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PORTRAIT - Carol Emold : une histoire d’Aliyah

Carol EmoldCarol Emold
Écrit par Lepetitjournal Tel Aviv
Publié le 24 octobre 2017, mis à jour le 24 juin 2017

Carol s'occupe de ce qu'on appelle le « tourisme médical » du célèbre hôpital d'Ichilov de Tel-Aviv. Elle y exerce les fonctions de « nurse coordinator » et de par son anglais parfait assure l'intermédiaire entre touristes de passage ayant besoin de soins médicaux et un personnel local ne maîtrisant souvent que l'Hébreu ou le Russe. Américaine, Carol a fait son Aliyah il y a presque vingt ans?

Carol est née aux Etats-Unis où elle a grandi et fait ses études d'infirmière, dans les prestigieuses universités de Columbia à New York et de Berkeley en Californie. Une étudiante sérieuse et talentueuse qui s'est vite fait une place dans la vie associative, elle fut ainsi élue student leader des deux universités, puis présidente du women's service honour society of the University of California at Berkeley. Une âme de dirigeante qui fait d'elle une personnalité jouissant d'une forte cote de popularité ; à peine diplômée, elle compte ainsi naturellement parmi les membres actifs des associations d'anciens élèves et dès lors invitée à de nombreuses événements à New York où elle trouve son premier emploi au Columbia Presbyterian Medical Center. A ses longues heures passées en blouse blanche à l'hôpital succèdent des nuits tardives qui riment avec fête et décadence. A 25 ans, Carol côtoie les grands de ce monde dans des soirées et de nombreux clubs privés et fréquente tout le gratin WASP grâce à son compagnon du moment, un riche héritier catholique de sang bleu qui lui ouvre les portes d'un monde jusqu'alors méconnu. L'histoire d'amour est belle et intense, le jeune docteur la demande en mariage mais à la condition qu'elle accepte d'élever leurs enfants dans la religion catholique. Cette condition n'étant pas en ligne avec la personnalité profonde et les valeurs de Carol, elle décide, avec beaucoup de chagrin, de mettre un terme à cette idylle pourtant sincère.

Peu après, la jeune femme fait connaissance avec le fils d'un ami de la famille, une relation épistolaire à distance puisque le jeune entrepreneur dynamique à succès vit en Californie. Puis tout s'accélère : il l'emmène en vacances à Paris pour la demander en mariage ; elle rompt alors son contrat à l'hôpital, quitte New York pour s'installer avec lui dans la banlieue de San Francisco avec le projet de préparer la noce. Mais très vite, les illusions cèdent place à la réalité : le futur époux est juif et jouit d'une belle réussite professionnelle, mais peu à peu elle lui découvre un nouveau visage qui manque de respect et ne voit pas d'avenir commun possible. Un matin après un geste indélicat de sa part, elle pose le gros caillou qu'il lui avait offert à Paris sur la table de la cuisine et fait ses valises. Elle s'installe chez ses parents quelques semaines avant de retrouver son indépendance dans un appartement seule.

Le retour en Californie coïncide également avec des épreuves familiales : la Maman de Carol tombe gravement malade d'une leucémie rare dont elle finit par se remettre mais c'est ensuite au tour de son père que l'on diagnostique d'un cancer foudroyant qui ne lui laissera que neuf mois à vivre. Après cette étape douloureuse, le besoin de changement se fait sentir, et de plus en plus clairement.

 

L'appel de la Terre ancestrale et l'Aliyah

De façon calme et posée, Carol fait le constat suivant : « En quelques mois je venais de perdre la famille que j'aurais pu fonder, mon père et j'avais quitté un travail passionnant à New York : je me sentais totalement misérable. Le jour de Yom kippour, jour de jeûne, je me suis mise à pleurer de l'intérieur, aucune larme ? c'est mon côté germanique - mais un fort bouleversement interne. Après avoir été prier à la synagogue, je suis rentrée. Je me suis alors allongée sur mon canapé, et j'ai demandé à Dieu ce que je devais faire? je me suis assoupie et une heure après, au réveil, j'avais ma réponse. »

Si Carol avait déjà fait de nombreux séjours en Israël et pensé en son fort intérieur à une éventuelle Aliyah, cette fois-ci, l'option lui apparaissait comme une évidence et la décision fut prise en un clin d'?il. Quelques cours d'Hébreu avec un jeune homme à qui elle offre un dîner en échange de conversation, une valise dans laquelle elle emporte une aquarelle d'un parent chéri, quelques bibelots, Carol arrive, billet en poche, dans un avion rempli de touristes américains où elle est la seule avec ce projet d'Aliyah.

 

21 juin 1997 : aller simple pour Tel Aviv

A peine arrivée à l'aéroport Ben Gourion où elle est accueillie*, rose rouge à la main, par le directeur général d'une boîte de High-tech qu'elle avait rencontré en Californie lors d'un de ses voyages d'affaires, la jeune femme aux idéaux et grands espoirs ne perd pas une minute : inscription à l'oulpan pour parfaire son hébreu et à la sécurité sociale tout en cherchant activement une chambre, puis un appartement où poser ses valises, au sens propre comme au sens figuré. Décidée à se refaire un réseau, Carol se joint à des cours de danse folk sur la plage, rejoint un groupe de marche et se réunit régulièrement avec de jeunes anglophones qu'elle rencontre au gré de ses pérégrinations. Tant et si bien qu'en une semaine elle a déjà quelques amis.

Côté professionnel, la belle doit malheureusement se confronter à une dure réalité et repasser une large partie de ses diplômes d'infirmière qui ne sont pas reconnus en Israël, malgré sa riche expérience aux Etats-Unis. Un moment de désillusion qui met son courage et sa détermination à rude épreuve ; c'est pourtant le prix à payer pour poursuivre sa carrière florissante. Après dix-huit mois d'études et de petits boulots pour payer ses factures, Carol obtient les crédits professionnels nécessaires et trouve son premier emploi à l'hôpital Ichilov de Tel-Aviv. Elle y commencera comme nurse coordinator dans le département de médecine du sport, puis deviendra infirmière responsable du projet de recherche avancée du département d'oncologie orthopédique, avant de devenir nurse coordinator au sein du service de tourisme médical où elle travaille depuis maintenant dix ans.

 

Les secrets d'une Aliyah réussie

Carol est ferme et n'a aucun regret, même si elle s'est heurtée à des défis inhérents à toute transition : formalités administratives, intégration, changement de culture et déracinement pour n'en citer que quelques uns. « La seule chose qui me manque vraiment, c'est mon salaire américain ! », blague-t-elle. Mais elle se reprend immédiatement : « Bien que j'y sois née, je ne me suis jamais totalement sentie chez moi aux Etats-Unis, j'avais toujours le sentiment de regarder ma vie à travers une fenêtre. Ici, en Israël, je me sens enfin vraiment chez moi ! »

Pour elle, la clé d'une Aliyah réussie, c'est de s'investir pleinement dans l'apprentissage de la langue, surtout les deux premières années. L'Hébreu doit devenir LA priorité sur tout le reste, et il faut considérer l'oulpan comme un emploi primaire.

Carol n'oublie pas non plus l'aide qu'elle a reçue lorsqu'elle a été confrontée à des difficultés, notamment de la part d'Israéliens seniors qui lui ont toujours été d'un formidable soutien, elle encourage d'ailleurs quiconque à fréquenter cette population d'une immense richesse et qui permet de véritablement s'imprégner de ce qui fait la substantifique moelle locale.

Israël est, comme elle aime à le répéter, « un petit pays qui se révèle être une grosse surprise ! », constitué de toutes ces âmes originaires du monde entier et de ses nombreux festivals, manifestations et fêtes religieuses. « Nous avons ainsi la chance de pouvoir chacun exprimer notre côté hybride : en arrivant ici, on devient Israélien mais on garde son héritage culturel, c'est formidable de pouvoir ainsi compter sur ces belles associations ».

 

Carol, les hommes et les projets

Entre ses amours déçus aux Etats-Unis et les hommes qu'elle a rencontrés ici, Carol dresse un constat sur la gent masculine : « Les Américains font de bons amis et ceux qui sont le plus éduqués m'impressionnent lorsqu'ils parlent business ou finance. » Toutefois, confie-t-elle, il semble leur manquer de romantisme. Des Israéliens, elle dira qu'ils sont dynamiques, charmants, irascibles, complexes, bref fascinants avec un réel sens de l'humour, tant et si bien que les relations en Israël ne sont pas toujours faciles et souvent très intenses. « Malgré les défis de la vie auxquels ils sont confrontés, nombreux sont ceux qui ont réalisé de grandes choses, dans le secteur de la High-tech ou de la médecine par exemple. Ils sont globalement de bons dirigeants et exercent une réelle influence dans le monde. Impressionnants. Ils sont nombreux à avoir une culture mixte et je réalise que je me sens vraiment à l'aise avec ces personnalités hybrides qui me ressemblent davantage, notamment des Israéliens ayant passé un moment de leur vie aux Etats-Unis, » conclue-t-elle.

 Si Carol ne cache pas que son rêve le plus cher est désormais de s'épanouir en couple et de fonder un foyer, elle ne se laisse pas abattre et, en attendant, continue de cumuler mille projets personnels et activités. La danse pour se détendre et s'exprimer mais également un autre projet artistique lié à la musique. Elle a à c?ur de convertir la jeune génération aux concerts de musique classique. Conjointement avec l'équipe marketing de l'Orchestre Philarmonique d'Israël, elle met actuellement au point un programme de mise en relation dudit département avec les organisateurs d'événements sociaux, dans le but d'attirer les jeunes dans les salles de concert. Un projet ambitieux et de longue haleine, mais la belle qui a surmonté toutes les difficultés de l'Aliyah n'en est pas à ses premiers défis !

* Si à l'époque il n'y avait pas tout cela, il existe aujourd'hui bon nombre d'organismes dédiés à l'accueil des nouveaux émigrants afin de faciliter leur intégration, comme par exemple Nefesh B'Nefesh, Keep Olim in Israel, Aliyah Angels ...

 

La recette de Carol

 

ROTE GRUTZE : dessert aux baies rouges, une recette héritée de sa grand-mère maternelle originaire de Baden Baden en Allemagne.                        

Ingrédients : 2 verres de fruits rouges surgelés (1 de framboises et une de cerises noires par exemple), 2 verres de baies rouges acides surgelées  type groseilles, cassis ou fraises des bois, ¼ de verre de liqueur de Cassis, 1 cuillère à soupe de Kuju japonais (marante en français, un épaississant qui peut venir remplacer la maïzena), 2 cuillères à soupe de flocons d'agar qui serviront de base pour la gelée, 2 cuillères à soupes de miel.

Préparation : verser les fruits et la liqueur dans une casserole et chauffer à feu moyen. Ajouter le Kuju et l'agar agar, bien mélanger et recouvrir. Porter légèrement à ébullition, puis éteindre dès que l'ensemble semble un peu sirupeux. Ajouter le miel et bien mélanger. Verser dans un bol en verre et laisser refroidir avant de recouvrir. Mettre au réfrigérateur jusqu'à dégustation. Servir très frais.

Dégustation : à savourer tel quel comme une sorte de pudding ou recouvert de crème Chantilly. On peut également en verser une cuillère sur de la glace ou des gâteaux type cheesecake, ou congeler la préparation pour en faire une version sorbet.

 

Raphaëlle CHOËL (www.lepetitjournal.com/tel-aviv) - dimanche 25 juin 2017

 

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Publié le 24 octobre 2017, mis à jour le 24 juin 2017

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