Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Stéphane Wlodarczyk : « Le but de l’art est de réunir les gens »

stephane wlodarczyk artstephane wlodarczyk art
Écrit par Cédric Tavernier
Publié le 11 novembre 2020, mis à jour le 18 février 2021

Chanteur, guitariste, producteur, organisateur de concerts, diplômé d’Histoire, Stéphane Wlodarczyk a plus d’un tour dans son sac. Découvrez en plus  dans cette interview sur ce Franco-Polonais.

Lepetitjournal.com : Vous êtes franco-polonais. C’est-à-dire ?

Stéphane Wlodarczyk : Je suis né en France. Mon père est Polonais. Il a émigré en 1968. Mais ma mère française est tombé amoureuse de la Pologne, langue que ses grands-parents déjà connaissaient, c’étaient des Juifs Polonais qui avaient fui les persécutions; la Pologne d’où ils provenaient faisait alors encore partie de l’empire russe.

J’ai vécu en France jusqu’à l’âge de 27 ans. Je pense que la culture française est plus affirmée chez moi pour cette raison, l’éducation, les études. En revanche, au niveau de l’identité, je me sens finalement autant Français que Polonais et s’il y a un jour un match entre la France et la Pologne, je supporterai... l’équipe qui gagne.

Cela fait plus de dix ans que je passe la moitié de mon temps à Paris et la moitié de mon temps à Varsovie. Mon fils est né à Varsovie il y a presque deux ans. Depuis, je passe plus de temps à Varsovie, en particulier depuis début 2020 avec la crise du Covid ou là je me suis sédentarisé.

Lepetitjournal.com : Quand avez-vous commencé à jouer de la guitare et à chanter ?

Stéphane Wlodarczyk : J’ai appris la guitare vers l’âge de 13 ans. Puis j’ai commencé à travailler avec des groupes sur Paris et à composer. Mais dans un premier temps, j’ai fait des études qui n’avaient rien à voir puis j’ai travaillé dans l’industrie culturelle; dans la musique surtout. Je n’ai jamais arrêté de jouer et chanter en amateur mais c’est vraiment en 2015 que j’ai donné plus de mesure à cette passion notamment en créant le groupe Stefski et Hutch.

 

Stefski & hutch

 

Lepetitjournal.com : Qu’avez-vous fait comme études ?

Stéphane Wlodarczyk : J’ai commencé des études de droit puis finalement, j’ai obtenu un master d’Histoire, avec une spécialisation en Histoire de la Pologne contemporaine et des relations franco-polonaises. Mon thème de mémoire était l’histoire du Journal Télévisé en Pologne des origines à nos jours. Tout cela tournait autour de problématiques très intéressantes de l’histoire de l’innovation, de la compréhension du mécanisme de l’innovation qui est moteur de notre modernité, cette formation me sert encore pour comprendre le monde d’aujourd’hui et parfois même pour comprendre des enjeux professionnels, commerciaux ou industriels dans mon travail.

Lepetitjournal.com : Racontez-nous vos débuts en Pologne

Stéphane Wlodarczyk : Je suis venu en Pologne après mes études. J’ai obtenu un stage à l’ambassade de France en tant qu’assistant de l’attaché audiovisuel. De là, j’ai eu l’occasion de rencontrer le Bureau Export de la Musique Française que j’ai représenté en Pologne de 2004 à 2010. J’ai alors piloté l’organisation d’une centaine de concerts de plusieurs dizaines d’artistes français en Pologne dont Juliette Gréco, Daft Punk, Amadou et Mariam, Camille ou IAM pour donner quelques exemples.

Lepetitjournal.com : Que pensez-vous de la politique culturelle de la France à l’étranger ?

Stéphane Wlodarczyk : Je pense qu’elle commence à appartenir au passé, du moins en Europe. C’est vers 2011 lorsque j’ai quitté le Bureau Export de la Musique Française que j’ai commencé à noter un véritable déclin des budgets et des intentions. Cela s’est intensifié dans les années qui ont suivi, à l’époque de la présidence de François Hollande je crois. Il est ceci dit certain que les grands noms de la culture française n’ont pas besoin de l’aide de l’Etat pour s’exporter et rayonner dans le monde. Ce qui n’est pas forcément le cas des moyens ou des petits, et de ce que l’on appelle les indépendants dans l’industrie musicale ou cinématographique. Finalement, le plus important pour que les artistes et les productions de la création française s’exportent, c’est peut-être de leur donner les meilleurs conditions de travail et de développement chez eux, en France. De ce point de vue la création artistique conserve un avantage non négligeable avec les politiques publiques, jusqu’à quand? Je ne le sais pas…

Lepetitjournal.com : Et que pensez-vous de la scène culturelle polonaise ?

Stéphane Wlodarczyk : Jusqu’à très peu de temps, les Polonais n’avaient pas les moyens d’exporter leur culture. Bien sûr, ici, je parle de l’industrie culturelle et non de la « Grande culture classique» qui elle, s’exporte plus ou moins naturellement. L’on peut noter en ce moment, par exemple, un cinéma polonais qui commence à être pas mal doté publiquement. Et concernant la musique, le marché local est suffisamment grand pour que les stars vivent bien chez elles. Mais il y a certains groupes connus internationalement dont peu savent qu’ils sont Polonais comme par exemple Riverside ou Behemoth et que les Polonais ne découvrent qu’une fois qu’ils ont conquis Londres ou Los Angeles.

Quant au petit monde de la culture en Pologne, on est vraiment beaucoup dans l’entre-soi. C’est un petit réseau très fermé qui fait tout pour que le gâteau soit partagé par un nombre bien défini de personnes. Ce qui en soi est une caractéristique du show-business plus que de la Pologne…

Je trouve que les médias polonais sont moins curieux de découvertes artistiques que les médias français en général, Il y a une sorte de dédain de la part des journalistes ou de la société en général même je dirais envers les artistes de la seconde ou troisième division; des débutants ou nouveaux venus. Ce n’était pas forcément ainsi il y a 10 ou 15 ans, ce sont les travers de l’enrichissement de la société. La célébrité l’emporte souvent sur le talent… alors que dans le même temps les musiciens qui accompagnent les stars polonaises sont d’un très bon niveau.

D’une façon générale, la France et la Pologne, sur cet aspect comme sur bien d’autres, sont des pays différents. Je dis toujours que la Pologne est incompréhensible pour les Français et que la France est incompréhensible pour les Polonais. Mais c’est sans doute vrai pour d’autres pays, les stéréotypes sont souvent tenaces et c’est aussi ce qui est passionnant.

Lepetitjournal.com : Qu’avez-vous fait après votre départ du bureau export de la musique ?

Stéphane Wlodarczyk : Je suis devenu producteur indépendant de concert en 2011, associé avec des acteurs parisiens et varsoviens de l’industrie des concerts, j’ai beaucoup travaillé avec Zaz, Jane Birkin et Imany entre autres projets. Puis en 2015, j’ai lancé le groupe Stefski et Hutch. Stefski, c’est mon pseudo dans ce projet, et je cherchais donc un Hutch. Je l’ai trouvé chez le fils d’un ami de mes parents : Tomasz Bogacki. Il accompagne depuis quelques années à la guitare la célèbre Krystyna Janda dans tous ses spectacles musicaux avec le quintette de son père. Avec Tomasz, nous avons écrit et interprété diverses chansons. Nous avons par exemple interprété la version originalement française de la fameuse chanson de Czesław Niemen « Sen o Warszawie ». Peu de gens savant qu’à l’origine, la chanson avait été écrite en français par le célèbre parolier Pierre Delanoé avec une musique écrite par Czesław Niemen lorsqu’il habitait à Paris et qu’elle s’appelait : « À Varsovie ».

 

 

J’ai aussi écrit diverses chansons en anglais et quelques unes en polonais qu’on peut entendre sur notre premier album disponible en digital depuis février 2020, écoutez-le! J’aime beaucoup écrire. Je perçois la création artistique comme un remède à la politique. Le but de l’art est de réunir les gens. La parole est beaucoup plus libre au cinéma que dans les médias par exemple. Les grands réalisateurs se permettent de dire des choses dans leurs films qu’il serait impossible de dire dans certains médias de grande audience. Dans mes chansons je dis ce qu’il me plait et peux me permettre de rester ambigüe ou vague, c’est le privilège de la poésie.

 

 

Lepetitjournal.com : Et quels sont vos projets ?

Stéphane Wlodarczyk : Survivre à ces temps difficiles est déjà un projet ambitieux… mais je ne me décourage pas et on a commencé à travailler sur un nouvel album de Stefski & Hutch, entièrement conçu avec un batteur et chanté en anglais, on va cette fois aller au bout de quelque chose qu’on voulait faire avec notre groupe et déjà entamé avec notre premier EP en 2016, sonner rock avec des guitares saturées et omniprésentes avec encore plus de groove. J’espère qu’on arrivera à dévoiler tous ces nouveaux morceaux courant 2021 et peut-être prévoir des concerts en trio ou quatuor à partir de l’été, ce qui nous changera des sets en acoustique en duo qu’on a pas mal fait. En attendant, on va sortir un Remix dans un style electro, presque drum and bass, de notre chanson Centuries courant décembre, ce qui sera une occasion de nous entendre différemment et peut-être de toucher de nouvelles personnes. Cela s’intitulera Stefski & Hutch vs Simba « For Long Centuries » et on a prévu une Lyric Vidéo pour la promotion, d’ailleurs vous êtes le premier media à avoir cette info, cela s’est décidé hier !