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MIKOLAJ REY - L’histoire d’une fusion franco-polonaise

Miki ReyMiki Rey
Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 12 janvier 2023

 

Beaucoup de charisme, du talent, de l'audace et? une saison Masterchef. Un cocktail gagnant pour ce Français d'origine polonaise, que le goût pour l'art culinaire a transformé en étoile montante de la télévision locale. Mikolaj Rey intervient chaque mercredi matin en direct dans la chronique gastronomique de l'émission Dzien DobryTVN. Il nous raconte avec enthousiasme son parcours pour le moins inédit et nous dévoile ses secrets sur l'art de la table en Pologne?

Votre histoire et celle de votre famille sont intimement liées à celle de la France et de la Pologne du 19ème siècle. Pouvez-vous nous parler du village de Montrésor en France d'où vous venez ?

Je suis né en France, à Chambray-les-Tours, et ai grandi dans le village de Montrésor, au c?ur de la Touraine. C'est un des plus beaux villages de France, dont l'une des caractéristiques est ? sa forte densité de Polonais ! Ceci s'explique par l'arrivée à Montrésor en1848 d'un de mes ancêtres, Xavier Branicki, descendant d'une famille qui côtoyait la cour du Tsar en Russie. Soutenant des idées très libérales et pas forcément appréciées par le tsar, il s'est exilé en France, précisément au Château de Montrésor qu'il a acheté et entièrement restauré. Après lui, de nombreuses familles aristocratiques polonaises sont également venues s'installer à Montrésor au cours de la seconde moitié du 19ème siècle ainsi qu'à l'issue de la Seconde Guerre mondiale.  Aujourd'hui, le château est visité par de nombreux Polonais car c'est une véritable vitrine de la Pologne d'avant-guerre !

Vous grandissez en France, baigné de culture polonaise. Quand décidez-vous d'aller découvrir par vous-même le pays de vos ancêtres ?

Comme je ne parlais pas polonais, mon père a décidé  après mon Bac de m'envoyer en Pologne pour apprendre la langue. Au bout d'un an d'études à Cracovie, j'avais déjà progressé en polonais? mais je n'avais surtout plus envie de rentrer en France ! Alors je suis resté, j'ai rencontré ma femme et ma vie est ainsi devenue polonaise?

Comment tout cela nous mène à l'émission Masterchef à laquelle vous participez en 2012 ?

De ma jeunesse à Montrésor, j'ai développé un goût prononcé pour la cuisine. Ma passion vient de là. A Cracovie, j'ai ensuite eu la chance de rencontrer Pierre Gaillard, un chef de cuisine français originaire de Lyon qui en 2000 a décidé d'ouvrir le restaurant La Fontaine, à 2 pas du rynek. Nous sommes devenus très liés et il m'a beaucoup appris. Puis un jour ma femme m'a dit : « tu devrais t'inscrire à la première saison de Masterchef qui s'ouvre en Pologne! » Je n'en avais pas envie mais je l'ai fait pour elle et avec le sourire s'il-vous-plaît !

Depuis ce jour, votre vie a basculé !

Sur le moment, je n'ai pas réalisé du tout l'importance des retombées médiatiques de l'émission. Or, Masterchef a été un gros succès en Pologne, avec entre 4 à 6 millions de téléspectateurs chaque dimanche. J'ai donc passé les sélections et ai été éliminé à la 7ème émission sur 12. Entre temps, j'étais devenu célèbre ! Le fait d'avoir grandi en France et de porter le même nom que le père de la littérature polonaise (Mikolaj Rej, dont je suis descendant) était très vendeur ! Et puis, j'étais très naturel à la télévision et je faisais beaucoup rire les gens. J'étais en quelque sorte le personnage le plus haut en couleurs de la saison. Cette visibilité s'explique également par le fait que je me retrouvais soit parmi les meilleurs soit parmi les plus mauvais au fil des épisodes.

Et contre toute attente, malgré le succès de mon « filet de carpe à la peau de jambon serrano croustillante, nid de céléri et sauce aux poireaux », ce qui m'a donné le plus de notoriété a été mon dessert raté que j'ai baptisé « les naufragés des Caraïbes ». Ce jour-là, j'ai oublié de prendre le plat pour faire cuire mon fondant au chocolat? et ça a été le drame ! Perdu pour perdu, j'ai tourné cela en dérision. Par la suite, j'ai réalisé que j'étais devenu populaire quand les gens se sont mis à m'interpeller dans la rue pour me parler des « naufragés des Caraïbes », m'embrasser ou prendre une photo avec moi!

Depuis Masterchef, vous intervenez dans une émission culinaire tous les mercredis matins?

Oui, j'anime une émission hebdomadaire du programme DzienDobryTVN.  Mon équipe de tournage et moi  partons chaque semaine pour une destination différente en Pologne, à la découverte d'une région, une recette, un produit, un restaurateur? . Au cours de cette journée, on parle, on cuisine, on déguste et cela donne un reportage de 4 ou 5 minutes diffusé le mercredi.

Quels sont vos projets d'avenir ?

Je suis en train de réfléchir à différentes options possibles. Je peaufine actuellement la rédaction d'un scénario afin de développer ma propre émission, je pense également ouvrir un studio gastronomique. J'aimerai beaucoup créer ma marque de plats préparés haut de gamme. Ce sont des idées. J'ai également reçu des offres pour faire de la publicité mais je reste prudent...

La cuisine polonaise est-elle en train d'évoluer ?

La cuisine évolue, doucement, car les Polonais sont très fiers de leurs plats traditionnels. Cela fait partie de leur identité nationale. Il faut se rappeler que la cuisine polonaise autrefois était très riche. Elle comprenait beaucoup de viande comme le b?uf, le gibier, le poisson, et beaucoup d'épices telles que le poivre, le gingembre, le safran, la cannelle. La Pologne était située sur la route des épices. Ces traditions reviennent progressivement. Mais au cours de mes déplacements, j'ai également ressenti une forte influence scandinave chez les meilleurs chefs polonais ainsi qu'une envie de revaloriser de manière moderne et audacieuse un patrimoine d'une grande richesse piétiné par 45 ans de communisme.

Varsovie se démarque nettement des autres villes polonaises, en matière de cuisine. J'y découvre régulièrement de nouveaux "ptis restos" aux atmosphères modernes et dynamiques avec une cuisine excellente et abordable.

Quelles sont vos sources d'inspiration ?

Mes recettes sont issues de la fusion entre les traditions polonaises et mes origines françaises, plus particulièrement d'une région où on cuisine beaucoup les produits de la chasse et le fromage. J'aime la cuisine traditionnelle mais faite dans les règles de l'art. Mais j'apprends aussi énormément au fil de mes rencontres. 

Mettez-nous en appétit?Présentez-nous les « perles gastronomiques » polonaises que vous avez découvertes au cours de vos reportages.

Mon travail est d'aller à la recherche de recettes originales qui se créent en Pologne, mais qui restent encore très locales. J'ai rencontré dernièrement un éleveur de chèvres à Gdansk qui fabrique un fromage appelé « Pijana Koza » (la chèvre ivre). Il est enrobé de fruits ayant servi pour la macération d'une liqueur qui ont mûri en futs et où la liqueur émane et diffuse ses arômes. Une merveille ! (Producteur : Stefan Strubinski, Gospodarstwo "Kaszubska Koza")

Dans le domaine de la charcuterie il y a aussi de véritables petits trésors tel que le « pó?g?sek » qui n'est pas sans rappeler notre magret de canard. Ce sont deux filets d'oie détaillés, marinés dans la saumure avec un bouquet d'herbes fines puis fumés à froid. Ils sont ensuite roulés ensemble pour former une ballotine. Cette spécialité est à mon goût nettement plus délicate et savoureuse que notre magret national...

Quel est votre restaurant favori à Varsovie ? Et à Cracovie ?

A Cracovie La Fontaine, restaurant francais, dont le chef est Pierre Gaillard. A Varsovie, le restaurant Salto (dans l'hôtel Rialto), dont le chef est Martin Gimenez Castro, m'a beaucoup plu.

Magali de Bienassis (lepetitjournal.com/Varsovie) - Jeudi 16 avril 2015

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Publié le 15 avril 2015, mis à jour le 12 janvier 2023
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