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Maria Retamales - « L’alimentation est l’affaire de tous »

Swiss food academySwiss food academy
Écrit par Sandra Camey
Publié le 21 avril 2020, mis à jour le 22 avril 2020

Maria Retamales, finaliste des Trophées des Français de l’étranger dans la catégorie Social/ Humanitaire, nous incite à comprendre et à devenir acteur de notre alimentation. La fondatrice de Swiss Food Academy nous dévoile les secrets de son association.
 

Comment vous est venue l’idée de créer Swiss Food Academy ?

C’est en arrivant en Suisse que j’ai eu un déclic. Le dernier anniversaire que j’ai organisé pour les 12 ans de mon fils, les enfants qui étaient conviés, étaient étonnés de voir qu’une maman avait préparé une tarte aux pommes et un gâteau au chocolat faits maison. Ils me disaient « moi à mon anniversaire, on va toujours chercher le gâteau à tel endroit » , souvent au supermarché. Je leur ai alors demandé s’ils savaient d’où venaient les tomates et ils m’ont répondu du supermarché. Je me suis rendu compte que ça n’allait pas du tout et que les enfants étaient complètements déconnectés de leur nourriture. De là, j’ai décidé d’arrêter mon emploi d’acheteuse dans les voyages et loisirs sur internet et de me consacrer à une grosse étude de marché.

Les informations que j’ai trouvées en éducation alimentaire étaient : la pyramide alimentaire et les recommandations des cinq fruits et légumes par jour accompagnées de beaucoup de marketing, de recommandations médicales et nutritionnelles. Je n’ai pas trouvé d’informations interactives sur comment engager une personne à devenir acteur de son assiette. Je me suis alors dit qu’on allait le faire, dans un premier temps en invitant la population à venir chez nous, pour des ateliers.

Maria Retamales

 

Mange-t-on si mal que cela en Suisse ?

On ne mange pas si mal, il y a juste eu un changement dans les sociétés modernes. Nous savons que la part qui est alloué au budget de l’alimentation a baissé et a laissé la place à l’augmentation du budget pour les loisirs. Tout le monde a donc le choix de consommer responsable.

Quand les revenus du foyer sont beaucoup plus faibles, ce sont en général ces catégories qui se nourrissent le moins bien à cause de leur budget et d’une mauvaise connaissance de certains produits. Mais ces cas sont aussi contestables.

Par manque de sensibilisation on va aller vers les choses les plus simples. Les publicités nous influencent aussi. Comme le jus d’orange transformé qui est soi-disant hyper vitaminé alors que c’est faux. Malheureusement, on a tendance à prendre conscience de tout cela quand des problèmes de santé sont diagnostiqués comme des allergies ou des intolérances alimentaires.
 

Quels types d’activités organisez-vous avec la Swiss Food Academy ?

Nous sommes surtout connus pour l’atelier ludo-pédagogique en alimentation saine et durable. Il permet à la personne d’être acteur sur une thématique liée à l’alimentation. Chez les enfants, elle se fait sous trois formes : l’atelier petit chef qui est un cours de cuisine, l’atelier petit jardinier où les enfants cultivent leurs propres fruits et légumes et l’atelier petit détective en alimentation pour les challenger sur une problématique.

Pour le petit chef et le petit jardinier, on part soit d’un légume de saison, soit d’une graine, comme la graine de café. L’idée est de faire une sensibilisation au départ : de la graine à l’assiette et une mise en pratique soit en cuisine, soit en jardinage. Ces deux ateliers sont faits dans la ville de Genève et sont ouverts à tout public à partir de 6 ans.

Le petit détective est un peu différent, c’est vraiment une réflexion. Nous allons les challenger, par exemple sur le gaspillage alimentaire. Au travers de différents outils pédagogiques mis en place durant l’atelier, les enfants seront, par exemple, capable de nous expliquer comment faire moins de gaspillage dans leur cantine scolaire. Nous les invitons à trouver des solutions. Cet atelier est beaucoup plus poussé au niveau intellectuel et est donc ouvert à partir de 8 ans.

Mais il y a aussi des ateliers pour adultes où on propose un format « mini conférence - atelier » où les thématiques sont diverses et peuvent être personnalisées suivant l’événement ou le besoin.

Nous faisons enfin de la cartographie pour sensibiliser à grande envergure toute la population via des infographies, des vidéos et des recherches en alimentation saine et durable.
 

Maria Retamales


Comment créez-vous ces outils pédagogiques ?

Swiss Food Academy est une structure qui met en lien des citoyens et des experts autour de projets de sensibilisation dans les domaines de l’éducation de l’alimentation, de la durabilité et de la santé. Ces outils pédagogiques sont créés par des experts qui mettent à disposition ces outils afin qu’ils soient animés lors d’un atelier, d’une conférence ou encore téléchargeables via notre site Internet. Par exemple, pour une école, il faut qu’il y ait un enseignant derrière pour expertiser la teneur pédagogique pour l’école. Tout ceci doit être animé par un expert s’il a envie de proposer un format de A à Z ou par un animateur qui est formé chez nous.

La fonction majeure de Swiss Food Academy est la sensibilisation et celle-ci passe par de l’animation et de la création d’outils pédagogiques. A chaque type de population correspond un outil. Un enfant va être beaucoup plus réceptif à un atelier pratique où il cuisine alors qu’un adulte va être plus intéressé par une vidéo pédagogique où tout est vulgarisé, expliqué et qui peut être diffusée à ses collaborateurs.

 

Vous intervenez auprès des enfants, adultes et séniors, observez-vous des différences générationnelles dans la connaissance de l’alimentation saine et durable ?

Cela nous arrive de faire des ateliers inter-générationnels, parfois avec des grands-parents. Parents et grand-parents sont contrariées de voir que les enfants se refusent à goûter des choses simples. Il y a un rejet du goût, comme les légumes, car le palais n’est pas habitué. Pour ces enfants, passer à une alimentation naturelle est très difficile.

Quand nous faisons des ateliers autour de recettes de grands-mères, pour les séniors c’est quelque chose de normal, alors que les enfants les découvrent, ils ne savent même pas que ça existe. Faire une tarte aux pommes est incroyable, pour eux.

Mais un lien se créer car l'enfant apprend avec le senior qui a du plaisir à partager avec le plus jeune qui est curieux, surtout sur le partage en cuisine et le partage à table entre les générations. Un élève sur deux à Genève mange à la cantine scolaire ce qui a triplé à Genève. La structure familiale a donc changé.
 

Un enfant sur cinq en Suisse est en surpoids 

Que répondez-vous aux personnes qui pensent que manger sainement et durablement est un effet de mode ?

En ce moment on parle beaucoup de vert et d’écologie. Mais pour nous, impacter le plus de personnes sur le fait qu’actuellement plusieurs formes sont possibles pour consommer durablement est fondamental.

Ce qui est important c’est de savoir que consommer industriel n’est pas bon pour la santé. Tout ce qui est préparé a beaucoup d’additifs, de sucre et nous ne répondons pas à nos besoins

nutritionnels. Nous répondons à autre chose, à une gourmandise, une envie voire une addiction, comme celle du sucre. Pour certains il y a un effet de mode, mais nous, nous sommes sur le terrain et nous voyons qu’un enfant sur cinq en Suisse est en surpoids et que les maladies liées à la mal-bouffe sont réelles. Est-ce que c’est une mode ou est-ce que c’est une prise de conscience ? Je pars du principe que l’être humain fait des choses parce qu’il a envie de les faire et parce que cela lui plait.

Les modes sont plus dans les régimes alimentaires. Quand j’entends des gens qui disent qu’ils ne mangent plus de gluten parce que c’est bon pour la santé, je dis stop. Pourquoi est-ce qu’on devient végan ? Pour moi, il est là l’effet de mode. Mieux manger n’est pas une mode mais de la prise de conscience en voulant manger moins sucré, plus de légumes, plus vert et en favorisant des circuits courts.
 

Maria Retamales


Est-ce que vous pensez que nous sommes est mal informés par rapport à notre alimentation et par conséquent, que nous mangeons mal ?

Nous ne sommes pas mal mais trop informés et le citoyen est perdu. La première chose que nos notre communauté nous dit nous disent c’est « à un moment, on ne sait plus quoi faire ». Les informations disponibles ne sont pas assez vulgarisées, elles sont trop marquetées et seul un professionnel pourrait les comprendre.

La mal-information peut venir du fait qu’une personne ne sait pas lire une étiquette alimentaire. Si elle savait la lire, elle pourrait voir par comparaison que ce jus d’orange a plus de glucides que ce jus d’orange naturel, malgré tout le marketing autour de ce produit. Mais beaucoup de marques commencent à faire cette transition et de nouvelles applications sortent comme Scan-up. Ne soyons plus passifs dans notre alimentation. Cela en va de notre santé et nous pouvons le faire à notre échelle.


Quels sont les objectifs de Swiss Food Academy sur le long terme ?

Il y en a beaucoup. A long terme, ce serait d’avoir notre propre maison Swiss Food Academy. Nous aurions nos propres salles de cours, notre jardin pédagogique et notre cuisine professionnelle. Nous pourrions recevoir et mettre à disposition nos outils et créer un lab’ d’idées innovantes en matière d’éducation.

Nous sommes même disposés à collaborer avec des marques, du moment où nous partageons les mêmes valeurs. La transition alimentaire va demander beaucoup de temps et on ne peut pas demander à un géant de la distribution alimentaire, du jour au lendemain, de ne mettre que du local et d’arrêter le plastique.

Pour le second semestre 2020, nous allons lancer un nouvel outil pédagogique : le premier rallye de l’alimentation. C’est un rallye où le participant aura des challenges à réaliser en coopération avec la plus grande coopérative de producteurs de Genève et pourra rencontrer des maraîchers en direct.

En ce moment, nous finalisons une campagne digitale avec notre nouvelle identité visuelle et un nouveau site Internet est actuellement en construction. Nous élargissons notre public, en faisant de la vulgarisation pour tous types de personnes. Pour cela, nous avons besoin d’exporter nos outils via la plateforme pour mettre à disposition des contenus téléchargeables. Notre expansion se fera via le digital premièrement même si nous avons beaucoup de demandes d’interventions, comme en France et dans d’autres cantons de Suisse. Mais nous prendrons notre temps, il y a déjà beaucoup de travail à Genève sur ce sujet. L’alimentation est l’affaire de tous.

 

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