

L'Insurrection de Varsovie fêtera son 70ème anniversaire le 1er août prochain. A cette occasion, le Musée de l'Insurrection de Varsovie vient de réaliser un film atypique et bouleversant, en ce moment dans les salles de cinéma, à voir absolument.
L'Insurrection de Varsovie est un sujet sensible pour les Polonais, un épisode historique controversé qui divise aujourd'hui encore la population. Etait-ce un suicide collectif, voué avec certitude à l'échec, qui a simplement conduit au sacrifice d'une génération entière, et a par la suite favorisé l'implantation du communisme en Pologne ? Ou bien un acte de bravoure héroïque, symbole d'une lutte pour l'indépendance et qui marque l'apogée d'une longue tradition insurrectionnelle polonaise ? Les deux visions s'opposent. Le bilan humain et matériel de l'Insurrection est quant à lui non contestable : près de 200 000 victimes polonaises, dont une écrasante majorité de civils, et la destruction d'une énorme partie de la ville.

Comme l'annonce le slogan publicitaire, il s'agit du "premier film de guerre non-fictionnel au monde, monté entièrement à partir de matériaux documentaires". Le film a en effet été réalisé à partir d'un montage d'images provenant des chroniques d'actualité filmées par les opérateurs du Bureau d'Information et de Propagande de l'Armée de l'intérieur. Ces chroniques, représentant plus de six heures de film, étaient diffusées en août et septembre 1944 au cinéma Palladium de Varsovie pour informer la population et maintenir le moral des troupes.
Miraculeusement conservées pendant 70 ans, ces images ont été remasterisées puis colorisées, et la bande-son, inexistante dans les chroniques initiales, a été spécialement créée. Ce travail colossal a été réalisé avec l'aide de nombreux spécialistes : historiens, urbanistes, architectes, consultants dans le domaine militaire, de l'habillement, etc. mais aussi bruiteurs et spécialistes de lecture labiale pour recréer les dialogues des personnages. Le résultat final, un long-métrage de 85 minutes, est impressionnant de réalisme, grâce à une qualité d'image remarquable et un souci porté aux moindres détails, depuis la couleur des habits et de la soupe jusqu'à la manière de parler des insurgés et au bruit des bombes.
Le scénario du film, d'après une idée de Jan Komasa, est basé sur une histoire fictionnelle : celle de deux frères, qui n'apparaissent pas à l'écran mais dont on entend les voix, chargés de tourner un documentaire sur l'Insurrection. Le spectateur les accompagne et est plongé dans la vie quotidienne des insurgés, au front et à l'arrière.
Les deux frères filment tout ce qu'ils voient : la cuisson du pain, la distribution publique de nourriture pour les combattants, la fabrication d'armes clandestines, l'impression de journaux de propagande, des bains publics improvisés, la célébration de messes, un mariage, des enterrements, les visages des insurgés, des jeunes enfants, des vieillards, la bravoure des soldats, les prisonniers allemands, les bombes qui tombent sur la ville, les bâtiments en ruine, les quartiers déserts, la peur au coin des rues et la mort, partout présente. Les deux frères, une caméra en main à la place d'un fusil, filment les moindres détails, pour que le monde sache « comment c'était réellement ». Les images à l'écran sont à la fois choquantes et fascinantes, incroyablement émouvantes.

La réalisation de ce film s'est accompagnée d'une opération visant à identifier les hommes et les femmes apparaissant à l'écran. Plus d'une centaine de personnes ont déjà été identifiées, certaines sont encore en vie. L'histoire de ces héros de l'Insurrection, restés jusqu'à maintenant anonymes, est à retrouver dans un très beau livre richement illustré, intitulé Powstanie Warszawskie. Rozpoanani, aux éditions Agora.
Anna Kasprzak (www.lepetitjournal.com/varsovie) ? Vendredi 30 mai 2014







