Édition internationale

La victoire en demi-teinte du parti libéral-démocrate (PLD)

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Écrit par Théophile Blondy
Publié le 26 juillet 2019

Le parti libéral-démocrate du premier ministre Shinzô Abe et son allié le « parti du gouvernement éclairé » (Kômeitô) ont réussi dimanche à conserver la majorité des sièges à la chambre des conseillers. Cependant il a manqué quatre sièges pour que les partisans de la réforme constitutionnelle atteignent les deux tiers de la chambre, condition indispensable à la mesure devenue le plus emblématique cheval de bataille du premier ministre.


La constitution japonaise est restée inchangée depuis 1947. Et pour cause : il faut réunir deux tiers des membres des deux assemblées du pays ainsi que la moitié des citoyens. Puisque c’était déjà le cas pour la chambre des représentants c’est devenu l’enjeu sous-jacent majeur de ces élections du 21 juillet. La chambre des conseillers compte 245 membres : il faut donc 164 sièges pour sécuriser les deux tiers des sièges. Sur les parlementaires qui conservaient leur place 79 étaient favorable à une révision constitutionnelle : il fallait donc que 85 des 124 sièges mis en jeu échussent à des partisans de la réforme. Ils n’en ont obtenu que 81. L’arithmétique n’étant pas des plus simples parce qu’il faut compter dans leurs rangs un parti habituellement classé dans l’opposition (le « parti de la révolution ») mais aussi des conseillers sans étiquette dont la position, puisqu’individuelle, n’est pas garantie.


Surtout, il n’est pas évident que le Kômeitô soit sur ce plan l’allié sans faille qu’imagine le PLD : selon deux enquêtes (respectivement des journaux Yomiuri et Nikkei) 60% des conseillers fraîchement élus du parti se déclarent résolument en faveur de la révision tandis que ce pourcentage tombe à 40 en ce qui concerne les adhérents. Le président Yamaguchi Natsuo lui-même est plutôt ambigu sur la question et plaide souvent en faveur d’une discussion discrète et policée sur la question. Même en admettant que la plupart des médias aient raison en tablant sur le soutien inconditionnel du Kômeitô le parti n’en sortira probablement pas indemne.


Les partis d’opposition qui n’avaient d’autre choix que de s’allier face au mastodonte bicéphale n’ont certes pas gagné mais ont infligé quelques blessures, qui pourraient bien infléchir le sens de la marche. Dans la circonscription d’Henoko (Okinawa), qui doit accueillir une nouvelle base américaine (déplacée de Futenma), leur candidat opposé au projet a battu celui du gouvernement. De même dans la préfecture d’Akita où l’installation d’un système de missiles balistiques anti-aérien (Aegis Offshore) est prévu par le gouvernement.


Le parti démocrate constitutionnel, l’opposant le plus clair au PLD parmi les partis d’une certaine taille, a presque doublé son nombre de sièges ; le Reiwa Shinsengumi farouche contempteur de la politique d’Abe et plus généralement de celle de son parti depuis 30 ans a réussi à obtenir 2 sièges, ce qui n’a l’air de rien mais revient à presque la moitié de ceux du parti démocrate du peuple, il y a 2 ans encore le parti d’opposition principal, ce qui est surprenant pour un parti qui n’a que 3 mois d’existence. Le PLD lui-même a perdu 9 sièges : c’est son allié le Kômeitô qui est dans une phase ascendante (+3 sièges) mais nous avons vu qu’il n’était pas forcément sur la même longueur d’onde quant à la constitution et la politique étrangère. 


Bref, malgré une victoire incontestable le parti libéral-démocrate du premier ministre régresse, probablement parce qu’il peine à convaincre sur les axes majeurs que sont la réforme constitutionnelle et la gestion de l’équilibre géopolitique de l’Asie orientale.
 

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