Le scrutin marque un tournant : il traduit la volonté des Chypriotes turcs de reprendre les négociations pour une réunification de l’île au sein d’un Etat fédéral.


Il s’agit du score historique obtenu ce dimanche par Tufan Erhürman, du Parti républicain turc (CTP). 62,76% des suffrages exprimés: c’est le plus haut pourcentage de voix recueillies par un candidat sur les 11 élections présidentielles organisées à Chypre du Nord depuis l’invasion turque du territoire, en 1974. Son principal opposant Ersin Tatar n'a lui recueilli que 35,81% des voix, malgré le soutien appuyé du président turc Recep Tayyip Erdogan tout au long de la campagne.
Vers une possible réunification ?
Cette élection a été perçue comme un choix entre deux orientations : une solution à deux Etats en coopération avec la Turquie, ou le rapprochement avec l’Union Européenne, qui passe par une réunification de l’île en un seul Etat fédéral.
Élu en 2020, Ersin Tatar se présentait comme un candidat nationaliste radical. Il a rompu avec des décennies de négociations inter-chypriotes infructueuses. Partisan d’une solution à deux Etats, il prône une étroite collaboration avec Ankara. Pourtant, la République turque de Chypre du Nord n’est reconnue par aucun autre pays du globe que la Turquie. En refusant les négociations, Tatar a contribué à isoler son territoire de la communauté internationale et à accentuer sa dépendance économique envers la Turquie.
Ainsi, le vote de ce dimanche « était un message adressé au gouvernement sortant de Chypre du Nord pour sa mauvaise gestion de la région depuis 2020 », selon l’analyste politique Mete Hatay. La victoire d’Erhürman traduit donc la volonté d’un retour aux pourparlers avec la République de Chypre après cinq années d’intransigeance. Dans un discours prononcé devant plusieurs milliers de partisans rassemblés dans le parc Kizilbas, le nouveau dirigeant a tenu un propos résolument unitaire :
« Il y a plein de choses fantastiques que nous pouvons accomplir ensemble. Lorsqu’on est unis, il n’y a rien que l’on ne peut pas faire ».
Erhürman a toutefois précisé que la reprise des négociations se fera en coordination avec les Nations Unies, mais aussi avec Ankara : « La politique étrangère sera naturellement conduite en étroite consultation avec la Turquie, il n’y a aucun doute là-dessus ». Son objectif est d’ouvrir la discussion pour voir si une solution fédérale est envisageable, mais il ne rejette pas catégoriquement la solution à deux Etats.
Réactions à l’international
Dimanche soir, le président de la République de Chypre, Nikos Christodoulides, a félicité le leader chypriote turc pour son élection, et a exprimé sa volonté de relancer les pourparlers :
« Je réitère ma disposition, ma volonté politique inébranlable et ma détermination à continuer de contribuer aux efforts visant à reprendre des négociations de fond pour le règlement de la question chypriote ».
George Gerapetritis, le ministre grec des Affaires étrangères, a salué « un nouveau chapitre d’espoir et d’attentes » dans la quête de la réunification chypriote. Il appelle à une solution qui puisse garantir paix, sécurité et prospérité pour les Chypriotes grecs et turcs, en collaboration avec l’Union européenne. Une réunification permettrait en effet aux Chypriotes turcs de bénéficier pleinement du statut de membre de l’Union, dont seule la partie sud de l’île profite aujourd’hui.
Malgré son soutien affiché à Ersin Tatar durant toute la campagne, Recep Tayyip Erdogan a félicité Erhürman sur le réseau social X :
Bugün Kuzey Kıbrıs Türk Cumhuriyeti’nde gerçekleşen seçimlerde resmî olmayan sonuçlara göre Cumhurbaşkanı seçilen Sayın Tufan Erhürman’ı tebrik ediyorum.
— Recep Tayyip Erdoğan (@RTErdogan) October 19, 2025
Kuzey Kıbrıs Türk Cumhuriyeti’nin sahip olduğu demokratik olgunluğu bir kez daha gösteren, Kıbrıs Türkü kardeşlerimizin…
Un équilibre délicat à trouver
Qu’il le veuille ou non, « Erhürman ne pourra pas entamer de nouvelles négociations avec la République de Chypre sans coordination avec la Turquie », selon Yusuf Çanli, journaliste et expert des questions chypriotes. En effet, dès son investiture, le nouveau dirigeant devra composer avec un « parlement » dominé par les partisans d’Erdogan, et favorable à la solution à deux Etats. Cette cohabitation pourrait freiner son élan réformateur et provoquer des tensions internes.
Certains observateurs n’excluent pas la possibilité d’élections législatives anticipées dans les territoires occupés du nord, afin de consolider la légitimité du nouveau président, même si Erhürman ne semble pas l’envisager pour l’instant.
Sur le même sujet





























