mettre nos plats à disposition des conférences, des meetings, c’est une opportunité intéressante pour la visibilité de notre association !
Tous ces objectifs ont été stoppés net par la pandémie mais je reste optimiste quant à l'avenir.
Pour aménager nos locaux par exemple nous utilisons que des meubles d'occasions, nous évitons d'acheter du neuf dans la mesure du possible, c’est plus économique et écologique.
Nous essayons également de sensibiliser les réfugiés concernant l’écologie en leur offrant des coffrets cadeaux écolos.