

Les différends territoriaux continuent de ressurgir en Asie de l'est, esclaves des échéances politiques à venir dans la région. Alors que des législatives anticipées risquent d'être bientôt organisées au Japon, des présidentielles doivent avoir lieu d'ici à la fin 2012 en Corée du Sud, tandis que le Parti communiste chinois prépare sa grande mue, n'incitant pas à mettre en sourdine les vieux conflits hérités de la Seconde guerre mondiale
Près de 70 ans après la capitulation du Japon, d'importants changements politiques en vue en Asie orientale font resurgir avec une vigueur accrue de vieux différends territoriaux hérités de la Seconde guerre mondiale, estiment des analystes. Depuis quelques semaines, ces vieux conflits entre Tokyo, Pékin et Séoul ont refait surface avec une vigueur accrue au fur et à mesure que s'approchent d'importantes échéances politiques tant au Japon, qu'en Chine et en Corée du Sud. Le moment est donc idéal pour les politiciens de battre le tambour, sinon de guerre, du moins nationaliste. Au moment où l'Asie a célébré le 67ème anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale, avec la capitulation du Japon le 15 août 1945, Pékin et Séoul ont exigé de Tokyo qu'il reconnaisse ses méfaits passés, et en ont profité pour remettre sur le tapis leurs revendications territoriales sur des îles.
Des différends persistants en Asie
Si la chute du mur de Berlin en 1989 a sonné le glas des divisions d'après-guerre en Europe, l'Asie n'a pas encore résolu ces questions, estime ainsi Takashi Terada, un spécialiste des questions Asie-Pacifique à l'université Doshisha de Kyoto. "Si l'Europe a plus ou moins réglé l'héritage de la guerre froide, ses effets sont encore visibles ici. Nombre de différends territoriaux existent toujours parce que, dans cette région, on repousse les décisions difficiles", poursuit-il. Pour Jia Qingguo, de l'Ecole des études internationales à l'Université de Pékin, les renouvellements des directions à Pékin et Séoul ne font que rouvrir et approfondir ces vieilles fissures. En Corée du Sud, on vote pour la présidentielle d'ici à la fin 2012, tandis que l'appareil communiste chinois prépare sa grande mue décennale avec le départ du président Hu Jintao et d'autres dirigeants de premier plan. Ces affaires de politique intérieure "n'inclinent pas les deux gouvernements à mettre ces questions territoriales en sourdine, au contraire ils doivent la jouer dure", poursuit M. Jia. Au Japon aussi le pouvoir politique pourrait changer: le Premier ministre Yoshihiko Noda va remettre en jeu son poste en septembre lors d'une élection interne à son parti et des élections législatives anticipées risquent d'être organisées avant la fin de l'année. L'avis de M. Jia est partagé par Wang Yu, de l'université chinoise de Hong Kong: "Actuellement, tout le monde doit être faucon, ils doivent montrer à leurs partisans qu'ils ne transigeront pas avec une puissance étrangère".
Le temps des provocations
Pékin et Tokyo se disputent ainsi un petit chapelet d'îles à 200 km au large de Taïwan. Elles sont désertes mais leurs eaux sont poissonneuses et leurs fonds pourraient receler du pétrole et du gaz. Le Japon les contrôle sous le nom de Senkaku, tandis que la Chine, ainsi que Taïwan, les revendiquent et les appelle Diaoyu. Mercredi 15 août, anniversaire de la capitulation du Japon impérial, des activistes pro-chinois ont débarqué symboliquement sur un des îlots pour y hisser un drapeau chinois avant d'être arrêtés par la police japonaise. Du côté sud-coréen, le président Lee Myung-Bak a débarqué la semaine dernière sur une île revendiquée par Tokyo: Dokdo pour Séoul, Takeshima pour Tokyo. Tokyo a rappelé son ambassadeur et envisage de suspendre toute rencontre bilatérale à haut niveau. Quelques jours plus tard, le même Lee Myung-Bak a prévenu que l'empereur japonais Akihito devrait s'excuser pour les atrocités de la guerre s'il voulait un jour venir en Corée du Sud. La tension régionale s'est aggravée avec la visite le 15 août de deux ministres japonais au sanctuaire Yasukuni de Tokyo, symbole en Asie du passé militariste nippon, une première en trois ans. Depuis 1978, les noms de 14 criminels de guerre ont été ajoutés à ceux des 2,5 millions de soldats dont la mémoire est honorée à Yasukuni. Une valse des Premiers ministres (six en six ans) semble éroder la stature diplomatique du pays et l'affaiblir dans ses "querelles de voisinage" et, selon Takashi Terada, les voisins de l'archipel "pensent que le Japon ne peut pas répliquer même s'ils font monter la pression". Pourtant, un professeur japonais d'études asiatiques à l'université sud-coréenne Yonsei n'exclut pas un risque de confrontation avec la Chine, si la vague nationaliste grossit au Japon. "Le Japon peut très bien déployer ses forces maritimes d'auto-défense" car "s'il perd les Senkaku, il perd une part importante de sa ligne de défense", estime Hideshi Takesada.
(http://www.lepetitjournal.com/tokyo.html avec AFP) vendredi 17 août 2012











