Environ 1,7 million d’Ukrainiens vivent désormais en Pologne. Catégorisés comme chauffeurs, femmes de ménages ou ouvriers, les immigrés peinent à se défaire des clichés.
Au 67 rue Panska, une petite gargote nichée près des bureaux d’affaires est devenue assez populaire. Voilà quelques années qu’Anna Legutko a lancé Soup Culture, un concept de soupe à emporter dans des bols comestibles.
Ingénieure de formation, cette Ukrainienne de 28 ans est arrivée à Varsovie il y a quatre ans pour étudier. Elle a décidé de s’y installer définitivement : “J’ai étudié le polonais et les traditions, pour m’intégrer au mieux. Je me sens à la maison, ici et en Ukraine !”
Plus d’un million d’Ukrainiens sont arrivés sur le sol polonais pour travailler ou étudier et ces derniers ne sont pas toujours bien accueillis. Pour Marta Kindler, chercheuse au Centre de l’immigration, l’intégration des nouveaux arrivants se fait difficile :”Depuis 2016, on voit que les médias essayent de détériorer l’image des immigrés et les politiques utilisent ce sujet dans les campagnes électorales. Et d’après mes recherches, les Ukrainiens même s’ils évoluent dans un environnement polonais resteront avec d’autres immigrés ukrainiens.”
Lorsque l’on évoque la question de l’immigration, Anna s’exaspère. Pour cette jeune femme ambitieuse, la représentation des immigrés ukrainiens par les médias est extrêmement caricaturale : “Les gens cherchent des histoires terribles vous savez. Oh les pauvres immigrés ! Oui, nous avons nos problèmes mais c’est partout pareil. Pour moi, ça n’a aucune importance de là où tu viens !”
Pour pallier le problème, la jeune femme s’est engagée dans une radio associative. Elle anime en polonais et en ukrainien une émission hebdomadaire avec des immigrés afin de proposer une image positive de l’immigration.
Une migration économique pour certains, fuir la guerre pour d’autres
Initialement économique, l’immigration ukrainienne est utile à la société polonaise. Avec un taux de chômage à 4,4%, la Pologne a désormais besoin d’une main d’oeuvre active, que ce soit pour les chantiers où pour le secteur de l’agriculture.
Depuis l’éclatement des conflits dans le Donbass, l’afflux d’immigrés ukrainiens a particulièrement augmenté. Cependant, le statut de réfugiés n’étant pas accordé, les Ukrainiens choisissent officiellement de demander un permis de travail.
L’attrait économique n’est plus l’unique facteur d’immigration. C’est ainsi que Marta Kindler a noté que les catégories sociologiques d’immigrés se diversifient de plus en plus :”On voit arriver davantage de jeunes Ukrainiens souvent très cultivés et diplômés.”
C’est le cas de Vova Myskto qui après avoir fui les conflits a posé ses valises à Varsovie. Désormais banquier pour un grand groupe, il raconte : “Parfois je me sens discriminé, surtout à cause des groupes de Polonais saouls qui traînent le soir, et qui agressent les étrangers. Je pense que les Polonais n’apprécient pas particulièrement les Ukrainiens, notamment si on lit les journaux…”
Pour Anna Legutko, les médias ne sont en rien représentatifs de la société et elle croit fervemment au pouvoir “d’une nouvelle génération ouverte sur le monde et la diversité”.