Stéphane Le Ruyet fait partie des cinq finalistes des Trophées des Français de l’étranger 2021 dans la catégorie Éducation, parrainée par le CNED. Lepetitjournal.com Stockholm a rencontré ce professeur de français pas comme les autres, qui vous met à l´aise pour pratiquer votre expression orale. Il crée notamment des expériences de vie à la française par le jeu.
Fabienne Roy pour lepetitjournal.com Stockholm : Racontez-nous votre parcours à l’étranger
Stéphane le Ruyet : J'ai débuté mon parcours au Vénézuela à l'Alliance Française de Caracas où j'ai fait mes premières armes et notamment enseigné à de nombreux adultes, avec chacun leur vécu et leur profil d'apprentissage. Hormis des objectifs intermédiaires bimensuels et un ouvrage fil-rouge pour nous guider, nous avions une totale liberté de techniques d'enseignement. J'y ai trouvé un terrain d'expression favorable à mon penchant pour l'innovation.
J'ai continué l'expérience par intermittence entre France et Amérique Latine, notamment au Mexique où j'ai débuté comme professeur de Français indépendant- avec toutes les affres et les bonheurs de la liberté d'entreprise. J'ai ensuite bifurqué pour une aventure espagnole en Murcie avant de rejoindre ma compagne en Suède. J'exerce désormais depuis plusieurs années à Stockholm, à travers notre entreprise Tailored French AB, et nous avons élargi année après année notre type de clientèle: du pré-adolescent qui n'a pas encore étudié le français à l'école, au professionnel de la géopolitique pour ses missions en Afrique francophone, en passant par des jeunes scolarisés, des adultes focalisés sur la conversation quotidienne ou des entreprises qui redoutent les pièges de l'interculturalité.
En quoi votre expérience est-elle exceptionnelle? De quoi êtes-vous le plus fier?
Je commencerai par préciser que, à mon sens, une langue est d'abord parlée, l'enseignement scolaire des langues est hélas centré sur l'écrit et le manque de pratique orale est bien connue, mais non solutionnée. Les structures d'enseignement et d'évaluation sont souvent bien trop rigides, trop hiérarchiques, pour permettre aux professeurs, de langues notamment, de réaliser leurs projets innovants.
En rencontrant de par le monde quantité de personnes qui se débrouillaient, voire parlaient très bien le français sans l'avoir étudié, il était choquant de constater d'un autre côté le mutisme frustrant et frustré de ceux/celles qui avaient appris cette langue à l'école. Et ce, dans tous les pays où je suis passé. Je suis parti de ce triste constat pour analyser ce qui faisait que ”ça marchait”. Je me suis donc transformé en explorateur et surtout, en enquêteur: auprès de mes élèves, auprès de spécialistes des troubles cognitifs, des psychologues, des spécialistes de la mémoire, de l'intelligence émotionnelle...
Puis partant de là, je suis passé à une phase de mise en place de conditions optimales pour l'apprentissage, via des expériences en tous genres, faisant appel à des techniques de mise en scène via des jeux de simulation, de suggestion, du multi-sensoriel, avec toujours au coeur du dispositif la joie d'apprendre, en étant soi-même, en faisant ressentir à l'apprenant.e que oui, elle/lui aussi est ”doué.e pour les langues” !
C'est une revanche sur ma propre frustration scolaire et je suis soulagé de pouvoir l'éviter à d'autres aujourd'hui. Il m'est même arrivé plusieurs fois de recevoir avec beaucoup d'émotion une embrassade reconnaissante de certains élèves; cela en dit long je pense, sur le désespoir, la peur d'être ”mauvais” qui était la leur. On les a aidés à ouvrir une porte supplémentaire sur le monde: celle de la francophonie. Et quel bonheur de les voir prendre plaisir à utiliser un subjonctif qui n'existe par exemple plus en suédois.
Qu’est-ce qui vous a poussé à poser votre candidature aux Trophées des Français à l’étranger ?
Je ne suis guère porté sur la publicité et les médias sociaux, mais à côté du savoir-faire, le faire-savoir est nécessaire ! Non pas que je n'aime pas l'idée de communiquer, bien au contraire, mais j'aime avoir quelqu'un en face de moi avec qui échanger. Si possible, en chair et en os! Je pense également que de nombreux collègues oeuvrent dans la même direction et que des synergies sont toujours les bienvenues – une visibilité accrue est un facteur très positif. L'opportunité était tentante. Et qui sait, de belles rencontres pourraient en découler ...
Que représente pour vous le fait de remporter un prix dans votre catégorie, c’est-à-dire : Que pensez-vous apporter sur un plan éducatif ?
Comme je l'expliquais plus haut, j'espère rendre les cours de langues traditionnels plus attractifs et beaucoup plus efficaces dans la pratique orale. Il existe bien des pistes déjà expérimentées, mais elles ont besoin d'ajustement pour fonctionner. Si on ne prend que l'exemple des jeux éducatifs édités (à l'exception de ceux destinés aux 1-9 ans), ils reproduisent tous les choix qui ne fonctionnent pas dans un cours traditionnel : ils n'ont rien de stimulant, ni d'amusant, ni d'immersif. C'est un fait maintes fois constaté, mis sur le compte d'un élève peu réceptif. Il existe pourtant de merveilleuses mécaniques d'apprentissage par le jeu, mais elles ne sont jamais présentes dans des jeux estampillés «éducatifs ». Quel gâchis !
Être enseignant est terriblement exigeant et chronophage. Des outils comme ces répliques du monde réel que sont des jeux de table, de rôle, toujours plus variés, peu coûteux, innovants, peuvent être mis à leur disposition et faire une différence fondamentale.
Qu’attendez-vous professionnellement de l’année à venir ? Quels sont vos projets ?
Nous préparons activement le post-Covid avec des activités en présentiel renouvelées, ainsi que de nouvelles solutions pour proposer une digitalisation de notre expérience. Nous travaillons sur des prototypes de jeux, vraiment éducatifs, qui passionnent en-dehors de la salle de classe. Des séances de test avec de nombreuses variantes ont été conduites auprès de jeunes élèves et constituent une source d'information capitale pour intégrer idéalement contenu et contenant, connaissance et support de cours.
Reste à les tester sur des adultes qui souhaitent du «tout à l'oral» de conversation. Puis à les éditer en Europe, sachant qu'ils sont pensés pour être digitalisés aisément par la suite. Nous espérons que 2021 sera l'année de l'apprentissage immersif, surfant notamment sur cette formidable demande des 20-40 ans autour des jeux de société de nouvelle génération. Plus que jamais, les gens ont soif d'expériences et d'échanges.
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Pour découvrir les cinq finalistes des Trophées des Français de l’étranger dans la catégorie Éducation 2021.
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