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ASSOCIATIONS - La sauvegarde du patrimoine est en marche

Écrit par Lepetitjournal Tunis
Publié le 3 octobre 2013, mis à jour le 27 décembre 2013

Le premier café-patrimoine de la rentrée, au siège de l'Association de Sauvegarde de la Medina, a été organisé par l'association "Patrimoine & Environnement" et a réuni une vingtaine de personnes le 27 septembre

Parmi elles, le photographe Jacques Perez, natif de la Medina, ainsi que l'association "Actions citoyennes en Medina" qui oeuvre actuellement pour réanimer les hammams oubliés en organisant des visites. Ce thème sera d'ailleurs central au prochain café-patrimoine.

La jeunesse était représentée par les membres d'un club d'étudiants qui s'intéressent au patrimoine, club créé par l'association "Patrimoine & Environnement".

Egalement présente l'association Via Romana  qui a pour mission de démocratiser la randonnée en Tunisie et de promouvoir le patrimoine

Le président de Via Romana a profité de cette rencontre pour rappeler les difficultés d'accès et d'exploitation des sites, tel Djebel Seddine (le Kef), pour lequel un circuit éco-touristique avec leur partenaire Via Augustina a été minitieusement préparé. Ces deux associations ont fait le balisage éco-touristique des voies romaines, mais aujourd'hui les circuits balisés sont interdits à la visite en raison de la situation militaire.

D'autre part, un hôtel avait été construit par l'état en 2006 en vue d'accueillir les touristes dans cette région, mais il n'a jamais été ouvert, faute de gérant ...

L'ASM très impliquée

Zoubeïr Mouhli, Directeur de l'Association de sauvegarde de la Medina (ASM) commence la session
par un état des lieux et un exposé des actions à entreprendre : 

L'environnement naturel et le cadre bâti de Tunis postrévolution sont victimes ces derniers mois, à l'instar des autres villes et campagnes du pays, d'actes de vandalisme et de comportements irresponsables. Démolitions dans un but de reconstruction spéculative, extensions de maisons ou interventions sur les façades sans autorisation, agressions à l'espace public et atteintes aux centres historiques, ont entraîné une dégradation sérieuse du cadre bâti à laquelle la société civile est appelée à réagir par tous les moyens et surtout à travers l'éducation environnementale.

Culture et droit au patrimoine

Depuis la révolution du 14 janvier 2011, les citoyens tunisiens ne cessent de faire prévaloir leurs droits à la démocratie, la justice, le travail, l'environnement et la culture. Or, le droit au patrimoine est indissociable de celui de la culture. Il nous interpelle à plusieurs niveaux et sur différents aspects :

Le premier niveau est celui du droit d'un peuple aux vestiges matériels du passé et au patrimoine
culturel se trouvant sur son territoire quelque soit son origine. Or, depuis l'époque beylicale, en passant par le Protectorat et l'Indépendance et jusqu'à une période récente, nous avons assisté en Tunisie, à ce qui pourrait être assimilé au vol de biens publics :

. exploitation par des consuls de carrières situées dans des sites antiques

. trafic ou appropriation d'antiquités ; ventes illégales de vestiges archéologiques à des touristes

. collections faramineuses de pièces antiques entassées dans des villas

. cadeaux frauduleux à des personnalités par des politiques, etc.

Ajoutées à cela, les fouilles ensevelies, cachées ou détruites en catimini, de peur d'arrêter des chantiers de construction ne pouvant souffrir de retard dans leur réalisation (vestiges almohades à la Kasbah à l'emplacement du parking devant l'Hôtel de ville, Colline de l'Odéon à Carthage pour la construction de deux immeubles d'hébergement destinés aux officiers de l'armée à l'époque coloniale, remplacés en 2003 par la nouvelle Mosquée El Abidine).

Le deuxième niveau est le droit de défendre le patrimoine culturel ou archéologique classé à l'échelle universelle et faisant la fierté de tout un peuple. L'exercice de ce droit s'est fait récemment sentir par une mobilisation de la société civile et des initiatives médiatiques louables contre les tentatives de certaines personnes de reprendre, à Carthage, leurs chantiers de construction sur des terrains archéologiques, déclassés au profit de la famille mafieuse. Ceci, malgré l'arrêté ministériel du 19 février 2011, suspendant la validité de tous les permis de bâtir relatifs au périmètre protégé !

Prémices d'un réveil populaire salutaire qui nous rappelle la mobilisation de la société civile en 1986 contre le projet de destruction, au centre-ville de Tunis, du complexe Tunisia Palace /Palmarium /Théâtre Municipal ou la mobilisation ces derniers jours afin d'arrêter les agressions perpétrés contre l'écosystème et le paysage naturel à Djerba ou contre les dégâts qu'encourt le vieux port historique à Bizerte suite au projet de la Marina.

Réveil confirmé par la création récente, à côté des associations nouvellement créées, consacrant les droits de l'Homme et contribuant à la construction citoyenne, d'une association appelée : Patrimoine 19/20, pour la protection et la défense du patrimoine récent en Tunisie.

Se défendant de mener un combat d'une poignée d'esthètes, celle-ci se dit ouverte à tous et se veut une entreprise citoyenne. D'autres associations ont vu le jour ces derniers mois, dans diverses villes historiques tunisiennes. L'heure est, donc, plus que jamais à l'appropriation du peuple de son passé et de sa mémoire et à la reconnaissance d'une responsabilité qui incombe aussi bien aux individus qu'aux collectivités, afin de défendre le patrimoine culturel du pays.

Le troisième droit est celui relatif au droit à la mémoire collective : Dans un contexte comme celui de la Tunisie post-révolution, le droit au patrimoine devrait être, avant tout, un droit à la mémoire, un accès à une mémoire collective, sans à priori idéologique. Il semble bien, aujourd'hui, qu'il n'y a plus aucun rejet des périodes qui ont fait l'histoire du pays, aucune volonté de les effacer de la mémoire collective. Tout comme ils ont droit à leurs médinas, les tunisiens ont droit, par exemple, à leur patrimoine récent, celui des 19e et 20e siècles qui est, également, dépositaire d'une partie

de la mémoire citoyenne. Lorsque l'on protège « les lieux de la mémoire », on sauvegarde moins les édifices que des traces et des cicatrices de l'histoire récente.

La notion de « lieu de mémoire » est vague mais peut englober aussi bien des champs de bataille (la ligne de Mareth au sud de Gabès) que des paysages mythiques rendus célèbres par les artistes-peintres et les cinéastes (le village de Sidi Bou Saïd qui, malgré son classement sur la Liste du patrimoine mondial, voit plusieurs percées visuelles sur la mer bouchées à cause de nouvelles constructions, le Djebel Boukornine qui aurait pu devenir invisible derrière les tours et gratte-ciels qui étaient prévus dans le projet de SamaDubaï, le quartier Halfaouine, etc).

Les échanges ont ensuite commencé autour des points évoqués. Extraits :

L'industrie du patrimoine dans le monde représente la 2e source de revenus, après le pétrole. En France, 21 milliards d'euros sont engrangés pour environ 1 milliard dépensé.

Le code du patrimoine ne prévoit aucun plan de sauvegarde pour aucun site, ni village, ni medina. En fait, aucun plan budgétaire n'a été établi. La commission nationale n'est pas définie non plus.

Au niveau de la connaissance, elle n'est pas complète. Certains sites ne sont pas en core couverts par l'inventaire.

On note également une régression du nombre des chercheurs et techniciens spécialisés.

Il faut savoir être efficace rapidement, que les autorités et les associations puissent être réactifs et bouger rapidement.

Financièrement, en raison du besoin grandissant des localités et du tourisme culturel, le budgets sont insuffisants.

Le droit au patrimoine fait partie intégrante de la constitution européenne. En Afrique, le Congo et Guinée bissau seulement.

L'enseignement du patrimoine est quasi-inexistant : à Dar Lasram, les visites scolaires viennent 8 fois sur 10 des écoles étrangères. Aujourd'hui, les étudiants ne connaissent rien à l'architecture et au patrimoine. Le problème est donc d'abord culturel. Il faut réapprendre le patrimoine à travers l'histoire authentique de la Tunisie qui ne nie pas ses origines, ainsi qu'avec l'éducation des enfants.

Ahmed Trabelsi, président de "Patrimoine & Environnement" évoque l'idée d'une chasse au trésor, qui pourrait s'appeler "la chasse au petit patrimoine" pour que les enfants puissent interagir en lançant une énigme sur le net concernant le patrimoine, puis la retrouver dans la Medina et prendre une photo souvenir.

Plus de photos ici

ASSOCIATION TUNISIENNE PATRIMOINE & ENVIRONNEMENT
23, Rue Tahar Ben Achour, Khaznadar 2052 Den Den Tunis
Email : cafepatrimoine.atpe@gmail.com 

Propos recueillis par Isabelle Enault (www.lepetitjournal.com/tunis) jeudi 3 octobre 2013

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Publié le 3 octobre 2013, mis à jour le 27 décembre 2013

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