Parution au Journal officiel de l’UE, intérêts de Chevron, tensions géopolitiques : l’exploration des hydrocarbures au sud de la Crète marque une étape majeure dans la stratégie énergétique grecque.


Lancement officiel de l’appel d’offres
Depuis le 12 juin 2025, la Grèce a officiellement lancé un appel d’offres international pour la concession de quatre blocs offshore d’hydrocarbures, dont deux situés au sud de la Crète, les blocs « Sud de la Crète 1 » et « Sud de la Crète 2 ». Cette initiative, actée par une publication au Journal officiel de l’Union européenne, ouvre un nouveau chapitre dans la course aux ressources énergétiques de la Méditerranée orientale, avec un fort intérêt manifesté par le géant américain Chevron.
Les zones concernées totalisent 47 000 km² et incluent également les blocs « Sud du Péloponnèse » et « A2 ». Le géant américain Chevron, deuxième plus grande entreprise d’énergie mondial, a exprimé un intérêt clair pour trois d’entre eux, tandis que la société grecque Helleniq Energy s’est positionnée sur le bloc A2. Ces développements doublent la superficie marine actuellement allouée à l’exploration en Grèce et viennent s’ajouter aux précédentes concessions accordées à ExxonMobil et à Helleniq Energy dans l’ouest et le sud-ouest de la Crète.
Un enjeu stratégique face aux tensions régionales
Le ministre de l’Environnement et de l’Énergie, Stavros Papastavrou, a salué cet appel d’offres comme un moment clé pour l’indépendance énergétique de la Grèce et sa position sur la scène internationale. Il a également souligné que ces nouvelles concessions remettaient en cause « de facto » le mémorandum maritime signé entre la Turquie et le gouvernement de Tripoli en 2019, largement contesté par Athènes et ses alliés. Le positionnement de Chevron dans ces zones est ainsi perçu non seulement comme une opération économique, mais aussi comme un geste politique fort validant la légitimité des frontières maritimes grecques.
Un calendrier serré et des critères stricts
Le processus d’appel d’offres, qui court jusqu’au 10 septembre, sera suivi d’une phase de négociation avec l’EDEYEP, l’organisme public chargé de la gestion des ressources énergétiques. Les soumissionnaires seront évalués selon plusieurs critères : capacité financière, expertise technique (notamment en très grande profondeur), respect de l’environnement, et impact sur les zones touristiques. L’objectif du gouvernement est d’achever les négociations et de faire ratifier les contrats au Parlement d’ici fin 2025, pour un début des levés sismiques dès 2026.
Ces levés, qui devraient durer entre trois et six ans, marqueraient la première phase d’un programme potentiellement décisif pour la souveraineté énergétique grecque. Avec plus de 46 000 km² sous gestion potentielle, Chevron devancerait ses concurrents directs dans la région, dont ExxonMobil et Energean.
Un différend enraciné dans le protocole turco-libyen
En arrière-plan, ce développement s’inscrit dans un contexte régional tendu. La Turquie et la Libye contestent la légitimité des délimitations maritimes grecques, en particulier dans cette zone riche en ressources. Le lancement de cet appel d’offres, avec le soutien implicite d’un acteur mondial comme Chevron, renforce la position d’Athènes dans ce bras de fer diplomatique.
Quelques jours après la publication de l’appel d’offres au Journal officiel de l’Union européenne, la Libye a vivement réagi. Le ministère des Affaires étrangères du gouvernement d’union nationale, basé à Tripoli, a dénoncé une « violation flagrante » de ses droits souverains sur des zones maritimes qu’elle juge litigieuses. Selon Tripoli, toute exploration au sud de la Crète nécessiterait un accord préalable entre les deux pays, fondé sur le droit international. La Libye appelle à privilégier le dialogue et à respecter les relations historiques entre Athènes et Tripoli.
Cette nouvelle contestation s’inscrit dans un contentieux plus ancien. En 2019, la Turquie et la Libye ont signé un accord de délimitation maritime très controversé, visant à étendre leurs zones d’influence respectives en Méditerranée orientale. Cet accord, rejeté par la Grèce et l’Union européenne, englobe notamment des zones au sud de la Crète aujourd’hui concernées par l’appel d’offres grec. En conséquence, les tensions entre Athènes, Tripoli et Ankara s’intensifient à mesure que les enjeux énergétiques reconfigurent l’équilibre régional.
Plus qu’un simple enjeu économique, cette initiative grecque affirme une stratégie d’autonomie énergétique et de réaffirmation souveraine dans une Méditerranée orientale toujours plus disputée.