À Noël, tout s’accélère : cadeaux, repas, préparatifs, obligations. Et si, cette année, on ralentissait un peu ? Et si l’on s’inspirait de la culture japonaise pour redonner au présent toute sa valeur, celle d’un instant fragile, imparfait, mais infiniment précieux ? Apprenons à savourer l’instant présent et l’éphémère !


Que laisserai-je
Pour relique ?
Au printemps les fleurs,
À l’été le coucou
À l’automne les feuilles rouges.
Ryōkan (1758-1831)
Le Japon, l’art d’aimer ce qui passe : mono no aware
Au Japon, la beauté réside dans ce qui ne dure pas. Les fleurs de cerisier, admirées parce qu’elles tombent vite, symbolisent le mono no aware, cette émotion douce devant la fragilité des choses. C’est une forme de tendresse envers le temps qui file : tout ce qui existe pourrait ne pas être, et c’est précisément ce qui le rend si beau.
« L’esprit d’aware on le trouve dans les sentiments qu’inspirent le soleil du matin, de printemps et de la tristesse qui nous envahit les soirs d’automne. Son sens originel, cependant, est celui de mélancolie douce qui peut se transformer en véritable chagrin. »
Shin'ichi Hisamatsu (1889-1980) philosophe et écrivain
La joie selon Charles Pépin : la grâce d’être là
Le philosophe Charles Pépin dit qu’il faut « se réjouir de la chance d’être vivant ». Pour lui, comme pour les Japonais, la vraie joie ne vient pas de l’accumulation, mais de la conscience. Un repas partagé, un sourire, un silence - chacun de ces moments est une grâce discrète, une existence fragile à laquelle dire merci.
Un Noël wabi-sabi : la beauté imparfaite
Dans l’esprit japonais du wabi-sabi, la beauté n’est pas dans la perfection, mais dans la simplicité et la sincérité. Un repas un peu chaotique, un sapin bancal, des éclats de rire, des larmes… tout cela fait partie de la vie réelle, pas idéalisée. Et c’est justement cette imperfection qui rend ces moments uniques, vivants, profondément humains.
L’impermanence comme sagesse : mujō
Les Japonais parlent de mujō, l’impermanence : tout change, tout passe. À Noël, ce principe prend une résonance particulière. Les enfants grandissent, certains visages disparaissent, les traditions évoluent. Mais au lieu de s’en attrister, on peut y voir une raison de savourer encore plus intensément ce qui est là, maintenant.
« L’accent mis par le bouddhisme sur l’évanescence du monde a une influence capitale sur toute la littérature japonaise. Cette identification avec la nature se retrouve dans le fait que le memento mori japonais n’est pas un crâne grimaçant mais l’image évocatrice de fleurs qui se fanent, des feuilles d’automne qui jaunissent, rappelant que tout ce qui est beau ne dure pas. »
extrait « La vie de cour dans l'ancien Japon au temps du Prince Genji » d’Ivan Morris
Le vrai cadeau

Et si le plus beau cadeau de Noël n’était pas sous le sapin, mais dans le moment lui-même ?
Cette présence au monde proche de la pratique zen de la pleine conscience (ichigo ichie « une fois, une rencontre »), où chaque geste, chaque rencontre, chaque instant est vécu comme unique comme le conseille le maître de thé Ii Naosuke (1815-1860) dans « Ichi-e shū » "Recueil de l’unique rencontre » :
« Le mot ichi.e, l’unique rencontre, est lourd de signification. C’est dire que, même si d’autres rencontres peuvent avoir lieu ultérieurement avec le même hôte et les mêmes invités, la rencontre d’aujourd’hui autour du thé ne se répétera jamais. Il s’agit donc de l’unique rencontre pour l’unique fois de sa vie. »
extrait « Comme la lune au milieu de l’eau » de Yoko Orimo, édition Le Prunier Sully
L’instant n’est pas à consommer, mais à habiter dans ce rire, cette main serrée, cette lumière qui vacille sur les visages aimés. Et le présent n’a pas besoin d’être chargé de l’ombre du futur. Ce qui nous fait comprendre Hirayama, incarné par le célèbre acteur Koji Yakusho, dans le magnifique film « Perfect day » de Wim Wenders lorsqu’il prononce cette phrase clé « Ima wa ima, kondo wa kondo »

L’instant présent, apprenons donc à le voir, à le ressentir, à l’aimer avec des yeux un peu plus… japonais.









