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3 QUESTIONS – Matthieu Séguéla, commissaire de l’exposition Clemenceau, le Tigre et l’Asie

Écrit par Lepetitjournal Tokyo
Publié le 24 septembre 2024

Commissaire de l'exposition Clemenceau, le Tigre et l'Asie, qui a lieu jusqu'au 16 juin au musée Guimet, Matthieu Séguéla revient pour Lepetitjournal.com sur la relation privilégiée qu'a pu avoir l'ancien parlementaire et journaliste avec le Japon, aussi bien intime qu'esthétique

Matthieu Séguéla présentant l'exposition "Clemenceau, le Tigre et l'Asie" dans un reportage du journal télévisé de TF1 du 13 avril 2014 (photo DR)

Lepetitjournal.com Tokyo:
D'où vient cet intérêt pour Clemenceau, et plus particulièrement son orientalisme?
Matthieu Séguéla: La figure et l'action de Clemenceau m'intéressent depuis longtemps : ses combats contre le colonialisme et l'antisémitisme, sa promotion d'une laïcité exigeante et ouverte, son autorité à la tête de l'État, son patriotisme dans la guerre et son souci de maintenir le rang de la France dans la paix. De son universalisme, le public a retenu ses positions en faveur des peuples à disposer d'eux-mêmes. En revanche, les historiens n'ont pas perçu que l'horizon de Clemenceau s'étendait jusqu'à l'Asie, un continent dont il admirait la diversité humaine, les philosophies védiques, chinoises ou bouddhiques ou encore la richesse artistique, particulièrement japonaise. Il faut comprendre que son orientalisme est un humanisme. Or Clemenceau a longtemps été maintenu dans le cadre étroit de l'histoire française ou européenne avec une grille de lecture manichéenne d'où n'émergeaient que l'homme d'opposition et le chef de guerre. Rarement l'esthète avant-gardiste, promoteur du dialogue des cultures et défenseur des civilisations extra-européennes.  

Dans quelle mesure Clemenceau a-t-il contribué à diffuser la connaissance de l'art et des civilisations de l'Asie auprès du public français ?
Dans une France très européo-centrée à la fin du XIXe siècle, il a aidé à une meilleure compréhension des civilisations asiatiques par l'intermédiaire de ses journaux (La Justice, L'Aurore, L'Homme libre?) dans lesquels il a fait publier ou écrit lui-même des textes sur l'Extrême-Orient. En tant qu'homme politique, il a soutenu la création du Musée Guimet en 1889, permis l'ouverture du département d'art japonais au Louvre  en 1893 et accompagné la naissance du Musée d'Ennery  en 1908. Comme collectionneur enfin, il a prêté des estampes à l'École des Beaux-Arts et fait exposer gratuitement ses céramiques japonaises ? dont 3 000 boîtes à encens appelées kôgô,  ? à Guimet et à d'Ennery durant 25 ans. Son amitié avec des Japonais, dont Saionji Kinmochi rencontré à Paris dans les années 1870, a développé un « japonisme » original, basé sur l'admiration de l'art, mais aussi l'estime des vertus d'un peuple artiste et prometteur. Ce n'est pas un hasard si, en 1907, Clemenceau signe un accord diplomatique avec le Japon de Meiji dont il admire la modernisation économique et les débuts démocratiques. Il veut accroître les liens entre la France et le Japon et il y parvient.   

Comment avez-vous fait connaître vos travaux sur Clemenceau et montré son apport dans les relations franco-japonaises ?  
Le rôle de l'ambassadeur Matsuura Kôichirô dans mon jury de thèse de Sciences Po et l'obtention du Prix Shibusawa-Claudel ont contribué à sensibiliser Japonais et Français à la modernité du message clemenciste dans la relation bilatérale. Ainsi, l'ambassadeur Christian Masset a baptisé du nom de Georges Clemenceau l'actuelle promotion des boursiers japonais du gouvernement français. Lors de sa visite d'État au Japon en juin 2013, le Président Hollande a cité dans son discours au Parlement les noms de Saionji et de Clemenceau comme symboles de l'amitié entre les deux pays. A cette occasion, j'ai pu l'entretenir de l'exposition "Clemenceau, le Tigre et l'Asie" et à son retour à Paris, le Chef de l'État a non seulement accordé son Haut Patronage, mais il a aussi signé la préface du catalogue. Il a également souhaité que le Premier ministre Abe Shinzô donne une préface, ce qui s'est réalisé, transformant en quelque sorte l'exposition du Musée Guimet en manifestation franco-japonaise. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si les arrières petits-fils de Saionji et Clemenceau s'y sont rencontrés lors de l'inauguration !
Propos recueillis par Quentin Weinsanto (http://www.lepetitjournal.com/tokyo) mercredi 23 avril 2014

Clemenceau, le Tigre et l'Asie
Jusqu'au 16 juin 2014
Plein tarif: 9,50 euros
Musée national des arts asiatiques ? Guimet
http://www.guimet.fr/

logofbtokyo
Publié le 22 avril 2014, mis à jour le 24 septembre 2024
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