Silvio Berlusconi est mort ce lundi à l’âge de 86 ans. Président du conseil des ministres, propriétaire emblématique de l’AC Milan, promoteur immobilier, de toutes les casquettes qu’il a porté tout au long de sa vie, une des plus importantes est sans doute celle de magnat des médias. Celui qui a fait exploser les télévisions privées en Italie a toujours eu des ambitions internationales, à commencer par l’Espagne où il est particulièrement implanté.


Berlusconi et la télévision poubelle
Berlusconi est indéniablement le personnage italien le plus influent et important d'Italie de ces cinquante dernières années. Il a commencé sa carrière dans l’immobilier, devenant promoteur à Milan, avant de rapidement se tourner vers la télévision. En 1975, il crée la Fininvest avec laquelle il achète trois chaînes de télévision entre 1978 et 1984. À l’époque, l’Italie interdit aux chaînes privées de diffuser sur l’ensemble du pays, privilège appartenant à la Rai qui est la télévision publique. Cette loi, Berlusconi l’enfreint délibérément et tout le pays peut dès les années 80 profiter des émissions totalement novatrices qu’il propose.
La télévision de Berlusconi, tout comme son discours politique dès sa “descente dans l’arène” en 1994, se base sur l’émotion et non l’information. L’objectif est de créer du lien entre la télévision et les téléspectateurs en proposant des émissions accessibles, basées sur le loisir et le divertissement. La télévision berlusconienne vise à créer ce que le professeur Pierre Musso appelle une « communauté émotionnelle », en célébrant la confusion entre la vie publique et la vie privée, la réussite par la consommation et la fascination pour les célébrités. Bien avant les influenceurs et la téléréalité, le spectateur doit ressentir de l’affection pour ceux qu’il voit à la télévision, qu’il finit par considérer comme des proches. Les émissions ont une valeur ajoutée intellectuelle très limitée, ce qui amène dès le début à de fortes critiques de la part d’une partie du public et de la classe politique autour de l’appellation de “télépoubelle”.
Second point de la méthode Berlusconi, une hyper sexualisation des femmes. Berlusconi n’a jamais caché son appétit sexuel, comme le prouvent notamment les scandales autour de ses fameuses soirées “bunga-bunga”, paradis de luxure, auxquelles ont assisté des mineurs. Or, il a fait sa télévision à son image en remplissant ses émissions de vélines, sorte de bimbos, caricatures des stéréotypes de beauté, présentes tout au long des émissions pour accompagner le présentateur. Les vélines sont des objets décoratifs, qui ne parlent pas et dansent de manière suggestive au moment du lancement de la publicité pour que le spectateur ne zappe pas. Le succès est immédiat, en 1983, 89% des Italiens regardaient en moyenne chaque jour la télévision tandis que les chaînes privées de Berlusconi sont passées de 35% de fréquentation en 1981 à 65% en 1983. Depuis, les chaînes du groupe Berlusconi n’ont jamais décliné.
Une internationalisation du modèle en Europe et en Espagne
Certains d’entre vous se souviennent peut-être de “La cinq”, la chaîne de Berlusconi en France, première chaîne privée gratuite, créée en 1986 et définitivement fermée en 1992 après de nombreux rebondissements. Berlusconi a eu la même envie d’internationalisation en Espagne, avec un succès bien plus durable. C’est en 1997 que Mediaset, entreprise créée un an auparavant et regroupant un conglomérat d’entreprise du groupe Berlusconi, rachète à hauteur de 25% la chaîne Gestevision Telecinco. En 2003, elle augmente sa participation pour arriver à un total de 50,1%. En 2009, la chaîne obtient vraiment un statut de poids lourd en absorbant la Cuatro et se transformant en temps en Mediaset Espagne.
Le groupe représente aujourd’hui cinq chaînes qui sont par ordre d’importance : Telecinco, Cuatro, Factoria de Ficcion, Boing et BeMad. Ces chaînes, notamment Telecinco, reprennent la méthode actualisée du berlusconisme avec de nombreuses émissions de téléréalité par exemple. En 2022, le groupe Mediaset fait une OPA sur sa filiale espagnole pour obtenir les 44% des actions qui lui manquent. L’objectif initial était de devenir propriétaire 90% de Mediaset Espagne, ce qui échoue, Mediaset obtenant seulement 83% des parts. L’objectif est de créer un leader européen de l’audiovisuel pour concurrencer les géants étasuniens comme HBO. Aujourd’hui, le groupe Mediaset, renommé MediaForEurope contrôle Mediaset Italia, Mediaset España, Publitalia '80, RTI, et environ 25% du groupe de radio allemand ProSiebenSat.1 Media.
Sur le même sujet











