La réouverture d'un musée et sa visite en avant-première sont toujours deux événements marquants pour chaque amateur d'art qui sommeille en nous. Suite à d'importants travaux, le musée d'art métropolitain Teien de Tokyo a de nouveau ouvert ses (belles) portes au public le 18 novembre dernier. Une visite envoûtante qui fait immédiatement voyager le visiteur à travers les époques. Quand l'architecture Art déco au cœur de Tokyo se mêle à l'art contemporain des artistes actuels.
Histoire, culture et famille royale, le contexte du musée
Située dans l'arrondissement de Minato, à quelques minutes à pied de la station de Meguro, la résidence, qui abrite le musée, a été la propriété d'un membre de la famille royale : le Prince Yasuhiko Asaka. Le contexte de la construction de cette résidence est le reflet des étapes clés de la vie du prince. Alors qu'il étudiait en France en tant que membre du corps militaire en 1923, Yasuhiko, le huitième fils du Prince Kuni Asahiko, a été victime d’un grave accident de la route. Obligé d'endurer de nombreux traitements et opérations sur une longue période, sa femme, la princesse Nobuko, l’a rejoint à Paris pour être à ses côtés. Pendant leurs deux années passées dans la capitale française, le couple royal a visité l'exposition "Art déco" de 1925. Ensorcelés par les arts décoratifs, ils décident alors, de retour au Japon, de mettre tout leur cœur à la construction de leur propre résidence, en hommage à ce courant artistique.
Les plans globaux de construction sont pensés et dessinés par les membres assermentés des services de construction impériaux. Quant au design de la plupart des pièces intérieures, la France y a joué un rôle prépondérant. L'artiste et architecte d'intérieur français, Henri Rapin, a été recruté pour y apporter la touche française, dont le couple royal raffolait. Achevée en 1933, la résidence pouvait alors accueillir ses habitants. Malheureusement, en 1947, ayant perdu le statut impérial, Yasuhiko doit quitter les lieux. De 1947 à 1950, le site sert de résidence d'états aux premiers ministres du Japon puis, de 1950 à 1974, de lieux de villégiature pour les hôtes d'Etat. C'est en 1983 que la résidence ouvre ses portes au public, en tant que musée, pour obtenir, en 2015, la distinction d'Importante Propriété Culturelle du Japon. Le musée ferme ses portes en avril 2017 jusqu'à aujourd'hui pour différents travaux d'envergure, comme l'ajout d'un ascenseur pour que les personnes à mobilité réduite puissent accéder facilement au second étage de la résidence. Le musée est de nouveau prêt à accueillir les nombreux visiteurs, curieux de ce style Art déco en plein Tokyo.
Art déco versus art moderne
La première impression, qui domine la découverte du lieu, est le savant mélange des genres, merveilleusement bien orchestré par les artistes de l'époque. Bâtiment aux lignes occidentales entouré de jardins à la japonaise, le musée invite véritablement toutes les personnes, qui s’y rendent, à y pénétrer pour le découvrir. Au premier regard, l'entrée nous charme déjà : portes à la verrerie travaillée, lampe Art déco, splendide mosaïque au sol... L'œil ne sait plus vers quoi se diriger. L'entrée inaugure ce que le lieu réserve aux amateurs d'art. La touche artistique française est véritablement présente dans la quasi totalité des pièces du musée. Le travail d'Henri Rapin est exceptionnel. Que dire des œuvres de René Lalique qui prennent vie tout au long de l'exploration ? Les éléments classiques se mélangent avec les arts décoratifs, le bois se reflète dans le marbre. La multiplication des genres interpelle, sans être aucunement brouillonne. Chaque style se répond avec grâce. La fontaine iconique, en porcelaine de Sèvres, rappelle ainsi le faste du lieu. La décoration fait également écho à l'usage des pièces. C'est ainsi que l'on s'émerveille devant le travail colossal de la salle à manger, véritable hommage à la gastronomie, le lustre de Lalique reprenant la forme de fruits, par exemple.
Alors que les artistes français n'ont jamais pu se rendre au Japon (correspondance écrite et envoi des œuvres, parfaitement exécutées selon les besoins techniques des pièces), les artistes japonais de l'époque ont, quant à eux, pu travailler leur art directement dans la résidence, spécialement pour magnifier le second étage. Le mélange des genres continue dans une valse harmonisée qui s'amplifie de pièce en pièce. Le voyage dans le temps est également assuré pour le visiteur d'aujourd'hui. On s'éblouit du bureau du Prince, où le travail du bois touche la perfection. On s'émerveille de la salle de bains en marbre noir et blanc. On aime passer du temps dans les chambres royales à contempler les détails. Chaque pièce possède une atmosphère inédite et enchanteresse. Et depuis la réouverture du musée, une exposition d'art moderne s'expose au travers du lieu. L'opposition des styles est incroyable.
Du 18 novembre 2017 au 25 février 2018, l'exposition "Decoration never dies, anyway" envahit les lieux pour notre plus grand plaisir. Au mur ou au centre d'une pièce, les œuvres modernes côtoient celles des années 30. D'âges, de nationalités et de genres différents, les sept artistes se sont pris au jeu du challenge de la perception actuelle de la décoration. Le travail sur l'acier du belge Wim Delvoye répond aux chandeliers de Lalique. Les meubles fantasques de la néerlandaise Nynke Koster sont une réplique aux peintures murales. Chacun des sept artistes a su s'imprégner du lieu pour faire vivre ses œuvres dans un environnement unique en son genre. L'annexe du musée, ouverte en 2014, achève le voyage du visiteur par un espace moderne, qui peut accueillir des travaux artistiques plus volumineux et technologiques (projection visuelle, comme pour l'artiste Thai Araya Rasdjarmrearnsook). La visite du musée d'art métropolitain Teien de Tokyo offre, à chaque visiteur, une exploration des genres artistiques dans un cadre inédit. On en ressort conquis.
Informations sur le musée d'art métropolitain Teien de Tokyo :
Adresse :
5 Chome-21-9 Shirokanedai, Minato, Tokyo 108-0071
Horaires :
10h00 - 18h00
(Fermé le second et quatrième mercredi du mois)
Tarification :
1100 yens pour un adulte
880 yens pour les étudiants
550 yens pour les seniors (65 ans et plus)
Gratuit pour les enfants de moins de 12 ans ainsi que pour collégiens résidant à Tokyo
Gratuit pour tous le troisième mercredi du mois