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CULTURE - Exposition "Tableaux noirs" à la Chapelle de l'IHEC Carthage

Écrit par Lepetitjournal Tunis
Publié le 22 juin 2012, mis à jour le 20 novembre 2012

<Tableaux noirs>  est un recyclage artistique de 13 tableaux noirs placés autrefois dans les salles de classe, remplacés désormais par des tableaux blancs. Dons des artistes à l'IHEC, ces tableaux noirs traduisent l'appréhension historique ou actuelle, politique ou sociale, introvertie ou interactive, pédagogique ou documentaire de ce qui reste le principal outil de diffusion du savoir : le tableau

 

 

Il en est ainsi (en longeant le mur de droite d'abord) :

1. De l'?uvre de Saber Sahraoui (Centre des Arts Vivants de Rades), illustration d'une leçon de citoyenneté où le professeur initie l'élève à l'actualité/ destin de son pays, point de départ à tout engagement citoyen.

2. De « Lampedusa », ?uvre de Meriem Bouderbala (Galerie Ammar Farhat, Galerie Patrice Trigano), hommage à ces Tunisiens en quête d'espérance, partis en masse au lendemain de la Révolution.

"La révolution et la misère ont jeté à la mer des milliers de Tunisiens. Ceux qui ont survécu ont été recueillis puis recensés sur les tableaux noirs des écoles de l'île de Lampedusa. Des Tunisiens dont on ne parle jamais dans les environs de Carthage restent dans la misère et sans papiers pour fuir vers un ailleurs improbable. Paradoxe édifiant, le peuple se noie pendant que d'autres?". Meriem Bouderbala.

3. De l'?uvre de Hela Djebby et de Mohamed Slim Drissi (Centre des Arts Vivants de Rades), et sa représentation de la problématique de l'excision à travers :
? une paire de jambes plâtrées,
? appartenant à une jeune fille, adolescente, portant des espadrilles Converse,
? protégeant son intimité,
? tentant de traverser le tableau (comme pour venir à la Lumière),
? retenue par une main (comme pour être maintenue dans l'Obscurantisme).

Une tentative de fuite désespérée qui semble trouver un dénouement heureux en un titre à la foi inébranlable : « Wa Khitanouha Misk ».

4. De « Rose Garçon » de Nadia Jelassi (Kanvas Art Gallery, Galerie Ammar Farhat), cédant la place à Rania, Chedli, Yassine et à leurs graffitis qu'accompagnent trois photographies grandeur nature (comme pour nous aider à mieux nous projeter dans leur réalité). Celle de droite représente deux enfants, tenant entre leurs mains les outils pédagogiques classiques que sont la règle, le pinceau, l'ardoise. Les autres illustrent deux écoliers d'une école d'El Menzah : une fillette, au tablier rose, portant une ardoise où il est écrit «waladonn «  (garçon en arabe), et un garçon, au tablier bleu, portant une ardoise où il est écrit « bintonn » (fille en arabe).
Peut-être un renvoi à la mixité à l'école, objet de débat entre laïques et conservateurs, ou à celle que l'on porte en nous?

5. De « Îlm, Horeya, Karama, Wataneya » de Mohamed Ben Soltane (Kanvas Art Gallery, Galerie Ammar Farhat), manif' en noir et blanc, traduisant un soulèvement de la rue contre les injustices du « Système » (« Université ou Usine à chômeurs », «Que Dieu s'en prenne à l'ordinateur qui m'a orienté », « Nous voulons une Réforme », « Vive la triche »), énoncées sous une devise aux accents révolutionnaires.

6. De « Dis-moi ce que tu manges, je te dirais qui tu es » de l'artiste plasticienne Hela Lamine (Kanvas Art Gallery, Galerie Ammar Farhat). ?uvre, qui outre le poster pédagogique expliquant l'emplacement des pièces de viande composant un veau/ boeuf, pourrait refléter le tracé, sur le macadam, d'une scène de crime tragique. Les notifications cyniques placées ici et là, du type « Je t'aime mais j'ai faim » et « Chérie, qu'est-ce qu'on mange ce soir », indiqueraient la nature passionnelle du crime commis. Rissolée, épicée, touillée, cuisinée, la viande aimée semble se mêler à une segmentation d'usages dont certains peuvent nous sembler de mauvais goût (le c?ur serait une viande à découper en 4 tranches égales !).

7. De la leçon d'Histoire de Ahmed Akkari (Centre des Arts Vivants de Rades), série d'hiéroglyphes, illustrant, comme du temps des Pharaons, des scènes de guerre, de sacre ou de deuil d'une civilisation qui se raconte. Il s'agit pour l'artiste de l'Histoire de la Civilisation Arabe, ponctuée par deux grandes périodes : un âge d'or, une période de gloire mise en relief par un cadre doré imposant, puis une dépression, période noire, symbolisée par une démonstration mathématique sur fond noir d'une pente descendante jusqu'à un « point final » sans appel. Non loin traîne une bouteille (bouteille d'alcool vidée ? Ou simple bouteille jetée à la mer ?) et un numéro de téléphone comportant un indicatif international (+216) posé là comme un appel au secours. Une nouvelle série d'hiéroglyphes s'écrit? (A suivre.)

8. De « Coupe d'ivresse », imaginée par Insaf Saada (Galerie Ammar Farhat), « le professeur », exécutée par Fatma Kilani, « l'élève ». L'?uvre déclinée montre en son centre un caducée du savoir (coupe recevant chiffres et lettres), forgé dans l'or, ceint d'une armée de crayons à « mines » défensives, pointées à l'avant, dans l'expectative des assauts imminents des ennemis du savoir.

9. De « Ecritures » de Ekram Tira (Centre des Arts Vivants de Rades), texte structuré autour d'un titre, de mots, de diverses ponctuations (virgules, trois petits points) s'achevant sur un point d'exclamation, véritable « coup de gueule » contre la société de consommation et son diktat. Les lettres, produits de grande consommation découpés dans du papier glacé (magazines), cèdent quelques fois la place à des fourmis, symbolisant des élégantes, matérialistes à l'apparence riche et soignée, stockant et accumulant à l'infini.
Les phrases se déclinent dans des couleurs distinctes : marron pour le sol, vert pour la végétation, orangé pour le soleil, blanc pour le ciel. Un ciel pur composé de produits hygiéniques comme l'eau, la Javel, et autres produits nettoyants, etc.

10. De l'oeuvre de Adnène Haj Sassi (Centre des Arts Vivants de Rades), axe en « Moins l'infini, Plus l'infini » d'une jeunesse au destin flouté, décliné en pointillés. Sous l'axe, se présentent une série d'ardoises disposées selon un ordre strict : une carte détaillée de la Tunisie, puis une série de crayons de couleurs surveillés par deux crayons à l'habit noir, quelques ardoises vides, deux petites balles aux couleurs de deux équipes sportives rivales, l'Espérance de Tunis et le Club Africain, séparées par une ardoise vide. Puis, une série de craies blanches gribouillées de peinture noire, et un ensemble de pièces de monnaie, de celles utilisées par les écoliers pour mieux s'imprégner d'une équation complexe.

11. De « Abécédaire Pense-Bête » de Imed Jemaiel (Centre des Arts Vivants de Rades), traduisant une structure cognitive complexe, extensible (cadre en tirets), composée de pense-bête rappelant le rôle de la mémoire dans le processus d'apprentissage et le développement du savoir.
Ces pense-bêtes figent des pensées ou évocations à des lettres arabes et françaises, signalant notre appartenance à deux cultures, deux codes référentiels, deux univers distincts.
De tous les tableaux noirs, celui de Imed Jemaiel est le seul à être couvert de feuilles. Des feuilles quadrillées arrachées à des cahiers scolaires, opposant un refus catégorique à cette évocation à la lettre T, notée à l'encre noire où l'on peut lire « T. Tableau. La loi qui s'y écrit, s'efface aussitôt? ».

12. De « Touyour El Janna », de Aicha Filali (Galerie Ammar Farhat), représentant la mise en cage de petits oiseaux inoffensifs dans un formatage pensé, contrastant avec la liberté insolente de rapaces, charognards, oiseaux de la nuit, ou prédateurs, qui, hors la loi, n'hésitent pas à dépasser les limites du cadre. La porte ouverte des cages et la peur qu'ont les petits oiseaux d'en sortir, ajoutent au tragique de cette ?uvre pourtant colorée.

13. De « Leçons de choses » de Slimène El Kamel et Abdesselam Ayed (Centre des Arts Vivants de Rades), photo de classe nominative, représentant le groupe des artistes exposants relevant du Centre des Arts Vivants de Rades, dirigé par Aicha Filali. La « Nature morte » (Représentation d'objets inanimés, en l'occurrence une suspension lumineuse, un plat, une bouteille, un pichet, etc.), composant le haut du tableau semble faire office de titre ou fonction commune à tous ces individus représentant le Groupe du Centre des Arts Vivants de Rades. Un groupe dont l'expression sérieuse et figée détonne dans une figuration qui emprunte plutôt à la Bande Dessinée.

Fatma KILANI - Directeur des Stages et de l'Ouverture sur l'Environnement  - IHEC Carthage(www.lepetitjournal.com/tunis.html) vendredi 22 juin 2012

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Publié le 22 juin 2012, mis à jour le 20 novembre 2012

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