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SUBSTANCES PSYCHOTROPES ET JEUNES POLONAIS - Na zdrowie ! (1/3)

bièresbières
Écrit par Corentin Gastard
Publié le 25 avril 2018, mis à jour le 25 avril 2018

Première partie de notre dossier concernant les consommations de "drogues douces" - alcool, cannabis, cigarettes - par les jeunes en Pologne. Adolescence rime avec découvertes et ces produits font invariablement partie de la palette du parfait petit ado rebelle, ou non d'ailleurs.

 

Admettons le d'entrée, quand on pense à la Pologne, il est un moment, inévitablement,   où la vodka nous vient à l’esprit. Et forcément, dans un pays qui revendique la paternité du spiritueux le plus consommé au monde, l'alcool a une place importante dans la société et les habitudes sociales, jusqu'à biaiser la vision que l'on pourrait avoir du rapport entre les Polonais et leur consommation d'alcool.

 

La dure loi de l'Est

 

Puisque nul n'est censé les ignorer, commençons par les lois. En Pologne, la législation en matière d'alcool pour les mineurs est la même qu'en France : la vente et la consommation de boissons alcoolisées sont interdites aux jeunes de moins de 18 ans et la consommation de ces breuvages est, comme en France interdite sur la voie publique.

 

Concernant l'alcool au volant, c'est encore plus simple : vous êtes en infraction à partir de 0.2 grammes d'alcool par litre de sang, ce qui correspond à… moins d'un verre. À partir de plus de 0,5 grammes d'alcool par litre de sang, on s’expose à un retrait de permis pour au moins trois ans et on risque la prison. Que celles et ceux qui voudraient échapper à une amende pour alcoolémie au volant en enfourchant leur vélo se résignent, les lois sont les mêmes pour tous les usagers de la route. D'ailleurs, en 2014 la moitié des personnes pénalisées pour conduite en état d'ivresse en Pologne étaient des cyclistes. Peu de souplesse dans la législation polonaise, donc.

 

Na zdrowie

 

On pourrait penser que dans un pays où vodka signifie "petite eau", la consommation d'alcool, notamment chez les jeunes, serait plus élevée que dans le reste de l'Europe. Encore une fois les clichés ne se vérifient pas.

 

En 2015 le centre européen de surveillance des drogues et des addictions publie une longue étude réalisée dans toute l'Union Européenne et entamée en 1995. En Pologne, 12 000 élèves âgés en moyenne de 16 ans sont interrogés sur leur consommation d'alcool et de stupéfiants en 2015. Sur les 12 000 interrogés, 47% avaient bu de l'alcool au moins une fois lors du mois écoulé et 35% avaient effectué ce que l'on appelle du binge drinking, terme qui désigne une forte consommation d'alcool en très peu de temps, soit plus de 5 verres en moins de 2 heures. La traduction française a le mérite d'être claire : "cuite express".

 

Si ces chiffres semblent impressionnants, ils sont en réalité dans la moyenne européenne : 48% de l’ensemble des jeunes européens interrogés avaient bu de l'alcool lors du mois écoulé et 35% avaient admis avoir pratiqué le binge drinking, soit quasiment les mêmes chiffres que pour les jeunes Polonais. La consommation d'alcool est même en baisse en Pologne depuis les années 1990, où 90% des Polonais de 16 ans avaient déjà bu de l'alcool, contre 80% aujourd'hui.

 

Le sociologue Julien Freund expliquait dans les années 1990 que l'alcool avait une vraie portée sociale dans la Pologne traditionnelle, où auberges et autres tavernes étaient les lieux privilégiés du quotidien des villageois. On réglait de nombreux problèmes dans ces endroits propices aux rassemblements, permettant d'avoir des discussions sur certains différents et de sceller des accords à l'aide d'un ou plusieurs verres. On arrosait aussi dans les auberges certains rites de passage, tels que les baptêmes ou les mariages, mêlant toujours ces festivités traditionnels et religieuses à l'alcool.

 

Cuite express

 

Depuis les années 1990 les jeunes consommateurs réguliers d'alcool sont de moins en moins nombreux en Pologne alors que les consommations irrégulières en grandes quantités sont à la hausse. Et si les filles boivent moins d'alcool de façon régulière que les garçons, elles sont autant adeptes de binge drinking que leurs comparses. En 2003 on comptait environ 15% de filles ayant déjà participé à une "cuite express", ce nombre ayant doublé en 2007 se rapprochant des 50% de garçons adeptes de la pratique.

 

Le binge drinking, phénomène majoritairement originaire des pays anglo-saxons, s'est installé en Europe depuis une quinzaine d'années maintenant, notamment grâce aux échanges étudiants européens, banalisant ces actes dans les pays de l'Union. Aujourd'hui le binge drinking est un acte social en soi, mais fondamentalement différent de ce qui se faisait plus traditionnellement : on consomme l'alcool pour ses effets sur l’organisme et le fait de boire constitue à lui seul un rite de passage. Et si la découverte et la transgression de certaines règles fait partie de l'adolescence, il convient tout de même de rappeler qu'une consommation aussi excessive et rapide d'alcool peut avoir des conséquences graves sur la santé à très court terme.

 

Sources :

- Warsaw adolescent alcohol use in a period of social change in Poland: cluster analyses of five consecutive surveys de Iirena Okulicz-Kozaryn, 2008.

- Aspects culturels et sociaux de la consommation d'alcool

- Alcohol and injury in Poland : review and training recommendations

- Rapports de l'ESPAD de 2007 et 2015

- Rapport de l'OMS sur la consommation d'alcool en Pologne entre 1961 et 2004

 

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Publié le 25 avril 2018, mis à jour le 25 avril 2018