Édition internationale

Sommet P-TEC : la Grèce au cœur du jeu énergétique transatlantique

Pour le gouvernement grec, ce sommet marque un succès diplomatique et confirme le rôle de la Grèce comme pivot énergétique de la Méditerranée orientale.

Projets énergétiques Grece 2025Projets énergétiques Grece 2025
Écrit par Lepetitjournal Athènes
Publié le 11 novembre 2025, mis à jour le 9 décembre 2025

Organisé par le département américain de l’Energie, en collaboration avec le ministère grec de l’Environnement et de l’Energie et le Global Energy Center de l’Atlantic Council, le sommet a réuni ministres, hauts-fonctionnaires et dirigeants d’entreprises du secteur énergétique. L’objectif : renforcer la sécurité énergétique régionale, et favoriser de nouvelles coopérations.

 

« Aujourd’hui, nous écrivons un nouveau chapitre de l’histoire énergétique de la Grèce », é déclaré le Premier Ministre Kyriakos Mitsotakis, saluant les accords signés lors de la rencontre.

 

Une alliance inédite pour l’exploration gazière

L’annonce majeure du P-TEC a été la création d’une co-entreprise la société pétrolière et gazière américaine ExxonMobil, le plus grand groupe énergétique de Grèce, HelleniQ Energy et la société internationale indépendante Energean pour l’exploration gazière en mer Ionienne. Ces trois entreprises détiendront respectivement 60%, 10% et 30% du projet. Elles ont signé un accord pour commencer le forage dans le bloc 2 de la mer Ionienne, qui est l’une des concessions off-shore les plus matures de Grèce. Il s’agirait du premier puits d’exploration offshore grec depuis quarante ans.

Ce projet est présenté comme une avancée majeure vers la réduction de la dépendance énergétique et une source de revenus importante pour l’Etat. Mais il suscite aussi des critiques: Greenpeace et le parti Syriza dénoncent les risques environnementaux et la menace pour la faune marine.

 

Une coopération stratégique avec les Etats-Unis

Les échanges avec Washington ont occupé une place centrale. Un accord a été signé pour l’importation de gaz naturel liquéfié américain dès 2030, pour une durée de vingt ans.

« Les Etats-Unis sont un allié important pour s’affranchir de la dépendance vis-à-vis de la Russie », a affirmé Chris Wright, secrétaire américain à l’Energie. Selon lui, « la Grèce se trouvait auparavant à l’extrémité d’un système d’approvisionnement énergétique dominé par la Russie. Aujourd’hui, elle devient la porte d’entrée en Europe pour le commerce énergétique américain ».

Dans cet esprit d’indépendance face à la Russie, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, en visite à Athènes dimanche, a signé un accord facilitant le transport de GNL américain de la Grèce vers l’Ukraine.

Cette nouvelle orientation pose néanmoins une question : la Grèce remplacera-t-elle une dépendance par une autre ?

 

Une Méditerranée orientale en pleine effervescence de projets

Le P-TEC s’inscrit dans un contexte d’intense activité énergétique dans la région. Les projets se multiplient, alimentant espoirs économiques, coopération et tensions diplomatiques.

 

Le Great Sea Interconnector (GSI) : un projet sous tension

Le GSI vise à relier la Grèce, Chypre et Israël par un câble sous-marin de 1208 kilomètres. Annoncé dès 2012, il permettrait de sécuriser les échanges électriques entre ces pays.

Mais Chypre a suspendu sa participation. Une enquête du Parquet européen est en cours sur d’éventuelles irrégularités liées au financement européen du projet. par ailleurs, deux études indépendantes remettent en cause sa viabilité économique dans les conditions actuelles.

La situation a évolué suite à la 3e Conférence intergouvernementale Grèce-Chypre, qui s’est concentrée sur le réajustement du cadre financier et technique du projet. Finalement, Chypre a décidé de relancer le projet, soulignant son « soutien indéfectible » à l’initiative. La volonté de s’ouvrir à de nouveaux investisseurs américains ou israéliens puissants, comme la US International Development Finance Corporation, a également été communiquée.

«  Grâce à ces mesures, le câble GSI, considéré comme la pierre angulaire de la connectivité énergétique régionale, semble prêt pour un redémarrage plus résilient », a souligné M. Papastavrou.

La Turquie considère le projet comme une « provocation géopolitique ». Mais Athènes affirme que la suspension temporaire du projet n’y est pas liée : « la Turquie n’a pas fait obstacle à la Grèce ». Papastavrou a toutefois prévenu : « si un pays tiers cherche à bloquer le projet, il y aura des conséquences ».

La marine grecque se prépare déjà à protéger le chantier en cas de besoin, avec des unités navales et une surveillance aérienne par drones.

 

Nouvelles réserves gazières à Chypre

ExxonMobil a informé Nicosie de la découverte de 225 à 255 milliards de mètres cubes de gaz naturel dans la ZEE chypriote. Une découverte considérable pour un petit Etat insulaire. Le président Nikos Christodoulides a exprimé sa satisfaction et souhaite accélérer l’exploitation du gisement. Les bénéfices attendus sont importants : baisse du coût de l’énergie pour les ménages, besoins couverts pour plusieurs décennies et revenus d’exportation potentiels.

 

Le « Green Energy Corridor” entre la Grèce et l’Egypte

Le 29 septembre, Athènes et Le Caire ont signé un accord pour lancer une étude de faisabilité sur une vaste interconnexion électrique entre les deux pays. Un immense câble électrique sous-marin permettrait d’importer en Grèce de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables en Egypte. Selon les estimations il réduirait les émissions de CO2 de 10 millions de tonnes et remplacerait 4,5 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an. Ce projet s’inscrit dans la double ambition d’une énergie plus verte et moins coûteuse.

 

Un différend maritime entre la Grèce, l’Egypte, la Libye et la Turquie

En parallèle, la Grèce et la Libye ont engagé des discussions pour délimiter leurs ZEE. Mitsotakis plaide pour des accords « fondés sur le droit international, et non par des mémorandums arbitraires et inexistants ». Il fait référence au mémorandum signé en 2019 par la Turquie et le gouvernement libyen d’unité nationale, qui revendiquait une vaste zone maritime empiétant sur les ZEE grecque et égyptienne.

Un autre mémorandum signé le 25 juin entre la compagnie nationale libyenne et la société pétrolière turque prévoit des études sismiques dans ces zones contestées, en contradiction avec la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Ces initiatives alimentent les tensions, alors que la Turquie reste marginalisée des alliances énergétiques régionales qui l’incluent rarement.

 

Un équilibre fragile

La Grèce se présente comme un acteur clé de l’énergie en Méditerranée orientale. Ses projets et alliances consolident son rôle stratégique. Mais cet équilibre reste fragile. Les tensions diplomatiques, les risques environnementaux et la crainte d’une nouvelle dépendance énergétique rappellent que la transition énergétique de la région reste un chantier aussi ambitieux que complexe.

Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.

Flash infos