Se plonger dans le monde des courses de chevaux, des jockeys et des turfistes fut une expérience très enrichissante pour la rédaction de lepetitjournal.com Tokyo. Un monde qui fascine mais que l'on connaît peu, tout compte fait. Nous avons rencontré Ryan Curatolo, jockey français de 25 ans qui vit son rêve de fouler le sable et le gazon des hippodromes nippons.
Dynamique et pétillant, Ryan est un garçon qui communique sa passion. Toutes ses anecdotes s'accompagnent de sourires et d'exaltation. Il aime les raconter à ses interlocuteurs, curieux de son univers et de son mode de vie. Car oui, ce monde fascine et interpelle, et en savoir plus sur les coulisses de ce sport nous fait prendre conscience des sacrifices et de la force mentale dont doit faire preuve un jockey pour arriver au top. La carrière de Ryan est déjà longue pour son âge. Dès ses quatorze ans et jusqu’à ses dix-huit ans, il s'engage en tant qu'apprenti jockey à Chantilly, lieu de prestige et de fascination. Sa route l'emmène ensuite traverser l'Atlantique pour New-York, où il passera trois ans avec Patrick Biancone, entraîneur réputé qui le prendra sous son aile. Le rêve américain prend forme et Ryan enchaîne les courses et les victoires (185 courses lors de son passage sur les terres de l'Oncle Sam). Il sera champion des apprentis jockeys à New-York ainsi que vice-champion sur tout le territoire.
Une vie intense et palpitante qui cache également un don de soi tout particulier. Ryan ne doit ainsi donc jamais dépasser les 54 kg à la pesée (avec le matériel) avant une course, sous peine de pénalités importantes. Les journées d'entraînement et de courses sont aussi dictées par un emploi du temps draconien qui laisse peu de temps aux loisirs et à la flânerie. Généralement, de 5h00 à 8h00, les jockeys s'entraînent avec leur monture avant de concourir de midi à 20h00. Au Japon, particulièrement, les soirées dans les centres équestres et les écuries, lors de semaines cruciales, se soldent par un isolement du monde extérieur, le portable confisqué. On aime protéger son champion dans le monde des courses.
De Macao à Tokyo, l'aventure continue
Après la chevauchée américaine et une blessure à la clavicule en 2011, Ryan profite d'une opportunité majeure de sa jeune carrière pour poser ses valises à Macao, en octobre 2013. Les courses hippiques y sont très développées et la péninsule est une excellente base pour pouvoir se rendre aisément à Hong Kong, à Singapour ou encore au Japon. Ryan nous explique alors le fonctionnement des gains lors des courses de chevaux. Le montant de la victoire et du classement est calculé en fonction des courses (prestigieuses, nationales ou encore régionales) et revient aux propriétaires des équidés qui partagent ensuite la somme selon les différents acteurs de leur entourage. Le Jockey touche ainsi 5% des gains finaux. La moyenne des courses peut alors monter jusqu’à dix ou douze par journée. Le rythme est effréné.
En juillet 2017, Ryan passe un examen à Singapour, tel un test grandeur nature. Sur un hippodrome exceptionnel, le jockey français exécute quatre courses dont deux qu'il gagnera. Un test concluant qui lui permet de faire grandir sa notoriété auprès des professionnels du milieu.
Le monde hippique japonais lui ouvre ses portes
"Je ne connaissais pas les courses au Japon", nous avouera Ryan. C'est un journaliste de la JRA (ndlr Japan Racing Association, l'association des courses nationales au Japon) qui contacte en premier Ryan. On lui propose alors de venir concourir dans les courses régionales, ici, à Tokyo, pour y faire ses preuves. Il n'est pas surprenant d'apprendre que les Japonais sont fous des courses hippiques et de l'univers turfiste, les sorties sur l'hippodrome en famille étant monnaie courante. Ryan s'envole alors pour le Japon en août dernier pour une durée de trois mois. Fasciné par ce que lui offre le début de son aventure nippone, Ryan profite de chaque instant, tout en étant extrêmement concentré sur les différentes échéances sportives.
Ryan nous raconte alors les rouages du monde hippique au Japon, méconnus du public non concerné par cet univers. Deux types de courses ont lieu au Japon : les courses nationales (gérées par la JRA) et les courses régionales. Deux licences différentes permettent de courir dans l'une ou dans l'autre. Ryan concourt actuellement dans les courses régionales pour y faire ses galons, et ainsi espérer un jour accéder au stade supérieur. Les courses de la JRA s'organisent les week-ends, contrairement aux courses régionales qui se tiennent en semaine et en soirée. L'expérience de Ryan tient pour l'instant toutes ses promesses. "Je suis le seul étranger parmi les jockeys de mon groupe", nous explique Ryan en souriant. Du fait du créneau de la JRA, ses jours de repos sont programmés normalement le week-end. Mais comme il a été dit précédemment, la semaine type ne lui laisse guère de temps libre. La communication extérieure est interdite à l'hippodrome et les horaires des entraînements n’autorisent aucunement les soirées tardives.
Il y a maintenant un mois, Ryan s'est rendu à Hokkaido pour y effectuer quelques courses. Il rencontra Monsieur Yoshida, l'un des plus importants propriétaires au Japon, également courtier et éleveur. Le jockey français gagnera une course pour ce célèbre propriétaire, un exploit qui pourrait se transformer en très belle carte de visite. Ryan ajoute alors quelques notions de clarification sur les strates qui composent l'univers hippique. "Il y a les propriétaires, les entraîneurs, les agents et les jockeys. Le but d'un jockey et de son agent est de pouvoir avoir un maximum de choix et ainsi, pouvoir sélectionner le meilleur cheval possible et augmenter ses chances. C'est un travail de relation entre l'agent et le propriétaire qui essayent de trouver un terrain d'entente pour les prochaines courses. En tant que jockey, je peux découvrir mon cheval le jour J." Un bon jockey peut espérer courir avec de bons chevaux.
La passion du cheval au pays du Soleil-Levant
"Je me sens privilégié", nous explique Ryan. Le jockey a un statut particulier au Japon. Ryan le ressent au quotidien, autant autour des courses que dans la vie de tous les jours. Les Japonais sont de véritables passionnés du monde hippique. L'intérêt est même grandissant. "Aujourd'hui, 40% du marché mondial des paris turfistes sont alloués au Japon", ajoute Ryan. Ce qui en fait le pays qui parie le plus sur les chevaux au monde. La demande d'autographe n'est pas rare pour le jockey français et les médias locaux lui ont déjà passé le micro plusieurs fois. Il faut dire que la France a le vent en poupe au Japon grâce à un illustre champion : Christophe Lemaire. Ce jockey français, de 38 ans, possède un très beau tableau de médailles au Japon, ce qui assure un joli coup de projecteur sur l'univers hippique à la française. Un chemin qu'aimerait évidemment suivre Ryan qui attend, avec beaucoup d'impatience, la 37ème Japan Cup qui se tiendra le 26 novembre prochain. 648,000,000 yens composent le montant global des gains, dont 300,000,000 pour le grand vainqueur. Une somme astronomique qui laisse rêveur. Ryan n'en est évidemment pas à ce stade, mais son parcours japonais laisse entrevoir une véritable opportunité de longue carrière dans les hippodromes nippons. "J'ai déjà remporté six courses en septembre", nous glisse le jockey français.
Ryan ne veut pas courir pour courir, juste pour l'appât du gain. Ce qu'il aime dans son métier, c'est de pouvoir choisir la belle opportunité de course et ainsi travailler son ratio taux de participation / taux de victoires. C'est comme cela qu'il souhaite se faire connaître des entraîneurs. Son agent japonais, Monsieur Takai, l'épaule au quotidien dans cette direction. Pour Ryan, la qualité prime sur la quantité. "J'essaye de travailler mon image, pour donner une belle image de la France". Il essaye également d'apprendre le style de monte différent des Japonais et leurs techniques. "C'est un échange au quotidien, l'apprentissage d'une nouvelle culture", ajoute Ryan. Bien sûr, quelques difficultés peuvent apparaître, surtout dans un pays étranger aux règles changeantes. "S'adapter à un pays étranger, dans le monde des courses, peut être assez dur".
Distingué par le Trophée Jeune Espoir lors des Trophées des Français de l'étranger organisés par lepetitjournal.com en 2016, Ryan est un jockey intelligent et brillant qui saura réaliser ses plus grands rêves hippiques. Son aventure japonaise doit se finir bientôt, mais Ryan a "très envie de revenir dans le pays et d'y monter les échelons petit à petit". La suite ? Elle se passera à Singapour, où Ryan déposera ses valises le 26 décembre prochain. Il devra d'ailleurs rapidement refaire ses preuves via des entraînements et des courses test en janvier. Une fois accepté par le jockey club, il pourra lancer sa carrière dans ce nouveau pays..., qui sera ponctuée de nouveaux tests tous les trois mois "pour savoir si je peux rester". On souhaite à Ryan une carrière remarquable aux quatre coins du monde, et tout spécialement... au Japon.