Le mercredi 18 décembre 2019 à 18h, des manifestations monstres ont eu lieu partout en Pologne contre le projet de loi sur la réforme des tribunaux. Des organisations de magistrats, la Fondation Helsinki pour les droits de l'Homme et le Comité de défense de la démocratie (KOD, opposition) ont appelé à manifester le mercredi 18 décembre à 18h devant le parlement à Varsovie et devant les tribunaux dans une centaine de villes polonaises.
Qu’en est-il exactement de ce projet de loi ?
Le 19 novembre 2019, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a rendu sa décision concernant les questions posées par la Cour Suprême polonaise. Elle a jugé que la Cour Suprême polonaise devait examiner l'indépendance de la nouvelle Chambre Disciplinaire afin de déterminer si elle pouvait reconnaître des litiges concernant le départ à la retraite des juges de la Cour Suprême. Le 5 décembre, la Chambre du travail et de la sécurité sociale de la Cour Suprême a rendu un arrêté dans lequel, citant la décision de la CJUE du 19 novembre, elle a constaté, entre autres, que le nouveau Conseil National de la Magistrature (KRS) ne fournissait pas de garanties suffisantes d'indépendance vis-à-vis des pouvoirs législatif et exécutif, la Chambre Disciplinaire n’étant pas selon elle une juridiction au sens du droit de l'Union Européenne ni du droit national.
Le 12 décembre, des députés du parti majoritaire au pouvoir Droit et Justice (PiS) ont alors présenté un projet de modification des lois sur la structure des tribunaux communs et de la Cour Suprême, un projet qui prévoit notamment la « possibilité de révoquer des juges qui se permettraient de contester le Conseil National de la Magistrature ». Le projet de loi interdit également aux autorités judiciaires « d'adopter des résolutions exprimant l'hostilité envers d'autres autorités ». Ainsi, avec ce nouveau projet de loi, un juge remettant en cause la légalité de la nomination d’un autre juge pourrait tout simplement être révoqué. Mais il pourrait l’être également en cas de contestation par exemple du gouvernement ou simplement si l’on estime qu’il a des activités à caractère politique…
Qu’en pensent l’opposition et la majorité ?
Pour l’opposition, le projet est assez clair. Il s’agirait tout simplement d’empêcher tout magistrat d’exprimer sa défiance par rapport au pouvoir en place, en gros, de museler la justice. Pour Danuta Przywara, présidente de la Fondation Helsinki en Pologne, la promulgation de ce texte signifierait « la fin de la séparation des pouvoirs et le retour au pouvoir unique que nous avons connu à l'époque de la Pologne communiste ».
Pour la majorité, cette loi permettrait d’éviter le chaos dans le système judiciaire polonais.
Qu’en pense l’opinion ?
Plus de la moitié des Polonais interrogés (51%) pensent que les juges sont moins indépendants après les réformes déjà introduites par le PiS (Parti Droit et Justice) contre 19% qui pensent le contraire et 30% sans opinion - selon l'enquête téléphonique Kantar pour "Fakty" TVN et TVN24 réalisée les 17 et 18 décembre 2019 auprès d'un échantillon représentatif de 1.003 Polonais de plus de 18 ans.
Les personnes sondées ont également été interrogées sur la manière dont elles évaluaient l'efficacité des tribunaux après les réformes. Dans cette même enquête téléphonique menée par Kantar pour "Fakty" sur TVN et TVN24, les sondés ont dû répondre à la question suivante: « Comment évaluez-vous le fonctionnement des tribunaux en Pologne après les réformes du PiS? ». 49% ont choisi la réponse « les tribunaux sont moins efficaces ». 17% pensent le contraire. 34% ont choisi l'option «Je ne sais pas / difficile à dire».