Édition internationale

OBESITE – L'autre croissance record polonaise

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 14 novembre 2012

(article publié le 31 janvier 2011)

L'obésité se répand dans l'UE : 51% des Européens sont en surpoids. Et la Pologne n'échappe pas au phénomène. Bien au contraire...

L'OCDE et la Commission européenne viennent de publier un rapport intitulé Panorama de la santé : Europe 2010. Le constat est sans appel : le taux d'obésité a plus que doublé dans la majorité des pays européens ces vingt dernières années. Aujourd'hui, plus de la moitié des Européens sont en surpoids ou obèses.

L'indice de masse corporelle


Le surpoids et l'obésité se caractérisent par une accumulation excessive de graisse corporelle pouvant nuire à la santé. L'indice de masse corporelle (IMC) se calcule en divisant le poids par la taille (en mètre) au carré. L'Organisation mondiale de la santé a adopté la classification suivante : un? IMC inférieur à 18,5 est trop maigre ; entre 18,5-24,9 il est normal ; entre 25-29,9 il indique le surpoids, et au-delà de 30 l'obésité. Une femme mesurant 1m65 est ?normale? à 60 kg, en surpoids à 75 kg, obèse à 85 kg. Pour un homme d'1m80, la ?normalité? serait de 75 kg, le surpoids à 90 kg, l'obésité à 100 kg. Cet indice ne vaut que pour des personnes musclées sans excès, au squelette moyen. Les individus fortement charpentés, ou très musclés, peuvent avoir un IMC élevé sans être gras pour autant.

Une épidémie européenne
En Europe, le pourcentage d'obèses a pratiquement doublé en 20 ans, «sans égard au taux initial». Les pays les plus touchés : le Royaume Uni, l'Irlande, Malte où le nombre d'obèses atteindra bientôt 25%. L'Italie, le Luxembourg et le Portugal sont relativement préservés et se situent juste devant le plus mince des pays européens : la Roumanie (8% d'obésité). Le Sud de l'Europe (Sicile, Gibraltar, Crète, Espagne) affiche des taux de surcharge pondérale et d'obésité dépassant les 30 % parmi les enfants de 7 à 11 ans. Aucun pays n'est épargné, et les plus touchés ne sont pas ceux qu'on croit. Le régime traditionnel méditerranéen, jusqu'ici vanté pour son équilibre, s'est laissé largement supplanter par une alimentation plus riche, plus sucrée et plus salée.

La France, avec un taux de 11 %, fait mieux que la Belgique qui se situe à la moyenne européenne (14%). La situation dans l'Hexagone se dégrade pourtant rapidement, malgré les nombreuses mesures ciblant l'alimentation des plus jeunes. Après les Etats-Unis, c'est en France que McDonalds réalise ses plus gros profits: 1,2 million de repas y sont servis quotidiennement.

Les Polonais, champion de la prise de poids
Aujourd'hui 60% des Polonais sont en surpoids, 20% sont cliniquement obèses. Le cas des enfants trop gros est particulièrement préoccupant. Leur nombre a été multiplié par 10 en 30 ans. Parti il est vrai de plus haut, celui des enfants américains n'a été multiplié que par 3 sur la période. A ce régime, la Pologne risque d'etre bientôt le plus ?gros? pays d'Europe et boxera dans la catégorie du champion américain (où près de 70% de la population est en surpoids).

Une maladie multifactorielle
Les Polonais mangent trop, trop riche, et ne se dépensent pas assez. La cuisine polonaise contient traditionnellement plus de gras et moins de légumes que la cuisine méditerranéenne. Mais le communisme, en limitant le développement économique du pays, a au moins permis de repousser le ?grossissement? de la population polonaise. Le capitalisme et la croissance post 89 ont par contre eu un impact sur l'obésité polonaise, en libérant la consommation (au sens propre comme au figuré). Le marketing impose par exemple une culture du plaisir et de la gourmandise. Comme ailleurs, le grignotage se généralise en Pologne. Les aliments transformés, riches en sucre raffinés et en graisse, se multiplient.

Les perturbateurs endocriniens, et surtout les polluants organiques persistants, ne cessent aussi d'augmenter en quantité dans l'environnement et dans l'organisme. Ils joueraient un rôle important dans cette récente « épidémie » mondiale d'obésité. Les pilules contraceptives, les neuroleptiques, les antidépresseurs et certains antalgiques ont aussi un impact sur la prise de poids.

La modernité, un environnement aggravant


Le développement des transports, du chauffage et de la climatisation limitent le nombre de calories qu'on aura l'opportunité de brûler dans une journée. Plus flexibles, plus nombreuses, les heures de travail ont aussi un impact. Faute de temps, il devient par exemple difficile pour les parents polonais de contribuer à la bonne nutrition de leurs enfants. Le passage des repères nutritionnels traditionnels ne se fait plus. La flexibilité des horaires de repas (déjà grande en Europe de l'Est) est aussi un facteur aggravant. Les Polonais mangent également de plus en plus souvent dehors, et pas dans les bars à lait. Les fast-foods, McDonalds et KFC en tête, connaissent ici aussi un énorme succès, surtout chez les 15-30 ans. Enfin, la fatigue et le stress contribuent à la prise de poids.

Changement de loisirs
Leur alimentation est toujours plus riche, mais les Polonais brûlent de moins en moins de calories. Les jeunes jouent encore au foot, mais assis devant leurs consoles de jeu. Leurs parents, à la pêche, devant un livre, ou la télévision ne font pas mieux. Les Polonais passent en moyenne plus de 4h par jour devant le petit écran (244 minutes). Moins qu'un Américain (près de 5 heures), mais 50 minutes de plus qu'un Français... Pour une immense majorité de Polonais, la marche reste la seule activité physique pratiquée.

Un problème de santé publique
Le surpoids n'a pas seulement un impact sur les capacités sportives et les relations sociales. L'obésité a été reconnue comme une maladie en 1997 par l'OMS. Dès les plus bas niveaux d'excès pondéral, elle peut avoir des répercussions importantes sur la santé de l'individu. Troubles respiratoires, arthrite, cancers, hypertension, grossesse à risques, apnée du sommeil, diabète sucré, cholestérol, infarctus... Les personnes sévèrement obèses meurent 8 à 10 ans plus tôt que les personnes de poids normal. L'obésité est aussi coûteuse pour les systèmes de santé.

Un poids financier
L'obésité a un coût économique, provenant notamment de

l'accroissement des dépenses médicales induites et d'une plus faible productivité au travail. Les maladies liées à l'obésité représenteraient environ 7% des dépenses de santé de l'Union Européenne. Selon un rapport de l'Organisation internationale du travail, "les études ont montré que le risque d'absentéisme est deux fois plus élevé chez les travailleurs obèses que chez les travailleurs sains. L'obésité représente 2 à 7 pour cent des dépenses totales de santé dans les pays industrialisés. Aux États-Unis, on estime le coût occasionné par l'obésité à 99,2 milliards de dollars."

(La monstrua desnuda (1680, Juan Carreno de Miranda )

Des mesures de prévention efficaces ?
L'UE impose maintenant à ses Etats membres de lutter contre l'obésité. Varsovie ne l'a pas attendu. Comme la France, la Pologne mise sur l'éducation à la nutrition. Principale mesure du programme gouvernemental Régime, activité physique et santé : une initiative à destination des élèves des classes primaires. L'idée est d'expliquer aux petits Polonais l'importance d'une activité physique et d'une alimentation équilibrée.

Les enfants sont en effet particulièrement concernés par le problème de l'obésité. Ils sont attirés par les goûts sucrés et souffrent souvent d'une alimentation désequilibrée, parfois même dans le ventre de leur mère. Ils sont aussi particulièrement sensibles aux publicités sur les aliments. Bien "éduqués" aux principes de la nutrition, les enfants portent aussi le message dans leur famille.

Les ONG insistent aussi sur la nécessité de pratiquer une activité sportive dans le cadre scolaire et d'un changement radical de son enseignement. Pour remplacer les heures traditionnelles, elles proposent des cours de danse, de roller ou d'aérobic. Mais un grand nombre d'écoles primaires polonaises n'ont pas accès à un gymnase, et près de la moitié ne dispose même pas d'une cour de récréation adaptée.

CQ (www.lepetitjournal.com/varsovie.html) lundi 31 janvier 2011


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Publié le 24 août 2012, mis à jour le 14 novembre 2012
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