Le 21 Février 2024, Lepetitjournal.com a pu participer à une conférence inédite proposée par Matthieu Séguéla au National Art Center de Tokyo: “Matisse aux couleurs du Japon”. Dans cet article, nous vous proposons une synthèse de cette intervention. Largement inspiré par le monde oriental comme beaucoup de peintres de son époque, Henri Matisse (1869-1954) a tissé des liens forts avec le Japon. S’il on peut retrouver des influences de l’art japonais dans le mouvement fauviste initié par le peintre, les japonais se sont aussi rapidement épris de ses œuvres. L’amour partagé entre Henri Matisse et le Japon reste pourtant très peu connu du public. Si l’admiration du peintre pour l’Asie a été évidente le long de sa carrière, la découverte des œuvres de Matisse par le public japonais ne s’est faite qu’en 1951 lors d’une exposition organisée à Tokyo et à Osaka.
Le Japon dans les oeuvres de Matisse
Henri Matisse, un peintre “japoniste” ? Comme beaucoup de ses homologues, le français avait un goût particulier pour l’art japonais. On retrouve sur diverses archives photographiques des objets d’arts tels que des potiches japonaises ou encore des théières intégrées dans le décors de son atelier.
Tout comme son maître Gustave Moreau, l’influence du Japon sur ses œuvres découle de cet émerveillement.
Henri Matisse traduisait son amour pour le Japon dans l’amour qu’il éprouvait pour sa femme. Quelques-unes de ses oeuvres telles que La Japonaise au bord de l’eau (1905) et Madame Matisse en japonaise (1901) mettent en scène des femmes japonaises imaginaires qui ne sont en réalité que les représentations de sa propre femme. Certains de ses amis comme André Derain dans Madame Matisse (1905) n’ont d'ailleurs pas hésité à reproduire cette image nipone de Madame Matisse. Cependant, le peintre fauviste ne s’est pas limité à la simple représentation de sa propre femme. Le dessin Margot en robe japonaise (1915) et la peinture L’idole (1906) en sont des exemples.
L’influence du Japon dans les œuvres de l’artiste peut parfois être moins flagrante et reste plutôt propre à l’imagination de chacun. Ainsi, certains trouveront dans le tableau Intérieur, bocal de poissons rouges (1914) des éléments propres au Japon tels que le tatami ou certaines utilisations de couleurs spécifiques.
Enfin, certaines productions sont volontairement inspirées du Japon et découlent d’une étude plus précise de la région et de ses objets. C’est ainsi qu’Henri Matisse a confectionné les costumes de scène pour la pièce Le chant du Rossignol en analysant minutieusement les masques asiatiques présentés au musée Guimet.
L’admiration réciproque des Japonais pour le peintre français
L’admiration de Matisse pour le Japon a très rapidement été réciproque. Au début, seul un cercle restreint pouvait contempler le travail de l’artiste grâce à la publication de quelques revues comme Marronnies, Mizu et Shirakaba.
Par la suite, de nombreux artistes japonais se sont inspirés des couleurs et formes du peintre français: Ikuma Arishima dans son travail Nature morte, Tsuguharu Foujita à travers son œuvre Nu dans le style de Matisse ou encore Hayashi Tadamasa et Ryūzaburō Umehara.
Les œuvres de Matisse figuraient également sur les cartes postales et de nombreux collectionneurs tels que le couple Fukushima. Ces mécènes organisaient des expositions en son nom et finançaient de nouvelles revues d'art. Autre fait intéressant, la construction de la chapelle du Rosaire de Vence a notamment été financée par des Japonais.
Pourtant, malgré ces liens forts, Henri Matisse ne s'est jamais rendu au Japon. Il a cependant tissé de nombreux liens avec des artistes japonais tels que Saneatsu Mushanokoji, Yoshio Aoyama, Inosuke Hazama et Genichiro Inokuma. Après avoir exposé son travail au musée Ohara à Kurashiki au Japon pour la première fois à travers son œuvre Margot ou la fille de l’artiste, il réalise sa dernière exposition en 1951 au Musée National d’art de Tokyo. Une exposition a alors été organisée en son honneur au musée Bridgestone à sa mort en 1954. Aujourd’hui, Henri Matisse est toujours présent dans les rues de Tokyo (Café Madu).
Lepetitjournal.com remercie mille fois Matthieu Séguéla pour ses recherches précises et passionnantes qui permettront à nos lecteurs de percer le mystère franco-japonais du peintre et sculpteur Henri Matisse !