On vous a parlé de l’évènement de musique électronique "Electroman" qui se tient à Kagurazaka régulièrement. Aujourd’hui on prend un café avec l’un de ses fondateurs, le musicien Emergency Oxygen. Merci à lui d’avoir accepté cet entretien !
Que faisais tu avant de t’intéresser à la musique ?
Vers 20 ans j'ai commencé à bosser au club de foot de Metz pour m’occuper de leur site internet. Pendant 6, 7 ans je faisais des interviews, je suivais l'équipe en déplacement, j’étais en charge du site que j’ai redesigné et développé. Je me suis formé sur le tas à l’écriture, bien aidé par mon premier collègue, Jean-Marie Schiffmacher, qui était un ancien journaliste, malheureusement aujourd'hui décédé. Au bout de 6, 7 ans j'ai eu l'impression d'avoir fait le tour.
A côté de ça j’avais toujours eu envie de faire de la musique, mais je ne savais pas comment démarrer. La musique électronique y a pas une façon de faire particulière, chacun a sa façon de faire. Il y a tellement d'instruments, tellement de softwares, c'est hyper technique et complexe. Je n’avais pas de mentor, je ne connaissais personne qui faisait de la musique électronique.
Ton arrivée à Tokyo à agit comme un déclencheur ?
J’arrive à Tokyo à 30 ans. Un soir je suis en boîte et je rencontre quelqu'un qui était dans une école de production musicale, l’IDPS (International DJ and Production School). Je me suis dit, c'est exactement ce dont j'ai besoin pour me mettre le pied à l'étrier. A partir de là, je suis allé dans cette école tous les samedis. Le cours de DJ était plein, mais les cours de production, apparemment n’intéressaient pas plus que ça. On était trois étudiants.
Le prof était génial, il parlait français, anglais, japonais, il donnait le cours en trois langues. Pendant un an il t'apprend comment faire ta musique par toi-même, l’aspect artistique bien sûr, mais surtout la technique afin d’acquérir de bonnes bases. Après c’est à toi d’approfondir par toi même tes connaissances.
Comment la musique électronique est-elle perçue au Japon ?
J'ai l'impression qu'au Japon les styles les plus populaires sont la techno et la trance. Il y a également pas mal de trucs expérimentaux comme la "noise music". L’électro "à la française" n’existe pas tellement.
Je ne dirais pas que la French Touch a disparu, mais je pense que son influence a diminué. Le style musical existe toujours, il est simplement moins connu à l’étranger. Le fait d’être français pouvait peut-être t'aider à une époque à te vendre ici. Mais aujourd’hui personne ne vient te chercher parce que tu es Français. Et il n’y a pas non plus, du moins à ma connaissance, une “communauté” Française de la musique électro au Japon.
Est-ce qu’il y a beaucoup d'opportunités pour les musiciens de faire de la scène ici ?
C’est un peu une question de contacts. Moi, ma première scène, c’était grâce à un mec qui faisait des fêtes techno house. Il m’a juste dit “tu peux jouer dans ma soirée”, et ça s’est fait comme ça, sans test préalable. C'est à toi de démarcher, de rencontrer les gens. Personne ne va jamais te contacter ou t'envoyer un email.
Par contre c’est assez ouvert. Si tu vas dans un club ou un bar et que tu demandes à jouer, il y a des chances que ça suffise. On va te passer en début de soirée lorsqu’il y a moins de monde dans la boite. On juge de tes capacités à ce moment là et si ça s'est bien passé on te proposera peut être des horaires de passages plus intéressants la fois suivante.
Sur quoi travailles-tu ces derniers temps ?
Il faut savoir que je suis web designer à mi-temps, le reste du temps je le consacre à la musique. C’est pas toujours évident parce que le boulot de freelance c’est souvent par vagues. Récemment, on a lancé l'évènement Electroman. J'ai aussi sorti un album, “Expension”, en avril 2022. J’ai utilisé le Covid et le fait d’avoir moins de travail pour finir cet album. J'avais tout un tas de morceaux qui étaient "en cours" pendant des années et c'était l'occasion ou jamais de les reprendre. Avoir de nouvelles idées c’est facile, mais terminer, avoir un produit fini, c’est dur. Mais j'y suis arrivé !
On a également profité du Covid pour tourner un clip au morceau "Dance with me" en février 2022 avec un réalisateur français, William Galopin.
Tout s’est accéléré cette année. J’était très occupé à faire la promo d’Electroman, à trouver des concerts, etc. Du coup ça fait presque un an que je n’ai pas fait de morceaux. Maintenant que les choses sont un peu rodées, j’aimerais vraiment me poser et refaire de la musique. Mais c’est un peu effrayant de penser au temps que cela prend de faire un album, donc je ne dirais pas que c'est mon but actuellement. Pour l'instant je veux juste expérimenter, essayer des techniques de production différentes et retrouver le plaisir pur de créer de la musique.
On connait déjà tes inspirations musicales, c’est quoi tes inspirations littéraires, cinéma, vidéoludiques etc ?
Plus jeune j’étais à fond dans la science-fiction. Je regardais les séries bien kitchs des années 90 comme X-Files. Mais le truc qui m'a fait tomber amoureux de la musique électronique c'était un jeu vidéo sur Playstation : Wipeout.
C’était un jeu de course de vaisseau spatiaux. Tu pouvais tirer sur tes adversaires, pour les ralentir ou les éliminer. Une sorte de “Mario Kart” mais cyberpunk quoi ! La bande-son c'était tous les trucs électro de la fin des années 90 / débuts 2000 : Daft Punk, The Chemical Brothers, The Prodigy.
C'est drôle car en y repensant il y avait un lien avec le Japon. Quand je jouais à Wipeout, je pensais qu’ils avaient inventé un faux langage parce que je n’arrivais pas à lire ce qu’il y avait dans les décors du jeu des mots que je croyaient inventés et qui remplaçaient le traditionnel "start" ou "play". C'est en venant au Japon que j'ai compris qu’en fait ces signes mystérieux...c'était des katakana.
Comment est-ce que le Japon nourrit ta musique ?
Peut-être, mais pas énormément jusqu'à maintenant. Je suis sans doute pas mal influencé par les musiques de jeux vidéo, dont celles des jeux vidéos japonais. Ces influences ne sont pas conscientes.
Mais je pense que le Japon va d'avantage nourrir mes prochaines productions. J'ai toujours voulu utiliser les sons de Tokyo. Les magasins, les annonces en gare, toutes ces choses qui sonnent parfois un peu kitch mais qui sont tellement japonaises.
Le jour de mon arrivée ici, c'est ce qui m'avait marqué. J'ai toujours voulu faire un morceau qui représente ma sensation de ce premier jour à Tokyo, mais je pense que je n'avais peut-être pas la capacité technique de le faire avant.
Des conseils pour écouter de la musique électro à Tokyo ?
Mon conseil numéro 1 c'est de ne pas se contenter d'aller dans les grosses boîtes. En tant qu’étranger tu vas avoir le réflexe de te rendre au WOMB ou à ZERO TOKYO parce que ce sont des grosses enseignes, facile à trouver. Il faut plutôt essayer d'aller dans les petites soirées parce que le la scène indé à Tokyo c'est hyper actif, hyper varié, il y a plein de soirées sur super intéressantes ! Il faut y aller au pif quoi.
C'est peut-être difficile à trouver car les Japonais aiment bien ce côté exclusif, caché, mais c’est aussi ce qui fait le charme de ce genre de soirées. Après quand tu es résident tu as le temps pour ça. Pour les visiteurs de passage, cherchez More than Music ou la soirée Berlin le jeudi soir à Shibuya, ce sont de bonnes portes d’entrée pour les soirées musiques à Tokyo
Retrouvez le travail d’Emergency Oxygen sur son site internet et sur ses réseaux.
Et rendez vous à Kagurazaka pour la prochaine soirée Electroman !
Photo de couverture ©Monkee Music Media