

Un an après la découverte historique du gisement de Vaca Muerta, qui ouvrait en pleine crise un horizon prospère à Repsol, le ciel s'est brusquement assombri cette semaine pour le groupe pétrolier espagnol, à la suite de la décision d'expropriation partielle par le gouvernement argentin de la filiale locale, YPF. Une action qui a suscité une véritable crise diplomatique entre les gouvernements espagnol et argentin
(Photo Creative Commons rbnlsn)
Elle a fait la Une de la presse espagnole cette semaine comme on placarde les noms des ennemis publics n°1, photos sombres à l'appui. Pas de "wanted" en guise de titre mais des formules aussi explicites : "Kirchner menace l'Espagne" (ABC), "La sale guerre de Kirchner" (La Razón), "Kirchner veut nous spolier à nous, Espagnols" (La Gaceta), et autres. Le fond du problème ? Lundi, la présidente argentine Cristina Kirchner a annoncé son souhait de renationaliser en partie la filiale du groupe pétrolier espagnol Repsol, YPF. Une expropriation à hauteur de 51% alors que Repsol détient actuellement 57,4% du capital d'YPF. Les motivations de l'Etat argentin ? Repsol est accusé de délaisser l'Argentine, notamment sur le terrain des investissements, alors même que le pays souffre une crise pétrolière sans fin, avec une facture qui explose depuis une décennie. Jugez plutôt : 550 millions de dollars en 2003, 9,4 milliards en 2011.
"Une décision qui rompt le climat d'amitié"
L'Argentine souhaite ainsi reprendre le contrôle d'YPF afin d'augmenter sa production nationale et de réduire ses dépenses. Evidemment, du côté du groupe pétrolier, on réfute en bloc ces accusations. Selon les propos de l'Espagnol Antonio Brufau, à la tête de Repsol, cette décision de Cristina Kirchner "est une manière de cacher la crise économique et sociale dont souffre actuellement l'Argentine, en raison notamment de sa politique énergétique erronée". Le gouvernement espagnol est même allé beaucoup plus loin, mettant en garde l'Argentine. Le ministre des Affaires étrangères, José Manuel García-Margallo, qui s'est entretenu hier avec la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton ?les Etats-Unis ont publiquement pris position en faveur de l'Espagne-, a d'abord affirmé en début de semaine que cette expropriation "rompt le climat d'amitié" entre les deux pays. Avant d'ajouter, hier : "Je suis convaincu du fait que la décision du gouvernement argentin n'a pas d'autre but que de dissimuler ses carences économiques, mais très prochainement il comprendra que la politique d'isolement est la pire des politiques que peut mener un Etat en 2012".
YPF, 25% du résultat opérationnel, 20% du bénéfice net et un tiers des investissements de Repsol
"C'est une décision hostile contre Repsol, donc contre une entreprise espagnole, donc contre l'Espagne", a également prévenu José Manuel Soria López, ministre de l'Industrie, de l'Energie et du Tourisme. Mercredi, dans une chronique pour le quotidien El País, intitulée "Eldorado", le journaliste espagnol David Trueba prenait le contre-pied : "Pour autant que nous, Espagnols, refusions de voir la réalité, elle est face à nous. A la faiblesse d'un pays personne ne répond avec générosité. Nos entreprises ont pris possession d'une Argentine détruite, et les Espagnols ont alors offert leurs villes et leur amitié à ceux qui partaient. La donne a changé. Mais seuls les gouvernements et les responsables du monde économiques prononcent le mot ?amitié' vide de sens, sur un ton presque pornographique". Des propos en écho aux déclarations de la porte-parole du gouvernement Rajoy, Soraya Sáenz de Santamaría, qui rappelait mardi que ce choix argentin "L'Espagne a volé au secours de l'Argentine quand elle vivait ses pires heures. C'est une décision hostile et arbitraire".
Les enjeux économiques sont de taille
Les enjeux économiques sont de taille : YPF, 25% du résultat opérationnel, 20% du bénéfice net et un tiers des investissements de Repsol. Le sous-sol argentin possède les troisièmes réserves au monde en gaz de schiste, derrière les Etats-Unis et la Chine. "L'Argentine est la plaque-tournante de Repsol. Le groupe a injecté 20 milliards de dollars d'investissements dans le pays, qui s'ajoutent aux 15 milliards payés pour prendre le contrôle d'YPF. Autant d'argent perdu avec cette expropriation. C'est l'avenir même de la multinationale qui est en danger, à terme", explique Carmen Sánchez Díez, ex-membre du pôle financier de Repsol, un temps responsable des relations avec l'Amérique du sud. Antonio Brufau espère obliger l'Argentine à régler une facture évaluée à 10 milliards d'euros pour les parts expropriés, évalués à 4,1 milliards, fin 2011.
Côté français, Bernard Valéro, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a soutenu : "La France comprend les préoccupations de son partenaire espagnol et appelle à la solidarité européenne". Cette fois, contrairement à 2008, lorsqu'elle avait exproprié les compagnies aériennes Aerolineas Argentinas et Austral, propriétés de l'Espagnole Iberia depuis 1990, l'Argentine devra également gérer le désaccord de la communauté internationale.
Benjamin IDRAC (www.lepetitjournal.com ? Espagne) Vendredi 20 avril 2012







