Chaque année, nous mettons en lumière des récits d’expatriation et de vie à l’étranger. Tokyo n’attend personne, de Léa Bouzit, s’inscrit dans cette veine, mais avec une profondeur inattendue. À première vue, on pourrait croire qu’il s’agit d’un roman sur la musique, les stars… mais très vite, le lecteur comprend qu’il s’engage dans un voyage intérieur, intime. Rencontre avec une autrice pour qui Tokyo a tout changé.


Tokyo n’attend personne raconte l’histoire d’un jeune expatrié français, Elliot au cœur de la ville japonaise, dans les entrailles de Kameido. Il a plusieurs mois devant lui dans le cadre d’un visa vacances travail et se donne l’objectif de proposer une chanson à un groupe tokyoïte qui puise ses racines dans le funk, la soul et le disco et qui l’inspire beaucoup : Machida. Mais quelque chose semble le bloquer, comme un passé pesant qu’il a fui en quittant la France…
Depuis mon balcon, je voyais la Skytree. C’était mon phare. Elle est sur la couverture de mon second roman Tokyo n’attend personne."
Un voyage sans plan, une révélation artistique
En 2023, à l’âge de 28 ans, Léa Bouzit décide de partir à Tokyo en visa vacances-travail (VVT) sans projet précis, mais avec le désir de se recentrer sur elle-même. confie Léa Bouzit. La jeune fille connaît déjà la capitale japonaise “Mais cette fois, j’étais seule. Et Tokyo m’a mise face à moi-même”, nous confie-t-elle.
Dans cette ville foisonnante de sons, de lumières, mais paradoxalement où l’on peut se sentir seul, Léa découvre un rythme nouveau. “J’étais logée dans la partie basse de la ville, peu touristique. Je marchais des heures dans ces ruelles traditionnelles. C’était hypnotisant. Et depuis mon balcon, je voyais la Skytree. C’était mon phare. Elle est sur la couverture de mon second roman Tokyo n’attend personne." Alors qu’elle écrit des articles en tant que rédactrice web, l’écriture romanesque s’impose : “Tokyo m’a inspiré un premier roman nommé Après la noyade, puis un second…”
Je voulais qu’Eliott ait réellement fait quelque chose de grave. Et je voulais que le lecteur se demande : à sa place, est-ce que je me serais pardonné ?”
Quand les musiciens des sous-sols deviennent des muses
La musique est très présente dans Tokyo n’attend personne. Ce n’est pas un hasard.Un jour, elle assiste à un concert : “les jeunes musiciens expliquaient qu’ils avaient visé le Fuji Rock Festival dès la création de leur groupe. Ils y sont arrivés. Ça m’a bouleversée. Cette nuit-là, je n’arrivais pas à dormir. À 4 heures du matin, j’ai écrit cette phrase : Tokyo n’attend personne. C’était le point de départ. Ils jouaient dans des sous-sols, parfois pour cinq personnes, mais ils chantaient avec une sincérité totale.” Pour Léa, ces performances deviennent des leçons de vie. “Un rêve ne se réalise pas d’un coup. Il se construit. Et eux, à leur manière, me montraient qu’il fallait continuer.” explique-t-elle l’auteure qui a choisi la quête d’un rêve en filigrane de son ouvrage. Le personnage d’Eliott, héros du roman, résonne, sans être le miroir de Léa Bouzit : “Comme moi, il est un peu perdu, en quête de sens. Il se fixe un but et s’y accroche." L’écrivaine insiste, ce n’est pas une autobiographie : “Lui, il porte une vraie blessure que je n’ai pas. Mais à travers lui, j’ai grandi.” Le roman aborde un sujet délicat : la culpabilité…Pourquoi lui demande-t-on ? “Je voulais qu’Eliott ait réellement fait quelque chose de grave. Et je voulais que le lecteur se demande : à sa place, est-ce que je me serais pardonné ?”
Léa prévoit de repartir au Japon pour un séjour plus court, en touriste : “Refaire ce que j’avais fait : marcher, observer, écrire. Tokyo me nourrit.”

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Une trajectoire littéraire guidée par des lieux
L’un des lieux-clés du livre – Hikone, au bord du lac Biwa – existe bel et bien. Léa l’a découvert par hasard avec son frère et sa sœur. “Ce moment m’avait marqué, alors je l’ai utilisé. Cela rendait l’écriture plus vivante” confie-t-elle, pensant à la superbe akiya, une maison dotée d’une véranda et un pin majestueux décrite dans son second livre. Son premier roman Après la noyade, explore déjà des lieux chers au cœur de Léa Bouzit cette fois dans le Var, où elle vit. “ je raconte le passé à travers un acteur des années 50 et de sa fille, restée dans l’ombre.”
Des lecteurs m’écrivent pour me dire qu’ils ont connu ce sentiment de culpabilité que j’explore, et que le roman les a apaisés, un peu.
Le parcours de l’écrivaine n’a pas été simple, Léa a essuyé plusieurs refus d’éditeurs ; “Mes deux premiers romans n’étaient pas au niveau. Et tant mieux. L’écriture, c’est comme tout, ça se travaille.”. Aujourd’hui éditée deux fois, elle a des retours très touchants. “Des lecteurs m’écrivent pour me dire qu’ils ont connu ce sentiment de culpabilité que j’explore, et que le roman les a apaisés, un peu.” De retour en France après le Japon, Léa quitte son travail pour se consacrer entièrement à l’écriture de son prochain roman : “Ce sera un mélange de drame familial et d’horreur, toujours dans le Var. Mais le suivant se déroule à nouveau à Tokyo. C’est une ville qui m’inspire sans fin.” Le visa vacances-travail n’étant utilisable qu’une fois, Léa prévoit de repartir au Japon pour un séjour plus court, en touriste : “Refaire ce que j’avais fait : marcher, observer, écrire. Tokyo me nourrit.”
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