Le Grand Bain de Gilles Lellouche plonge ses spectateurs dans l’univers de la natation synchronisée masculine. Virginie Efira, de passage à Athènes, nous parle de cette comédie originale.
Bertrand est dans une mauvaise passe… Père de famille qui ne travaille plus depuis deux ans, il n’a plus goût à rien et passe ses journées à jouer à candy crush sur le canapé. Son seul exutoire : la piscine. Un jour, il s’attarde dans les couloirs de la piscine municipale et découvre l’inattendu : une équipe de natation synchronisée masculine. C’est exactement ce dont il avait besoin. Il s’inscrit et rejoint Simon, Laurent, Marcus, Thierry et les autres. Entraînés par Delphine, ils vont se motiver pour participer à une compétition internationale, malgré l’incompréhension de leur entourage.
Virginie Efira y incarne Delphine, celle qui entraîne l’équipe, ou plutôt permet à ces hommes de se retrouver pour sortir de leur quotidien et vivre quelque chose d’unique. À l’instar des autres personnages du film, Delphine a aussi ses petits travers qu’elle tente de gérer comme elle peut…
Venue en tant qu’invitée du Festival du Film Francophone de Grèce 2019, Virginie a pu répondre à nos questions sur cette comédie primée par le public ce mercredi 10 avril lors de la cérémonie de clôture. Petit retour sur cette rencontre pleine de petites confidences…
Le Petit Journal / Athènes : Est-ce la première fois que vous venez en Grèce ? Connaissiez-vous le festival ?
Virginie Efira : Je suis venue très souvent. Disons que j'avais des amis très proches de ma famille qui étaient grecs et donc nous venions tous les ans à Syros. Je me souviens très bien la nuit qui précédait. On passait une soirée au Pirée, dans la famille, chez Yaya (= grand-mère) et on mangeait toujours des petits poissons frits. Comme il faisait très chaud, on avait le droit de dormir dehors sur le balcon. Syros, ce sont des souvenirs d'enfance et je me rappelle des odeurs. C'était vraiment extraordinaire.
Puis il y a dix ans, je suis venue à ce festival mais pour accompagner quelqu’un. Je me souviens de la nuit. C'est quelque chose, une ville la nuit. Il y avait une vie nocturne assez branchée, pointue et très libre. Les gens dansaient sur les tables. C’était rigolo.
Et je pense que j'ai des origines grecques. Il y a des gens qui se sont intéressés à ça, et mon nom de famille ‘Efira’ remonte à très longtemps... D'où ce lien incroyable avec Athènes... (rire)
Le Grand Bain propose une panoplie de parcours de vie. Chacun cache une certaine solitude, mélancolie et au fond tout le monde flirte un peu avec la dépression…
Chacun essaie de s'en sortir comme il peut, avec l'existence qu'il a. Quelque part, le film ne raconte pas qu'un endroit où la vie est réussie et la vie est ratée. Il y a l'idée de partager quelque chose, d'avoir envie de quelque chose ensemble. On se dit : « c'est compliqué l'existence mais cela vaut le coup quand même ». Je trouve ça assez joli en fait. Ensemble, il y a une solitude qui s'efface.
C'est grâce au sport bien sûr, mais c’est aussi parce qu’ils font de la natation synchronisée masculine. Tout le monde s'en fiche. Ici ce n'est pas : on fait un truc et on a une renommée internationale. Non, ce n'est pas la gloire du tout. Mais on partage quelque chose et même si c’est un peu absurde, on y va. On est plus large qu'on ne le croit. Plus large, je veux dire, parfois on pense des choses de nous, on pense que l’on ne peut pas le faire, mais on peut.
Cela reste pourtant une comédie, grâce à la situation de départ : une équipe masculine de natation synchronisée.
Il s'agit de mettre des hommes en maillot de bain, de sortir de l'idée de la performance. Tout le monde n'est pas tout jeune dans cette affaire... Les abdominaux ne sont pas présents en masse... mais c'est pas grave. (Rire)
Il faut dire que le casting aide. Quand on voit Benoît Poelvoorde, Guillaume Canet ou même Philippe Katerine à l’affiche, chacun apporte son propre univers, sa petite touche d'humour dans le film.
Oui et c'est ce qui est chouette. Souvent, il y a des exemples de films en France, ils prennent beaucoup de gens connus et c'est comme si l'histoire ou le film en pâtissait. L’un veut se mettre plus en avant. Là, c'est Gilles Lellouche, le réalisateur, qui a vraiment réussi le pari. Je trouve que cela fonctionne bien et qu'on arrive vraiment à accéder aux personnages. Il y a une attention de chacun et donc le film est vraiment juste. C’est grâce aussi au montage bien sûr. Tout est au service des personnages.
Votre personnage contribue aussi un peu à l’absurdité de la situation. Lorsque l’on voit un coach assis sur le plongeoir en train de lire du Nietzsche durant l’entraînement, ce n’est pas commun !
Oui, oui ! Ça, c’est quelque chose que l’on a rajouté au scénario après avec Gilles. Je me disais : « qu’est-ce qui se passe quand ils sont ensemble ? » Sinon, c’est surtout quand ils ne sont plus dans la piscine, et qu’ils sont dans le sauna à parler de leurs histoires. J’avais envie que quand elle est avec eux, il y ait quelque chose, qu’elle leur transmette quelque chose. J’avais été chercher des phrases de Nietzsche qui disaient, par exemple : « Il faut une musique en soi pour faire danser le monde ». Parce que parfois on peut entendre une jolie phrase comme ça et ça a une résonance, ça ouvre des perspectives. Comme si on avait une super prof à l’école qui peut te dire une chose qui te fait ouvrir, bouger un peu les lignes.
Par rapport à mes goûts de spectatrice, et à ce qui m’intéresse dans le fait de jouer en comédie, je pense que ce côté absurde permet aussi de jouer assez sérieusement la comédie. Je n’aime pas trop les gags, sauf si c’est des gens dingues comme Will Ferrell, et d’ailleurs il joue très sérieusement en fait. On prend un personnage et on le travaille. Et ça, je trouve que Gilles l’a réussi aussi. Chaque personnage existe réellement. Ce n’est pas juste un truc extérieur pour faire une blague.
Nous vous avons d’abord connue en tant qu'animatrice TV. Avez-vous toujours voulu être actrice ?
J'ai toujours voulu être actrice mais c'est peut-être pour ça que ça a un lien avec le personnage de Rachel que je joue dans Un amour impossible, et son complexe d'infériorité. Je sacralisais beaucoup le cinéma. J'en étais dingue. Du coup, vu ce que je pensais de moi, je ne pouvais pas y accéder. Si j'y accédais, c'est que cela n'avait plus d'intérêt. Il y a une phrase de Groucho Marx qui dit : « Qui voudrait appartenir à un club qui m'accepterait comme membre ? » Donc voilà. J'ai suivi mes études en Belgique, en interprétation dramatique, et après j'avais peur. Ça n'allait pas, je me limitais.
Je suis devenue animatrice à la télévision en me disant qu’il n'y aura pas de cinéma. J’essayais de trouver le positif à ça : ce qui m’amuse, à qui j’ai envie de plaire. J’animais des émissions musicales (La Nouvelle Star), dans un format un peu fermé, donc j’essayais de trouver une liberté, un humour. Et à un moment, quand même - C'est venu assez tard chez moi-, je me dis : « bon, la vie peut décider pour toi, mais tu peux aussi un petit peu infléchir et dire en fait ce n'est pas très grave de rater. Ce qui est intéressant, c'est de chercher et de quitter les choses pour y aller », car je sentais qu'il y avait un manque. J'avais envie de chercher et d'explorer tout ça.
C'était courageux à ce moment-là car personne ne vous attendait au cinéma. Il y avait même des critiques sur ce changement de carrière.
En effet, personne ne m’attendait. J'avais compris que le confort n'était pas la chose la plus intéressante dans la vie et ce n’est pas comme si j’avais trois enfants à nourrir. Je pouvais donc prendre ce risque. J'étais jeune, j'avais déjà un premier projet de film. Ce n'était pas inscrit que j'allais avoir des propositions comme j'en ai maintenant, et peut-être que dans 5 ans, je ne les aurais plus, ces propositions.
Vous êtes venue au festival avec 3 films à l'affiche : Le grand bain, Un amour impossible et Continuer. 3 rôles qui n'ont rien à voir les uns avec les autres.
C'est chouette, surtout que j'ai eu toute une période quand même où j’avais un peu toujours le même type de rôle. Et je me disais, il vaut mieux faire avec ce que l'on a. J’ai fait de la télévision avant, avec ma morphologie, les joues rondes, une manière d'être, plus souriante que dépressive, tout cela fait que j'étais toujours dans des choses un peu légères, des comédies romantiques avec quand même des rôles de femme indépendante, solide, mais avec une douceur. Pourquoi pas !
Mais c'est très chouette maintenant. À un moment donné, je suis devenue très très proche de Justine Triet, qui a fait un film que j'aime beaucoup qui s'appelle Victoria. Mon personnage était très nuancé, avec des états très dépressifs, assez sexué, avec une certaine dureté/cruauté, et beaucoup de mélancolie. À partir de ce film-là, on m'a proposé des choses très différentes.
Y at-t-il des réalisateurs avec qui vous aimeriez travailler ?
J'ai accompli réellement un rêve en tournant avec Paul Verhoeven, qui est franchement pour moi un des 15 meilleurs réalisateurs. Et j’ai retourné un film avec Justine Triet. J'ai eu un vrai coup de foudre amical pour cette réalisatrice. On se comprend. C'est chouette de rencontrer quelqu'un, de se sentir aussi proche et de faire des choses ensembles. Ce sont les choses les plus enthousiasmantes dans l'existence. Nous avons refait un film dans lequel j'ai tourné avec Niels d'ailleurs, encore (NDLR. Niels Schneider, son partenaire dans Un Amour Impossible), c'était super. Sibyl va être présenté à Cannes, on va voir s'il est pris ou pas.
Après, oui, il y a d'autres réalisateurs qui m'intéressent évidemment, mais là c'est chouette car je viens de tourner 3 films, dont un d’Anne Fontaine avec Omar Sy (NDLR. Police). Et j'ai quand même 5-6 films encore à tourner. Je vais faire un film d’Albert Dupontel… Ce sont des cinémas très très différents et je trouve ça passionnant. Là, je fais vraiment ce que j'ai envie de faire.
On peut dire que vous êtes épanouie professionnellement parlant.
Oui !! Après je me dis : « Tiens, est-ce que ces chemins-là vont me guider vers une forme d'indépendance » ? Il y a toujours cette question. Malgré tout, on est soumis à l'idée que d'autres personnes pensent à nous, qu'on n'est pas à l'origine de quelque chose. Comment, en vieillissant, ne pas être dépendante de ça, d'accepter qu'il y a des choses que l'on ne peut plus tourner mais qu'il y a de nouvelles choses qui arrivent ? Voilà. Est-ce que je vais parvenir à écrire un moment, ou pas. Je me dis que si cela s'arrête, je sais que si on a en soi la curiosité, et ça je pense que je l'ai, je ferai autre chose. J’ai moins peur de ça qu'avant.
Un film de Gilles Lellouche Avec Mathieu Almaric, Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde, Jean-Hugues Anglade, Virginie Efira, Leïla Bekhti, Philippe Katerine…
Durée : 2h02
Vous habitez à Thessalonique ? Dans le cadre du festival du film francophone de Thessalonique, le film est programmé ce samedi 13 avril à 20h au cinéma John Cassavetes.
Sortie officielle dans les salles de cinéma grecques : le 16 juin.